« Ecrire le monde noir », une anthologie des écrits, récits et nouvelles de la période parisienne de l’autrice martiniquaise Paulette Nardal, théoricienne oubliée de la négritude

« Ecrire le monde noir », une anthologie des écrits, récits et nouvelles de la période parisienne de l’autrice martiniquaise Paulette Nardal, théoricienne oubliée de la négritude

Rassemblé et présenté par Brent Hayes Edwards et Eve Gianoncelli, deux universitaires spécialistes de l’œuvre de Paulette Nardal, « Ecrire le monde noir » à paraître aux éditions Rot Bo Krik, est une anthologie des écrits, récits et articles de la femme de lettres martiniquaise. Un ouvrage qui participe à la réhabilitation et surtout à la reconnaissance du rôle prépondérant dans l’essor d’une conscience noire diasporique joué par celle qui a été pendant longtemps la théoricienne oubliée du concept de la négritude. Explications. 

Certes tardive, la reconnaissance du rôle prépondérant joué par Paulette Nardal dans l’architecture du mouvement de la négritude commence à se faire jour et à se développer. La reconnaissance de l’influence de celle qui a été la figure de proue du « féminisme noir » et de la « conscience noire » a débuté dans le milieu intellectuel américain qui y a trouvé une source d’inspiration dans les années quatre-vingt-dix.

Il faut dire que les américains ont compris très tôt que Paulette Nardal et ses sœurs Jane et Andrée avaient grandement contribué à l’émergence d’une conscience noire. Pendant plus de dix ans, les trois sœurs Nardal ont tenu salon dans leur maison de Clamart, en région parisienne, côtoyant l’intelligentsia noire et de nombreux étudiants, militants en herbe des droits civiques de passage à Paris. D’Aimé Césaire, l’illustre poète martiniquais à Marcus Garvey, le célèbre militant panafricaniste au politicien guyanais Félix Eboué, en passant par Léopold Sédar Senghor qui deviendra plus tard président du Sénégal, Léon-Gontran Damas, le poète guyanais ou encore l’écrivain jamaïcain Claude Mc Kay, le Tout-Paris noir a défilé chez les sœurs Nardal pour échanger, partager et débattre sur des sujets liés aux problématiques du peuple noir de l’époque.

Une revue pour déconstruire la pensée dominante blanche

C’est dans ce contexte de bouillonnement d’idées antiracistes qu’en 1931, ces dernières fondent la revue noire. La première revue dédiée à l’art, la littérature et la pensée noire. Une revue où elles tentent de déconstruire la pensée dominante blanche. Bien que visiteurs assidus de leur salon, ni Césaire, ni Senghor, ni Damas, ces figures tutélaires de la négritude, ne consentiront à écrire dans cette revue.

Plus tard, bien qu’incontestable, leur rôle dans le concept de la négritude sera occulté et passé sous silence. Pour expliquer cette non -reconnaissance, on a invoqué leurs positions anti-communistes et anti-autonomistes qui étaient minoritaires dans le milieu intellectuel et estudiantin où prévalaient au contraire des idées progressistes et les théories de libération des peuples opprimés. On a aussi invoqué leurs écrits jugés mineurs par rapport à la dimension littéraire des Césaire et autres Senghor et Damas. Aujourd’hui, on peut plus parler de misogynie, un sentiment très fort à l’époque pour expliquer cette relégation.

Une nécessaire et légitime reconnaissance

Toujours est-il que Paulette Nardal et ses sœurs ont longtemps été invisibilisées en France. Mais depuis peu, un vent nouveau est entrain de souffler et de plus en plus de voix notamment féminines s’élèvent pour ériger notamment Paulette Nardal au rang de porte-drapeau en louant son rôle joué dans l’essor d’une conscience noire diasporique au XXème siècle. Aujourd’hui, elle fait l’objet d’une attention renouvelée pour son rôle sur la scène culturelle parisienne. En témoigne les deux rues qui, en 2019 ont été baptisées aux noms de Paulette et Jane Nardal. Plus encore, Paulette Nardal figure parmi les 315 noms retenus par l’Etat destinés à rendre visibles des personnalités issues de la diversité et de l’immigration afin de « redessiner le visage de la France ».

Dans ce contexte, « Ecrire le monde noir » à paraître aux éditions Rot Bo Krik, cette anthologie des écrits, récits et articles de la période parisienne de Paulette Nardal rassemblée et présentée par Brent Hayes Edwards, professeur d’anglais et de littérature comparée à l’université Colombia à New-York, et Eve Gianoncelli, politiste et chercheuse à Nord Universitet et à la Maison française d’Oxford, deux spécialistes de l’œuvre de la femme de lettres martiniquaise, participe à cette nécessaire et légitime reconnaissance de cette grande dame inspirante. 

E.B.

« Ecrire le monde noir »

Premiers textes 1928 – 1939

Paulette Nardal

Textes rassemblés et présentés par Brent Hayes Edwards et Eve Gianoncelli

Editions : Rot Bo Krik (disponible en pré-commande).