Nouvelle-Calédonie : Avec Paul Néaoutyine, Naïma Moutchou « insiste sur le respect » de « l’histoire »

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : Avec Paul Néaoutyine, Naïma Moutchou « insiste sur le respect » de « l’histoire »

De passage à Koné et Pouembout ce mercredi, la ministre des Outre-mer a débuté cette séquence par une coutume, puis un entretien avec le président de la province Nord Paul Néaoutyine. Si rien n’a filtré de cet échange, Naïma Moutchou a réaffirmé « prendre le temps d’écouter », notamment des figures politiques comme ce leader indépendantiste, « capable de rassembler » et dont « on aura besoin pour traverser cette période de l’histoire ». Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes. 

Cette séquence, qui n’était initialement pas prévue au programme du déplacement de Naïma Moutchou en Nouvelle-Calédonie, s’est décidée à la dernière minute. La ministre des Outre-mer, de passage à Koné et à Pouembout, ce mercredi 12 novembre, a finalement suivi le chemin protocolaire habituel en rencontrant le président de la province Nord, Paul Néaoutyine. Une attention à laquelle n’avait pas eu droit son prédécesseur Manuel Valls, en dépit de ses nombreux déplacements sur le Caillou.

Avant d’entrer dans le vif du sujet, le temps d’un entretien de plus d’une heure, loin des caméras et des micros, la ministre et le leader indépendantiste ont échangé en public le temps d’une coutume d’accueil, qui a uni « les valeurs universelles de la République et les valeurs kanak » de part et d’autre de la natte. 

« On entend beaucoup aujourd’hui, mais on n’écoute plus. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles la ministre est là » a introduit Richard Poido, conseiller aux affaires coutumières et politiques au haut-commissariat, qui a rappelé que le président de la province Nord est « un gardien de la mémoire et d’un combat », en tant que seul signataire des accords Oudinot-Matignon et de Nouméa encore à la tête d’une institution, à l’heure « où beaucoup écrivent l’histoire de ce pays à partir de leur date de naissance ».

« Je n’ai jamais accepté de me faire instrumentaliser »

Face à Naïma Moutchou, le membre fondateur du Parti de Libération Kanak (Palika, parti co-fondateur du FLNKS mais qui s’en est retiré en 2024, et qui reste une des composantes de l’UNI) a longuement pris le temps d’expliquer les fondamentaux de la culture kanak et ses symboles, jugeant bon de rappeler que « c’est à celui qui arrive de dire pourquoi il est là », avançant que la ministre a peut-être un « casse-tête » entre ses mains. 

Paul Néaoutyine a notamment fait part à la ministre des Outre-mer que « se comprendre et se parler, c’est la base », avant de lui souhaiter la bienvenue « au nom de toute notre délégation pluriculturelle à l’assemblée de la province Nord ».  Le chef de l’assemblée, qui rappelle rester attaché à ses « fondamentaux politiques et culturels tant que je serai là », a mis en garde l’assistance : rien ne devra filtrer de son entretien « off » avec la ministre. « Et je n’accepte pas qu’on interprète des propos quand on n’est pas là. Je n’ai jamais accepté de me faire instrumentaliser par qui que ce soit ».

« On prend le temps d’écouter »

Avant de s’enfermer avec lui, Naïma Moutchou a voulu exprimer « l’attachement de l’État à ce territoire ». « Je vous le dis en tant que ministre des Outre-mer, mais je vous le dis aussi à titre plus personnel, parce que je comprends le sens et la portée de vos propos, peut-être plus que beaucoup d’autres. Je suis fille d’immigrés marocains, je viens d’une grande terre de coutume. Je partage avec vous beaucoup de choses, le lien avec les ancêtres, le lien à la mémoire, le lien à la foi et aux croyances », assure Naïma Moutchou, qui « connaît bien la natte marocaine ».

« On y boit le thé pour échanger et on prend le temps de s’écouter. C’est un moment de partage et de communication très ancré chez nous. Je suis issue d’une tribu berbère, d’une montagne du Haut Atlas où c’est plus qu’une habitude, c'est presque une obligation, un réflexe même. Je viens dans cet état d’esprit. »

Une première rencontre en 2018

Une philosophie qu’elle avait déjà eue, selon ses dires, lors de sa première rencontre avec Paul Néaoutyine, en 2018, alors que Naïma Moutchou faisait partie de la mission sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. « Nous nous revoyons aujourd’hui toujours pour évoquer le passé et toujours pour parler d’avenir. Car l’un ne va pas sans l’autre. J’ai beaucoup insisté depuis mon arrivée sur le respect que nous devons à l’histoire, aux mémoires et au dialogue vrai. Rien ne peut se construire si nous n’affrontons pas la réalité de ce qui a été, de ce qui est et de ce qui sera. »

Pour la ministre des Outre-mer, en fonction depuis un mois, « il existe un espoir de voir un chemin se tracer », une voie sur laquelle l’État aura besoin de leaders comme Paul Néoaoutyine, qui ont « cette capacité à rassembler ». Et ce, « pour traverser cette période de l’histoire, toujours avec la même méthode, celle de l’échange, du respect profond et de l’amitié. »

Dans le Sud, la séquence prévue au Mont-Dore annulée, « un très mauvais signal » pour Nina Julié

Après son passage en province Nord, Naïma Moutchou devait se rendre au Mont-Dore -importante commune du Sud- dans l’après-midi, pour rencontrer les gendarmes mobilisés en Nouvelle-Calédonie au niveau du verrou Nord, à Saint-Louis, puis visiter le parcours du Cœur et inaugurer la deuxième tranche des travaux de confortement de la RP2, menacée par l'érosion côtière, dans le sud de la commune, et enfin échanger avec l'association Citoyen mondorien et son président, Florent Perrin. La visite a été annulée en raison d'un retard sur le planning prévu.

Une annulation regrettable, pour Nina Julié, élue Générations Mont-Dore et candidate aux élections municipales 2026. « Les Mondoriens avaient des choses à lui dire : des témoignages de ce qu'ils ont vécu pendant l'insurrection, pour qu'elle comprenne ce qu'ils ne veulent plus jamais revivre, et quelles sont leurs attentes légitimes aujourd'hui », écrit la conseillère municipale dans un communiqué diffusé en début d'après-midi, ce mercredi.

Le collectif des Mondoriens du Sud espérait notamment « rappeler que la justice est la condition première du retour à la paix civile », tandis que l'association Citoyenne mondorien avait l'intention de rappeler la nécessité, à ses yeux, de construire un viaduc pour contourner Saint-Louis. « Cela envoie un très mauvais signal. Car le Mont-Dore mérite d'être entendu », regrette Nina Julié, avant de conclure : « J'espère que, dans les quelques jours qui lui restent sur le territoire, elle trouvera le temps de venir écouter les Mondoriens - leurs attentes, leur lassitude, mais aussi leur espoir de justice et de sécurité. »

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes