Fidèle à ses valeurs et à ses principes, l'artiste guadeloupéen de dancehall Saïk a décidé de s'impliquer dans le dossier du chlordécone. Son nouveau titre "FannTchoumania" dépeint la triste réalité des populations antillaises et vient nous rappeler que le combat contre l'empoisonnement de leurs terres par ce fameux pesticide ne fait que commencer.
Le scandale de l'empoisonnement au chlordécone, ce pesticide qui a contaminé la quasi totalité des sols et rivières de Guadeloupe et de Martinique, n'en finit pas de faire tâche d'huile et de provoquer réactions et condamnations dans toutes les strates de la société antillaise. D'autant que l'éventualité d'une prescription concernant la plainte avec constitution de partie civile déposée en février 2006 est évoquée et se fait jour après jour plus précise.
Autant dire que ce dossier qui suscite pas mal de crispations et de remous dans l'opinion publique, occupe toutes les conversations, alimentant parfois fantasmes et surenchère. Hommes politiques, acteurs socio-économiques, artistes, sportifs, bref bon nombre de ce qu'il est convenu d'appeler les leaders d'opinion se sont saisis du dossier et s'expriment sur le sujet.
Parmi ces artistes, Saïk a décidé de s'emparer de cette problématique en utilisant la musique pour tenter de briser le silence qu'il juge assourdissant autour de ce dossier et inciter la population à adhérer à cette cause. Ainsi, son nouveau titre "FannTchoumania" dépeint la triste réalité des populations guadeloupéenne et martiniquaise et vient nous rappeler que le combat contre ce fameux pesticide vient tout juste de débuter.
Un incontournable de la scène underground
Saïk, de son vrai nom Yoann Pierre Justin est né il y a 33 ans en Guadeloupe et a grandi dans la cité Mortenol à Pointe-à-Pitre. Il débute très tôt (à 12 ans) dans la musique notamment dans le milieu underground du reggae et dancehall guadeloupéenen ayant fondé avec son comparse Fredo Deado le groupe GwadaBoyz avec lequel il sort un street album éponyme. Ce duo fusionnera plus tard avec un autre groupe "Inertie" pour former le Mortenol Crew qui incluera aussi d'autres jeunes du quartier. Entretemps sa rencontre avec Admiral T qu'il considère désormais comme son grand frère, sera déterminante.
C'est finalement le titre OK interprété en featuring sur l'album Mozaïk Kréyol d'admiral T, devenu un hit aux Antilles, qui lui permettra de se faire un nom dans le milieu. En 2004, c'est l'époque Genesiz, un groupe créé avec d'autres membres de la scène underground comme Methi's, Young Chang MC et Képhren. Ce groupe sortira en 2005 son premier Mixtape "Lyrical Teworist" qui propulse Saïk définitivement dans la cour des grands dans cet univers musical avec son titre "l'école". Un morceau qui a aura un gros impact sur les jeunes et les parents car véhiculant un message positif. En 2006, "Lyrical Tworist 2" enfonce le clou. Toutefois, cette période underground est aussi marquée par le clash entre Saïk et Keros'n, un autre rappeur faisant partie du groupe Black Scare Crew.
Un engagement sans faille
En 2007, Saïk décide de s'émanciper et débute une carrière solo ponctuée par la sortie de son premier album "Face à la réalité". Suivra en 2009 "M-10 Strict", un album basé sur des rythmes musicaux urbains avec des textes engagés dénonçant notamment les injustices et les inégalités. Puis en 2013 "Nouveau souffle" aux accents reggae, dancehall, son univers musical originel, mais aussi zouk. Un album qui sera bien accueilli au-delà de la scène underground et le fera connaître à l'international. En témoigne sa collaboration avec la rappeur américain Lil Durk sur le clip "Warning". Une première pour un rappeur des Antilles françaises.
Il faudra cependant attendre 6 années supplémentaires pour la parution de son quatrième album "Magma "car l'artiste connaîtra quelques déboires dans sa carrière et dans le milieu. Il a toutefois toujours été exemplaire quant à ses engagements et ses valeurs. Ainsi, lors de la grande grève de 2009 qui a paralysé la vie économique et sociale de la Guadeloupe et de la Martinique, il n'avait pas hésité à afficher son soutien au "Lyannaj Kont pwofitasyon", le collectif qui portait les revendications, avec le titre "Gangsta Paradize".
Pas étonnant donc que l'on le retrouve aujourd'hui en pointe parmi les artistes qui apportent leur soutien au combat contre l'empoisonnement au chlordécone des territoires guadeloupéen et martiniquais et le scandale que pourrait représenter une possible prescription et donc une impunité dans ce dossier.