Guyane: Les renforts de magistrats annoncés sont sur le point d’arriver

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Guyane: Les renforts de magistrats annoncés sont sur le point d’arriver

L’annonce avait été faite par le ministre de la justice lors de son déplacement en Guyane : l’arrivée de « brigade de soutien d'urgence » pour renforcer les équipes actuelles au sein des juridictions. A l’époque et pour rappel, faute de « moyens humains et matériels », les chefs de juridiction avaient annoncé des actions de justice morte. Ainsi donc, quatre mois après la venue d’Eric Dupond-Moretti, des renforts vont arriver ce vendredi 27 et samedi 28 janvier. Un sujet avec les interviews de notre partenaire Radio Péyi.

Ils sont sept magistrats, quatre pour le siège (donc quatre juges) et trois pour le parquet, pour une durée de six mois. Et puis sept greffiers (cinq à Cayenne et deux à Saint-Laurent du Maroni sont également attendus pour la deuxième moitié du mois de février. Florence Lardet est magistrate, elle fait partie de ces brigadiers qui ont répondu volontairement à l’appel lancé par le ministère de la Justice.  Elle rejoindra dès la semaine prochaine l’équipe du parquet de Cayenne.  «Dans le recrutement des collègues qui font partie du dispositif, nous avons tous une expérience professionnelle, du terrain, de la juridiction plutôt importante. Il y a un temps d'adaptation quand on change de juridiction. Le profil des candidats fait qu'un certain nombre de collègues a déjà une expérience de l'Outre-mer. Le temps est court, nous avons quelque part envie d'apprendre vite et de découvrir vite. Le fait d'être procureur, d'être au parquet  est mon ADN. C'est réfléchir à décliner une politique pénale qui va être adaptée à un territoire donnée  pour  répondre au mieux au phénomène de délinquance. Quand on arrive sur un territoire, on va essayer de comprendre ce territoire, de voir comment il fonctionne».

Elle explique ce qui l’a motivé à rejoindre dès la semaine le parquet de Cayenne. « Quand je sors de l'école de Magistrature pour choisir mon poste, je note à l'époque Cayenne sur la dizaine de poste que je souhaite. Dans le cadre des formations continues, j'écoutais avec intérêt l'expérience des collègues provenant de Guyane. En matière de type délinquance, je trouvais des réflexions intéressantes. J'ai rejoint la juridiction nationale de la lutte contre la criminalité organisée en 2019. Le territoire de la Guyane, sous l'angle de l'appréhension de la délinquance est passionnant, parce que la lutte contre la criminalité organisée n'a pas de frontières. Quand on a cet intérêt pour la criminalité organisée, un passage par le territoire guyanais est intéressant et important ».

© Eric Dupond- Moretti, Garde des Sceaux lors de sa visite en Guyane © Radio Peyi

Ces brigadiers seront donc présents de façon provisoire, en attendant la création de postes fixes - prévus pour le mois de septembre. D’ici là, le retard à rattraper est considérable : plus de 6000 décisions sont en attente d’exécution. Néanmoins Mahrez Abassi, le président du tribunal judiciaire, salue d’ores et déjà « des gestes forts envoyés par le ministère de la justice ». « Nous avons repris l'intégralité de nos services. On ne peut pas dire que cela est simple. Une reprise de tous les services nécessite une mobilisation sans faille de tous avec des moyens qui, à cette date du 2 janvier, n'étaient pas là. Nous  avons  du reprendre à effectifs constants mais nous nous étions engagés, le Procureur de la République et moi à reprendre l'activité. La bateau judiciaire guyanais est un bateau qui tangue beaucoup, nous sommes tous le temps aux aguets. Nous sommes ravis des aides. C'est un combat de tous les jours ! Les personnes qui arrivent, il ne suffit pas de les avoir six mois, encore faut-il des magistrats qui  arrivent à long terme. Enfin, fiabiliser ceux qui viennent en les accueillant de la meilleure des manières et en leur permettant de nous aider de façon idoine. L'esprit est combatif, alerte, néanmoins serein».

Mahrez Abassi, le président du tribunal judiciaire de Cayenne © Radio Peyi

Ces brigadiers seront donc présents de façon provisoire, en attendant la création de postes fixes - prévus pour le mois de septembre. D’ici là, le retard à rattraper est considérable : plus de 6000 décisions sont en attente d’exécution. Ce dispositif d’urgence est unique en son genre de la part du ministère de la justice, souligne Yves Le Clair, le procureur de la République. « Arriver à mobiliser du personnel dans les délais qui sont ténue à l'heure actuelle est même une gageure. C'est la première fois que cela a été au Ministère de la Justice. On crée quelque chose qui n'a jamais existé dans la fonction publique.»

 La magistrate Florence Lardet reconnait également la rapidité de la mise en place de ce dispositif. « Il y a une volonté du Garde des Sceaux de répondre à un besoin de certaines juridictions d'Outre-mer confrontés à des situations qualifiées «d'exceptionnelles». Entre la volonté politique d'initier le dispositif et sa mise en oeuvre effective, quelques mois se sont déroulés avec la visite du Ministre fin septembre, l'appel à candidatures en novembre avec des postes diffusés sur des fonctions de juge d'instructions, de juge de contentieux de la protection, des juges de la liberté de la détention. Au parquet, il y avait des postes de procureurs adjoints, de vice-procureur ou substitut. On ne peut pas déplacer un magistrat comme on le souhaite, on ne peut pas déployer comme une grosse société classique, de bouger quelqu'un du jour au lendemain. En tant que magistrat, on a l'indépendance de la justice, changer le poste d'un magistrat n'est pas simple.»

 «L’arrivée des brigadiers va nous permettre de moins travailler dans l’urgence» précise le procureur. Ces renforts « vont faire baisser la tension sur une machine où lorsqu'il vous manque un tiers des effectifs, les deux tiers présents ont une activité d'autant plus importantes. Ils viennent aider, ils savent ce qu'est une juridiction sous tension.»