« Être homosexuel(le) aux Antilles » de l'essayiste guadeloupéenne Caroline Musquet : La parole libérée, 15 témoins brisent le tabou de l'homosexualité aux Antilles

« Être homosexuel(le) aux Antilles » de l'essayiste guadeloupéenne Caroline Musquet : La parole libérée, 15 témoins brisent le tabou de l'homosexualité aux Antilles

Dans son ouvrage « Être homosexuel(le) aux Antilles » paru chez Caraïbéditions, la journaliste et essayiste guadeloupéenne donne la parole à 15 témoins homosexuels ou transgenres antillais ou originaires des Antilles, connus et moins connus qui racontent leur difficulté à vivre leur orientation sexuelle ou leur identité de genre. 15 témoignages en forme d'identité narrative. Une exposition et une mise en lumière de réalités ignorées ou volontairement tues. Un ouvrage de circonstance en ce 17 mai, 18ème journée mondiale contre l'homophobie.

« Makoumè ! ... » Qui n'a pas entendu ce terme péjoratif désignant les homosexuels et ceux supposés l'être devenu si familier qu'il ne choque personne lorsqu'il est prononcé. Il faut dire que l'homosexualité, sujet tabou s'il en est, est considérée aux Antilles-Guyane plutôt comme une déviance sexuelle et à ce titre ceux qui osent s'en réclamer ou supposés tels deviennent des parias et aussitôt mis au ban de la société.

Face à cette situation bon nombre de ces « pestiférés » préfèrent prendre le chemin de l'exil en partant pour l'Hexagone, tandis que d'autres choisissent de se taire selon la devise « pour être heureux, vivons cachés ». Quelques uns, cependant, osent braver le qu'en dira t-on subissant par voie de conséquence railleries, moqueries, brimades, insultes et autres agressions.

Si le rejet de l'homosexualité n'est pas spécifique aux Antilles-Guyane, il est cependant très important et peut prendre des proportions inquiétantes. Plusieurs raisons sont invoquées – même si elles s'avèrent au final fallacieuses – pour expliquer  le rejet de l'homosexualité aux Antilles. 

D'abord, l'histoire particulière de ces territoires marqués par l'esclavage, le passé colonial et ses scories. L'homosexualité serait donc un comportement exogène importé par les blancs pour assurer leur domination sur l'homme noir qui aurait été dépossédé de leur virilité durant la période de l'esclavage. Une explication qui persiste alors que plusieurs études ont démontré que l'homosexualité a toujours existé avant la période esclavagiste et pré-coloniale. Ensuite, la forte empreinte de la religion et du magico-religieux aux Antilles-Guyane conjuguée à l'insularité et au contexte socio-culturel ont ajouté de la difficulté supplémentaire à vivre librement son homosexualité dans ces territoires.  

Un récit narratif sans précédent

Ce sont ces mécanismes du tabou de l'homosexualité aux Antilles que Caroline Musquet a voulu mettre à jour dans son ouvrage « Être homosexuel(le) aux Antilles » paru chez Caraïbéditions. Mais plutôt qu'un essai didactique et abstrait, la journaliste guadeloupéenne a préféré le récit narratif en donnant la parole à des témoins homosexuels ou transgenres pour mettre en lumière des réalités ignorées ou volontairement tues du fait du poids social ou des conséquences encourues. Caroline Musquet crée ainsi un précédent car c'est la première fois que des témoins antillais ou originaires des Antilles osent briser le silence sur leur difficulté à vivre leur orientation sexuelle, leur identité de genre et tout simplement leur vie sentimentale de manière épanouie.

Un ouvrage de circonstance

Ils sont 15. Elles s'appellent Cindy, Simone, Estelle ou Maud. Eux se nomment Jason, Louis-Georges, Nathan ou encore Pascal. Ce sont 15 femmes et hommes, ils vivent aux Antilles ou en sont originaires et sont homosexuels ou transgenres. Certains sont  des militants engagés dans les milieux associatifs, d'autres sont des anonymes et ont choisi de livrer leurs témoignages sur les obstacles qu'ils doivent surmonter au quotidien pour vivre leur vie amoureuse.

Ils racontent avec pudeur et parfois une bonne dose d'auto -dérision leurs souffrances, les rejets dont ils sont l'objet, les sentiments ambivalents qui les ont habités sur l'acceptation ou non de leur orientation sexuelle, leurs doutes, leurs craintes, mais aussi leurs expériences de couples et leurs rêves de vie à deux. Bref, la vie quoi !....  

Une libération de la parole d'autant plus nécessaire et souhaitable que la lutte contre l'homophobie doit être un combat permanent même si, année après année, les choses semblent évoluer dans le bon sens. Une évolution favorable symbolisée par la date du 17 mai décrétée journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, dont on célébre la 18ème édition cette année. En ce sens, l'ouvrage de Caroline Musquet « Être homosexuel(le) aux Antilles » s'inscrit résolument dans ce combat contre l'homophobie mais plus globalement dans la défense des droits humains. 

« Être homosexuel (le) aux Antilles »

De Caroline Musquet

Caraïbéditions

Collection : Essais

232 Pages