Une convention réunissant l’État, les collectivités territoriales et les professionnels de la mer sera signée à la mi-septembre. C’est ce qu’a annoncé le ministre des Outre-mer Manuel Valls ce mercredi, à l’issue d’une rencontre avec les pêcheurs au Port du Larivot. Cette convention fait suite aux engagements pris par le président Emmanuel Macron en mars 2024, notamment le renouvellement d’une flotte d’au moins 25 bateaux. Un an plus tard, les professionnels attendent toujours des actes concrets. Focus grâce aux interview de Manuel Valls et de Léonard Raghnauth par nos partenaires de Radio Péyi.
Un secteur à structurer, une filière à moderniser. Pour Manuel Valls, l’enjeu est clair : « Nous avons besoin d'une filière forte, attractive. La filière doit évidemment être soutenue notamment par rapport à son besoin de main d'œuvre et par la formation d'une main d'œuvre locale. Le renouvellement de la flotte est évidemment l'autre sujet central et là nous devons avancer notamment avec la Commission européenne, puis la modernisation des infrastructures portuaires et de débarquement est évidemment aussi l'autre grande préoccupation, donc nous avons parlé aussi du site où on pourrait à l'est également détruire les navires qui sont trop vieux ou qui ont été capturés parce qu'ils pratiquent de la pêche illégale. Ce que nous souhaitons et à la demande notamment de la profession dans un dialogue exigeant avec les voisins Guyana Surinam et Brésil par rapport à un certain nombre de pratiques qui sont scandaleuses, c'est continuer évidemment l'action de l'État en mer avec nos navires, l'arraisonnement, acquérir un drone qui nous permettra d'être plus efficace, mais aussi mettre en place un dispositif type Harpie en mer avec nos voisins, pour là aussi avancer sur la coopération pour lutter contre la pêche illégale et le pillage des ressources naturelles. »
Président du comité régional et des élevages marins de Guyane, Léonard Raghnauth se montre satisfait des engagements pris :
« Aujourd'hui nous prenons acte des annonces de rendez-vous avec des engagements derrière. Je rappelle que le combat que nous menons c'est pour le bien-être des Guyanaises et des Guyanais, la pérennité de la richesse de la biodiversité et naturellement la souveraineté alimentaire. Lorsqu'on a eu l’annonce des 25 navires, bien sûr, c'était un soulagement du cœur, maintenant il s'agit un an après de rendre ces projets concrets et c'est ce qu'on a eu à discuter aujourd'hui avec le ministre puisque les 25 navires qui partent d'un cadre spécifique à la Guyane par rapport à nos spécificités, par rapport à la pêche illégale, par rapport au manque d'infrastructures portuaires, manque de main d'œuvre et caetera, aujourd'hui ce qu'il s'agit de faire c'est de verrouiller cette annonce et le passer en concret avant l'échéance du 31 décembre 2027. Pour illustrer, l'investissement sur un navire de de moins de 24 mètres, c'est un investissement d'environ 3.000.000 d'euros. Or dans le cadre réglementaire, on a une aide publique de 50%. Donc l'investisseur doit quand même chercher un apport en tout cas un soutien financier à hauteur de 1.5 millions sur ce type de navire. »
Adapter les règles européennes au contexte guyanais
Manuel Valls a également abordé la question des normes européennes, jugées inadaptées au contexte local : « Elles sont en train d'être adaptées grâce à l'engagement du président de la République, aux discussions qu'il a eues avec la présidente de la Commission européenne. Nous avons déjà avancé notamment pour ce qui concerne le renouvellement de la flotte. Ce dont nous avons besoin et ça sera l'objet de la convention maintenant, c'est le soutien financier à travers la banque des territoires, la BPI, le secteur bancaire, l'État directement, là où il y a un certain nombre de difficultés, c'est qu'on accompagne cela. Donc je pense que dans les mois qui viennent, on aura encore franchi des pas importants dans ce travail. Alors on a avancé notamment parce qu'on peut sans doute aussi grâce aux décisions qui ont été prises par l'Ifremer, d'abord sur le renouvellement du CAP, deuxièmement il autorise aussi par l'évolution du code de la pêche le fait qu'on puisse couler en mer un certain nombre de ces bateaux, il y a aussi, le préfet l'a évoqué, les sites qui sont en train d'étudier. Il y a les annonces du président de la République, on est sur des dossiers extrêmement difficiles, extrêmement compliqués, mais les choses de mon point de vue avancent. »

