INTERVIEW EXCLUSIVE. En parallèle de l’UNOC-3, un Forum mondial des Îles pour partager les expériences insulaires face aux vulnérabilités « multidimensionnelles »

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INTERVIEW EXCLUSIVE. En parallèle de l’UNOC-3, un Forum mondial des Îles pour partager les expériences insulaires face aux vulnérabilités « multidimensionnelles »

Confié au ministre chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, Mohamed Thani-Soilihi, le Forum mondial des Îles aura lieu du 8 au 10 juin prochain, en parallèle de la Conférence des Nations unies sur l’Océan. L’occasion pour les États et territoires insulaires, Outre-mer compris, de faire entendre leur voix et espérer à l’issue, des financements tant sur la vulnérabilité, la protection de la biodiversité marine, la pollution plastique et la décarbonation des transports. 

C’est une des missions qui lui a été confiée et, des mois durant, le ministre Thani Mohamed-Soilihi, originaire de Mayotte, a pris son bâton de pèlerin pour rassembler autour de ce Forum le maximum d’États et territoires insulaires, mais aussi de pays ayant une façade ou des territoires maritimes, tels que le Royaume-Uni, les Pays-Bas, l’Australie, le Brésil ou l’Indonésie, tout comme des financeurs et ONG. 

Et à quelques jours de son lancement, en parallèle de l’UNOC-3, cette mission de rassemblement est accomplie. « Le Forum mondial des Îles que j'aurai l'honneur de présider va prendre une place à part dans ce grand événement » a confié Thani Mohamed-Soilihi à Outremers360. « Étant originaires des Outre-mer, de Mayotte, j'ai pu constater de près à quel point les territoires insulaires subissaient, de manière disproportionnée, les conséquences de la dégradation de la santé de l'océan », ajoute le ministre.  

Thani Mohamed-Soilihi cite naturellement les cyclones Chido, Dikeledi ou Garance, mais aussi les sécheresses à répétition et l’accès difficile à l’eau, le recul du trait de côte et l’élévation du niveau des océans, les « ravages » sur la biodiversité ou encore, la pollution plastique, comme autant de menaces qui pèsent sur ces îles, impuissantes à inverser, seules, le cours des événements. En somme, des « défis existentiels » pour ces territoires qui ont aussi « développé leur résilience » et portent « des solutions d'économie bleue ».

Pour le ministre chargé de la Francophonie et des Partenariats internationaux, l’UNOC-3 est une « occasion à saisir », « un an après la Conférence des Nations Unies sur les petits États insulaires, qui s'est tenue en mai 2024 à Antigua et Barbuda », et dans la continuité de tous ces rendez-vous internationaux qui, sur les dix dernières années, ont mis en lumière les problématiques insulaires face aux changements climatiques, à commencer par la COP21 de Paris. 

« Un autre élément à prendre en considération pour expliquer ce premier Forum mondial des Îles, c’est la maritimisation des enjeux politiques (…) qui placent les îles et les États insulaires au cœur des questions stratégiques de souveraineté, de sécurité, d'autosuffisance, d'insertion dans les échanges mondiaux, de partage des ressources marines et de développement durable », explique encore le ministre. Autant de « constats » qui justifient ce Forum, dont l’organisation a été confiée à Thani Mohamed-Soilihi par le président de la République Emmanuel Macron, et « main dans la main avec Manuel Valls ». 

Ce forum se déroulera donc du 8 au 10 juin dans la zone verte, au sein du Parc des Expositions de Nice, appelée aussi la Baleine, à Nice. « Nous avons fait en sorte qu'il soit accessible au plus grand nombre. C'est important dans la mesure où il s’agira de partager les expériences et réflexions collectives, d'échanger pour identifier des solutions concrètes qui, pour certaines, sont déjà en train d'être déployées ». Thani Mohamed-Soilihi insiste sur la notion de partage qui « va permettre de rendre les solutions encore plus efficaces, et certainement d'optimiser aussi les moyens ». 

