Fabriquer et exporter des panneaux isolants en bagasse de canne à sucre : le pari audacieux et innovant d’Emerwall, une jeune entreprise martiniquaise qui vise l'international

© Emerwall

Fabriquer et exporter des panneaux isolants en bagasse de canne à sucre : le pari audacieux et innovant d’Emerwall, une jeune entreprise martiniquaise qui vise l'international

Fondée en 2021 par trois ingénieurs, Quentin Godinot, Louis Frigaux et Valentin Lacroix, l’entreprise Emerwall s’appuie sur une ressource locale abondante et sous-exploitée : la bagasse de canne à sucre. Son objectif ? Révolutionner l’isolation du bâtiment aux Antilles avec un matériau biosourcé, performant et adapté au climat tropical.« Aux Antilles, la majorité des isolants sont importés, alors que nous avons sur place des fibres naturelles comme la bagasse, les copeaux de bois ou la fibre de banane », explique Valentin Lacroix, cofondateur d’Emerwall. Après une phase de recherche et de certification, l’entreprise a lancé sa production en 2023 à Ducos, en Martinique. Lauréat Greentech Innovation en 2024, Emerwall fournit aujourd’hui particuliers, professionnels et bailleurs sociaux avec des panneaux isolants résistants à l’humidité et aux insectes, tout en répondant aux exigences environnementales de demain. Face à une demande croissante, Emerwall prépare son passage à l’échelle industrielle et envisage l’exportation vers la Dominique et Sainte-Lucie, où le développement de l’éco-tourisme stimule l’intérêt pour les matériaux durables. Grâce à une expertise pointue en ingénierie et en gestion de l’énergie, l’entreprise ambitionne d’accélérer la transition écologique du BTP dans la région. Dans une interview exclusive pour Outremers360, Valentin Lacroix revient sur cette aventure entrepreneuriale et les défis à venir surtout à l'international. 

 

 De gauche à droite Valentin Lacroix, Louis Frigaux et Quentin Godinot ©Emerwall

L’isolation écologique : un marché en mutation

Face aux enjeux climatiques, le secteur de la construction évolue vers des matériaux plus durables, ouvrant des opportunités pour des solutions innovantes. Emerwall se positionne sur un marché encore vierge, sans concurrence directe. Cependant, l’adoption de cette solution repose sur deux défis majeurs : adapter les panneaux isolants aux spécificités climatiques kdes Antilles et convaincre les professionnels du bâtiment, habitués aux méthodes conventionnelles, d’adopter cette nouvelle solution biosourcée et locale. L’entreprise investi alors dans une longue phase de tests, prototypes et certifications, un processus exigeant en temps et en ressources. Parallèlement, l’intérêt croissant des distributeurs et des marchés publics pour des solutions écologiques ouvre la voie à une adoption plus large.

bagasse de canne à sucre © Thamizhpparithi Maari, Wikimedia Commons

De la bagasse aux panneaux isolants : un processus innovant

La transformation de la bagasse de canne à sucre en panneaux isolants repose sur un processus rigoureux alliant savoir-faire local et innovation. Transportée par des sociétés spécialisées, la matière première est stockée avant d’être séchée pour atteindre le taux d’humidité optimal. Elle est ensuite mélangée à des fibres synthétiques, moulée et chauffée pour assurer sa cohésion, puis refroidie. Après démoulage, les panneaux sont prêts à l’emploi. « Certifiés pour 50 ans, les panneaux sont également recyclables au sein de nos usines » précise Valentin Lacroix, renforçant ainsi l’engagement d’Emerwall pour une économie circulaire.

L’usine de Ducos ©Emerwall

Une clientèle variée et un développement tourné vers l’international

Emerwall a su séduire une clientèle diversifiée, comptant aujourd’hui plusieurs types d’acteurs : bailleurs sociaux, collectivités, distributeurs et professionnels du bâtiment. Aujourd’hui, l’entreprise collabore avec plus d’une dizaine de clients et s’appuie sur des partenaires stratégiques, dont un acteur majeur en Martinique, Action Logement, qui prescrit les matériaux biosourcés dans leurs chantiers. À l’international, Business France accompagne son expansion vers des marchés comme la Dominique et Sainte-Lucie, où l’essor des éco-resorts et des hôtels de luxe stimule la demande en matériaux durables. Seule ombre au tableau, la logistique qui : « reste un défi en raison des liaisons moins fréquentes et plus coûteuses qu’avec la métropole. » souligne Valentin Lacroix.

Maison vue d’ensemble avec isolations ©Emerwall

Un passage à l’échelle industrielle d’ici 2027

Actuellement en phase intermédiaire, l’entreprise doit encore optimiser ses coûts et structurer sa production pour changer d’échelle. À terme, cette montée en puissance lui permettra non seulement de répondre à la demande croissante, mais aussi d’accélérer son développement à l’international. « Aujourd’hui, nous produisons 300 à 400 m² par mois, mais avec l’industrialisation, ce volume sera multiplié par 100, permettant d’isoler 200 à 300 maisons chaque mois. Cette expansion nécessitera une restructuration de la production, la contractualisation des commandes et l’embauche d’une dizaine de salariés », précise Valentin Lacroix.

Emerwall apporte une réponse innovante aux défis du secteur du bâtiment. En accompagnant la transition vers des matériaux plus durables, elle s’impose comme un acteur économique incontournable.

Isolation de toiture et en cloisons intérieures ©Emerwall
Isolation de toiture et en cloisons intérieures ©Emerwall
Isolation de toiture et en cloisons intérieures ©Emerwall

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