L'Autorité de la concurrence a annoncé mercredi avoir sanctionné les compagnies aériennes Air Caraïbes et Air Antilles à hauteur de 14,5 millions d'euros au total pour s'être entendues sur les prix de leurs liaisons court-courrier.
C'est Air Caraïbes (groupe Dubreuil) qui a été la plus lourdement sanctionnée (13 millions d'euros), pour ces faits remontant à la période 2015-2019, a précisé l'Autorité dans un communiqué, révélant également une sanction de 1,5 million d'euros contre K Finance, maison mère d'Air Antilles à l'époque via le groupe CAIRE et Guyane Aéroinvest.
La société de conseil Miles Plus (Aérogestion) s'est quant à elle vu infliger une sanction de 70 000 euros dans le même dossier. Dans cette décision publiée au moment où les Outre-mer sont le théâtre de revendications contre le coût de la vie, l'Autorité a affirmé que cette coordination entre des compagnies aériennes qui se partageaient le marché des vols régionaux leur avait permis « d'augmenter le prix moyen des billets vendus ».
Selon l'Autorité, « les entreprises mises en cause ont mis en œuvre trois ententes sur les prix et conditions tarifaires des liaisons aériennes inter-îles au sein des Caraïbes françaises et internationales » entre 2015 et 2019. Précisément, il s'agissait des liaisons entre « Pointe-à-Pitre et Fort-de-France, ainsi que celles entre chacune de ces deux villes et Saint-Martin, Sainte-Lucie et Saint-Domingue », a-t-elle souligné.
« Entre février et juin 2015, puis à nouveau en septembre et décembre 2016, Air Antilles et Air Caraïbes, avec le soutien d’Aérogestion, ont échangé sur leurs intentions tarifaires futures et ont pris des engagements réciproques sur les conditions tarifaires des billets d’avion », selon la même source.
« Clientèle captive »
« Ensuite, entre avril 2017 et décembre 2019, les entreprises mises en cause ont participé à une troisième entente sur la fixation des prix et des conditions tarifaires », ce qui a conduit « à partir de la saison hiver 2017-18, à la mise en place de grilles tarifaires communes entraînant une augmentation très importante des prix », le tout dans le cadre d'un « accord de non-agression ».
« Les pratiques anticoncurrentielles mises en place par Air Antilles et Air Caraïbes sont particulièrement graves », a jugé l'Autorité de la concurrence, en remarquant que « les liaisons aériennes représentent un mode de déplacement essentiel dans cette région et où elles étaient les seules à les opérer à l’époque des faits ». « Les habitants de ces territoires, confrontés à un coût de la vie nettement plus élevé qu'en métropole, ne disposent d'aucune alternative réellement viable à l'avion » et ont été placés « dans une position de clientèle captive » par le duopole, fustige encore l’Autorité.
« On soupçonnait ces comportements vu les tarifs exorbitants », a réagi le député (Liot) de Guadeloupe Olivier Serva. « C'était quasiment la ligne la plus chère au monde (Martinique-Guadeloupe) par rapport au nombre de kilomètres à parcourir », a-t-il dit à l'AFP, exprimant sa « satisfaction de voir ces contrevenants sanctionnés ». « J'espère que la concurrence va s'ouvrir et qu'ils auront des pratiques permettant d'avoir des prix raisonnables », a-t-il conclu.
« Air Caraïbes prend acte de la décision de l'Autorité de la concurrence publiée ce jour et qui est relative à des faits anciens concernant uniquement le réseau régional antillais », a réagi la compagnie dans un communiqué transmis à l'AFP. « Nous analysons cette décision avec nos conseils afin d’envisager d'éventuelles suites à donner », a ajouté le transporteur, qui exploite aussi des vols long-courriers avec l'Hexagone.
De source proche du dossier, la compagnie avait provisionné dans ses comptes 2023 le montant maximal associé à une sanction de l'Autorité. Celle-ci a décidé de ne pas infliger d'amende directe à Air Antilles, non solvable car récemment liquidée. C'est son ancienne maison mère, K Finance, qui est donc visée par la sanction.
Le groupe CAIRE, raison sociale d'Air Antilles, a été partiellement repris en 2023 par une holding du groupe aéroportuaire Edeis, alliée à la collectivité de Saint-Martin, permettant de relancer les vols d'Air Antilles en juillet 2024. Les nouveaux propriétaires de la compagnie ont précisé mercredi que « cette situation tout comme les sanctions ne concernent pas la nouvelle société Air Antilles », qui promet se concentrer « sur la satisfaction de ses clients et le désenclavement des îles ».
Cette affaire trouve son épilogue dans un contexte tendu pour les collectivités d'Outre-mer, notamment en Martinique où un mouvement contre la vie chère a débuté le 1er septembre et a dégénéré avec des émeutes urbaines et des violences.
Avec AFP