Côté programme, quatre thématiques principales seront au cœur des échanges : Vulnérabilités et financements innovants ; connectivité et transports maritimes ; thématique lutte contre les pollutions, notamment plastiques ; et préservation de la biodiversité et des ressources naturelles. « Chaque panel sera ouvert ou clôturé par un chef d'État ou de gouvernement » précise le ministre qui ouvrira le Forum, et dont la clôture sera assurée par Emmanuel Macron. Parmi la soixantaine d’États et territoires représentés, la Première ministre de la Barbade, le président du Cap Vert, le Premier ministre des Îles Cook, le Premier ministre de l’Île Maurice, le président de la République des Palaos, le Sri Lanka ou encore les dirigeants de Tuvalu sont attendus. 

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En Outre-mer, le président de la Polynésie Moetai Brotherson, les exécutifs de Martinique, de Nouvelle-Calédonie, de Mayotte ou encore de La Réunion ont répondu présents. « Les Outre-mer sont une partie intégrante de ce Forum, fenêtre de visibilité pour nos territoires qui incarnent l'insularité française et pour lesquels l'UNOC peut favoriser le rayonnement et l'intégration dans leurs bassins géographiques », assure le ministre qui souligne aussi « leurs expériences et pratiques » dans la lutte contre les sargasses aux Antilles, la protection des mangroves mahoraises ou encore l’éducation avec les Aires marines éducatives nées aux îles Marquises.

A ces dirigeants politiques s’ajouteront « des organisations internationales et régionales », des banques multilatérales et publiques de développement, ainsi que des fonds verticaux, des entreprises et des organisations de la société civile, « parce que les réflexions sur les pratiques, sur les solutions, mais aussi comment les financer, doivent être le plus large possible ». À titre d'exemple, interviendront lors du Forum des responsables exécutifs de la Banque mondiale, du Fonds vert pour le climat, de l'Organisation maritime internationale, du Programme des Nations Unies pour l'environnement, et de l'UNESCO. 

Les financements, « nerf de la guerre »

Thani Mohamed-Soilihi entend aussi montrer que « la France est motrice en matière de protection et d’adaptation des territoires au changement climatique, que ce soit au niveau national, européen ou international ». « Je citerai par exemple le Fonds Barnier, le plan PNR, le programme Solutions fondées sur la Nature. Nous avons plusieurs exemples concrets de solutions d'ores et déjà appliquées, qui seront une des vitrines de ce Forum », poursuit le ministre. Des solutions qui « seront exposées, en confrontation, en partage, en mémoire avec d'autres solutions issues des autres territoires ». 

Bien évidemment, le ministre espère et travaille encore sur des « livrables », comprendre des annonces et solutions concrètes. « Les participants seront invités à présenter des initiatives en faveur de nouveaux modes de financements et de la résilience des États et régions insulaires, en cohérence avec le pacte pour la prospérité des peuples et de la planète », explique le ministre. Ces nouveaux financements pourraient concerner les vulnérabilités « multidimensionnelles » des îles et territoires côtiers, par exemple, ou encore la décarbonation des transports ou la lutte contre les pollutions. Il faudra toutefois attendre le discours de clôture du chef de l’État pour en savoir davantage. 

En attendant, « cette initiative d'organiser le Forum des Îles intéresse beaucoup, suscite vraiment un fort engouement de nos partenaires » indique le ministre. « Partout où je me suis déplacé, que ce soit dans les Caraïbes, dans l'océan Indien, en Australie, j’ai constaté un fort engouement sur ce Forum mondial des Îles (…). C'est une initiative qui est saluée de toute part et c'est le premier signe de sa réussite ». 

Dix ans après l’Accord de Paris sur le Climat, et à l’heure où la première puissance maritime mondiale, les États-Unis, s’en est désengagé, le message devient d’autant plus nécessaire. « Ce retrait est un très mauvais signal envoyé à la planète. Et c'est pour ça qu'il est d'autant plus important que nous réussissions ces grands moments pour isoler ce repli sur soi » insiste Thani Mohamed-Soilihi qui rappelle le succès du Sommet sur la Nutrition, « sans les États-Unis ». « Les catastrophes naturelles, les défis globaux ne s'arrêtent pas aux frontières » conclut le ministre mahorais qui appelle à « faire savoir, faire comprendre au reste de la planète que ces enjeux sont importants et que notre puissance qui y participe ».