Histoire : la Martiniquaise Jane Nardal, figure emblématique du célèbre « salon littéraire des sœurs Nardal », naissait il y a 120 ans

L’une des rares photographies de Jane Nardal (1902-1993) ©DR

Histoire : la Martiniquaise Jane Nardal, figure emblématique du célèbre « salon littéraire des sœurs Nardal », naissait il y a 120 ans

Ce premier août 2022 marque la naissance, il y a 120 ans, de la Martiniquaise Jane Nardal, qui créa dans les années trente, avec sa sœur aînée Paulette, un club littéraire précurseur du mouvement de la négritude. Après être tombée dans l’oubli, la contribution des sœurs Nardal à l’intelligentsia noire francophone commence à être reconnue à sa juste valeur.

Rendons tout de suite justice à Jane Nardal. Car si l’histoire littéraire parle effectivement du salon des sœurs Nardal, elle ne retient généralement que le nom de Paulette Nardal (1896-1985), l’aînée, à l’ombre de laquelle figurait Jane, qui vit le jour six ans plus tard. Pourtant cette dernière joua un rôle également important dans le rayonnement du cénacle où s’élabora La Revue du monde noir et les prémices du mouvement de la négritude.

Jane naît le 1er août 1902 au Lamentin en Martinique, dans la bourgeoisie émergente de l’époque. Son père, Paul, est ingénieur, et sa mère Louise professeur de piano. C’est la quatrième des sept filles du couple, qui n’aura pas de garçon. Les parents, très cultivés, veillent à ce que leurs enfants obtiennent la meilleure éducation possible et les encouragent à étudier aussi la musique et la peinture, entre autres. Les plupart des sœurs vont faire des séjours linguistiques dans les îles anglophones voisines, d’où le diminutif de Jane, qui lui restera, alors qu’elle est Jeanne sur l’état civil.

Littérature classique et française

En 1923, Jane débarque à Paris afin de poursuivre ses études supérieures. Elle rejoint sa sœur aînée à la Sorbonne, en littérature classique et française, dont elle sortira diplômée. Dans cette période d’après-guerre, la capitale bouillonne d'activités culturelles et intellectuelles. Tout comme Paulette, Jane va découvrir les expositions et les théâtres parisiens, le célèbre Bal Nègre de la rue Blomet, le jazz, des écrivains et artistes africains et afro-américains… mais aussi le racisme et le paternalisme.

La promenade Jane et Paulette Nardal à Paris, et sa plaque indicative ©Wikimedia Commons

Avec sa sœur installée à Clamart, tout près de la capitale, elles décident de créer un club littéraire du monde noir au début des années trente. On y croise des intellectuels afro-américains comme Alan Locke, le Guyanais René Maran, prix Goncourt en 1921, le gouverneur, également guyanais, Félix Éboué, et deux futurs fondateurs du mouvement de la négritude, le Sénégalais Léopold Sédar Senghor et le Martiniquais Aimé Césaire, parmi bien d’autres.

Fichées par la police

Parallèlement, Jane collabore à une revue intitulée La Dépêche africaine, qui plaide notamment pour une réforme de la colonisation et la reconnaissance des droits des autochtones. Paulette y écrira aussi quelques articles, et cela leur vaudra d’être fichées par la police. En 1931, les deux sœurs participeront à la création de La Revue du monde noir avec René Maran et l’écrivain haïtien Léo Sajous. La publication, bilingue, s’arrêtera après six numéros, faute de moyens. Durant toutes ces années, Jane se déplace beaucoup. Elle enseigne en 1929 au Pensionnat colonial en Martinique, et plus tard, selon certaines sources, en Afrique équatoriale française, dans l’actuel Tchad. Rentrée définitivement en Martinique dans les années cinquante, elle tente sans succès une carrière politique, avant de tomber dans l’oubli. Elle s’éteint en novembre 1993 à l’âge de 91 ans.

Depuis quelques années cependant, le nom des deux sœurs commence à sortir de l’anonymat et hommage leur est rendu dans l’espace public. Il existe dorénavant une promenade Jane et Paulette Nardal à Paris, une allée Paulette Nardal à Clamart et une place Paulette Nardal à Fort-de-France. Une pétition circule également pour l’entrée de cette dernière au Panthéon. Jane et Paulette figurent sur la liste des 368 noms constituée par l’historien Pascal Blanchard à l’attention des maires de France souhaitant baptiser des rues avec des personnalités issues de la diversité. Et tout récemment, le 28 juillet 2022, les élus de la Collectivité Territoriale de Martinique ont décidé, en assemblée plénière, de renommer le collège de la commune du Diamant en « collège Jane Nardal ». 

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PM