Vers une diversification des espèces pêchées
Autre enjeu majeur pour les professionnels : la diversification des productions. Léonard Raghnauth détaille : « La filière pêche guyanaise sur les 3 segments, on est passé de 22 navires en 2022 lorsque nous sommes arrivés, à aujourd'hui 93 navires de pêche côtière qui pêche pour les Guyanaises et les Guyanais. Sur la pêche crevetière, nous avons 45 autorisations vénézuéliennes de pêche dans les eaux territoriales pour le Vivano. Aujourd'hui on est à peu près à 40% de production. C'est à améliorer, c'est à travailler. On s'y attelle. On a la pêche crevetière malheureusement qui est passée d'une production annuelle d'environ un peu moins de 4.000 tonnes il y a 30 ans, à aujourd'hui 136 tonnes, on est loin des performances qu'on a connues. Là on est en train de travailler sur la modification des navires pour qu’on ait la diversification de la production, notamment des expériences pour aller chercher le marlin, le thon pour lequel on attend toujours des quotas. Donc c'est l'Europe, c'est la France, c'est l'ICAT qui doivent nous permettre d'avoir ces quotas pour débarquer légalement et faire connaître ce produit aux Guyanais et aux Guyanais. »
Lutter efficacement contre la pêche illégale
Manuel Valls insiste sur la volonté de renforcer les moyens de contrôle : « On avance sur le renouvellement de la flotte et en changeant un certain nombre, de changement de norme par rapport au tonnage et au segment, ça c'est acté et c'est grâce à l'intervention auprès de la commission européenne. Ensuite il y a une procédure qui est a été engagée à la demande de la France par la commission européenne concernant le Surinam, le Guyana, le Venezuela et le Brésil, donc là aussi ces procédures elles sont en cours au niveau de la commission européenne pour des évidentes. Il y a l'action en mer, où nous agissons dans le cadre de normes internationales et de l'état de droit, et enfin, il y a cette idée de mettre en place un dispositif type Harpie en mer pour amener ces états à coopérer davantage, parce que cette coopération est indispensable, parce qu'on ne peut pas supporter ce pillage. Et il faut en faire un point important aussi de la COP à Belem parce qu'on ne peut pas parler à la COP, sans parler préservation de la biosphère, de nos océans sans évoquer au Brésil et avec le Brésil et nos voisins ce qui se passe ici, comment on peut évoluer. Donc la France joue son rôle. »

Mais sur le terrain, les résultats tardent, comme le souligne Léonard Raghnauth : « C'est le point lourd de cet échange parce que malgré l'effort des militaires, malgré l'effort des services de l'État, malgré l'effort de tous, on constate que la courbe n'infléchit pas. La courbe de la pêche illégale est croissante. L'idée de la profession aujourd'hui et c'est ce que j'ai proposé au ministre, c'est de créer un dispositif sur lequel on aura plusieurs acteurs, plusieurs entités et qui vont réfléchir à comment faire changer cette courbe. L'idée à long terme, c'est d'éradiquer la pêche illégale. Mais on ne peut pas passer de 100 à 0 tout de suite. Donc quelle stratégie, quelle politique, quel moyen on met en place et c'est pour ça qu'on parle de stratégie type Harpie pêche. »
Cette convention à venir devrait donc marquer un tournant dans la structuration de la filière pêche en Guyane, avec des objectifs à la fois économiques, environnementaux et stratégiques.
Damien CHAILLOT