Guyane : Des traces du bouillon d'Awara dès le XVIIe siècles, retrouvés par un chercheur

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Guyane : Des traces du bouillon d'Awara dès le XVIIe siècles, retrouvés par un chercheur

Ce mardi 24 septembre 2024, une conférence tenue à l'Encre à Cayenne a révélé de nouvelles informations historiques sur le bouillon d'Awara, un plat emblématique de la Guyane. Emmanuel Garnier, chercheur au CNRS, a présenté les résultats de ses recherches sur les origines de cette spécialité culinaire, réalisées en partenariat avec la Confrérie du bouillon d'Awara de Guyane. Selon ses découvertes, ce plat, traditionnellement consommé à Pâques, aurait été dégusté dès le XVIIe siècle. Focus grâce au reportage de nos partenaires de Radio Péyi.



Au cours de la conférence, Emmanuel Garnier a expliqué la démarche qui l'a conduit à remonter le fil de l'histoire du bouillon d'Awara sur plusieurs siècles. « Ce qui m'avait été fixé par Serge Jules Gens et la confrérie, c'était d'essayer de retrouver les racines de l'Awara, au sens propre comme au sens figuré », explique t-il au micro de Radio Péyi. Après huit mois de travail intensif, il a pu retracer l'histoire de ce fruit emblématique et son utilisation progressive par les différentes communautés guyanaises.
L'historien a détaillé comment, dès le XVIIe siècle, l'Awara a été intégré dans les pratiques culinaires locales. Ce fruit, initialement utilisé par les Amérindiens, a ensuite été adopté par les populations africaines arrivées en Guyane par la traite esclavagiste. Le bouillon d'Awara, tel qu’on le connaît aujourd’hui, aurait pris forme au fil du temps, probablement entre les années 1930 et 1950.

Un plat symbole de communion entre les cultures

L’un des aspects les plus marquants de cette recherche est la mise en lumière de l'osmose culturelle autour du bouillon d'Awara. Emmanuel Garnier a montré que ce plat a joué un rôle de "communion" entre les esclaves d'origine africaine et les Amérindiens. « L’histoire de l’Awara permet de voir les relations entretenues à l’origine par les Amérindiens avec l’arrivée de ces populations migrantes [...] les esclaves qui s’échappaient des plantations, les fameux marrons », a-t-il expliqué. Selon lui, les Amérindiens ont transmis certaines de leurs connaissances culinaires, et les populations africaines, en retour, ont adapté et transformé ce plat en fonction de leurs besoins et de leurs traditions.
Cette évolution du bouillon d’Awara sur plusieurs siècles est, selon l'historien, une illustration parfaite des échanges entre les différentes communautés présentes en Guyane. C’est ainsi que ce mets est devenu, au fil du temps, un plat fédérateur, traversant les époques et les groupes culturels pour s'imposer comme un véritable patrimoine culinaire.

Un "bien commun" guyanais

Emmanuel Garnier a conclu son intervention en insistant sur le fait que le bouillon d'Awara est aujourd’hui un « bien commun » en Guyane. Il ne peut être revendiqué par une seule communauté, car il appartient à tous. « La plupart des communautés historiques de Guyane ont contribué à l'élaboration progressive du plat que nous connaissons aujourd'hui », a-t-il souligné.
Cet aliment, chargé d’histoire, symbolise donc à lui seul l’identité plurielle de la Guyane, rassemblant ses différentes composantes autour d’un patrimoine gastronomique partagé.
 

Damien CHAILLOT