"Ils refusent d'écouter": les autochtones bousculent la COP amazonienne

Hermes Caruzo/COP30

"Ils refusent d'écouter": les autochtones bousculent la COP amazonienne

C'est leur COP, la première conférence climat de l'ONU en Amazonie. Mais des autochtones du Brésil ne se sentent pas assez écoutés et ils l'ont clairement fait savoir mercredi à Belem, à commencer par l'emblématique cacique Raoni.


Cette frustration a éclaté mardi soir quand plusieurs dizaines de manifestants indigènes, accompagnés de soutiens, ont forcé l'entrée du site de la COP30 dans cette ville d'Amazonie brésilienne, avant d'être repoussés par les agents de sécurité. Les images des heurts ont fait le tour du monde.

Le président brésilien de gauche Luiz Inacio Lula da Silva est un allié revendiqué de la cause autochtone. A son crédit: l'homologation de 16 terres indigènes, la chute spectaculaire de la déforestation ou la nomination d'une figure respectée, Sonia Guajajara, à la tête du tout premier ministère des Peuples indigènes.
Mais pour beaucoup, le compte n'y est pas. Ainsi, Raoni Metuktire, chef autochtone le plus influent du Brésil et défenseur mondialement connu de l'Amazonie, a lancé un avertissement à Lula - à sa manière. "Je vais prendre rendez-vous avec lui, et, si besoin est, je vais lui tirer l'oreille pour qu'il m'écoute", a déclaré le cacique nonagénaire au sujet de son cadet octogénaire. "Je soutiens le président Lula, mais il doit nous écouter", a-t-il insisté. "Il faut qu'il nous respecte."

© Aline Massuca/COP30

Le cacique au célèbre plateau labial a critiqué certains chantiers poussés par le gouvernement, en particulier l'exploration pétrolière lancée en octobre près de l'embouchure de l'Amazone.
Il a également fait référence au projet de construction de Ferrograo, une voie ferrée de près de 1.000 km censée traverser le Brésil d'ouest en est pour acheminer la production de céréales.
"Si ces mauvaises actions continuent, nous aurons des problèmes", a-t-il averti.

Le 1er janvier 2023, Raoni était l'une des personnalités qui ont remis symboliquement l'écharpe présidentielle à Lula lors de son investiture pour un troisième mandat, après un premier passage à la présidence de 2003 à 2010.
Le vieux chef, qui de temps à autre rêve à voix haute du prix Nobel de la paix, s'exprimait mercredi lors d'une conférence de presse sur un bateau en présence d'autres leaders autochtones.
Le bateau faisait partie d'une flottille de dizaines d'embarcations sur le majestueux fleuve Guama qui a marqué l'ouverture du Sommet des peuples, un événement parallèle ayant lieu à Belem en même temps que les négociations climatiques.

© Hermes Caruzo/COP30

"Harmonie" 

De leur côté, des indigènes ayant participé à la marche mardi soir à l'entrée du site de la COP ont voulu défendre leur action. "Personne n'a commis aucun acte de banditisme, mais c'était pour attirer l'attention", a expliqué Dona Neves Arara Vermelha lors d'une conférence de presse. "Personne n'avait l'intention de casser, de vandaliser", a ajouté cette femme âgée, reprochant à la sécurité d'avoir fermé les portes à l'arrivée des manifestants. Deux agents de sécurité ont été légèrement blessés, selon l'ONU.
Au troisième jour de la COP, "nous espérons encore discuter avec le président Lula, avec les gouvernants, (...) s'asseoir à la table des négociations. Ils refusent d'écouter ce que nous disons ici", a affirmé Auricelia Arapiun, une jeune manifestante.
Toutes deux appartiennent à l'ethnie arapiuns de la région du Bas Tapajos dans l'Etat du Para, dont Belem est la capitale. Parmi leurs griefs: une démarcation de terres indigènes trop lente à leurs yeux, et une défense de la forêt jugée insuffisante face aux appétits du puissant agro-négoce.
Samedi est prévue à Belem une grande "Marche des peuples pour le climat": indigènes et organisations de la société civile réclameront "justice climatique" et "défense des territoires" indigènes.
Si Raoni sait rappeler à Lula ses exigences, il a aussi défendu mercredi le vivre-ensemble, se disant "contre tout conflit". "Il y a très longtemps, les Blancs et les indigènes se battaient, s'affrontaient. Alors je travaille pour que nous vivions pacifiquement et en harmonie", a-t-il dit.

 

Avec AFP