Économie – Crise Covid : Les « faiblesses structurelles » des Outre-mer ont amorti le choc conjoncturel en 2020, note l’IEDOM/IEOM

Économie – Crise Covid : Les « faiblesses structurelles » des Outre-mer ont amorti le choc conjoncturel en 2020, note l’IEDOM/IEOM

À l’occasion de la conférence de presse annuelle donnée au siège parisien des Instituts d’Émission (IEDOM/IEOM), Marie-Anne Poussin-Delmas, Président Directeur général et Stéphane Foucault, Directeur, ont présenté un bilan de la situation économique et monétaire en Outre-mer. « Les économies ultramarines ont montré une résilience plus forte qu’attendue », due « paradoxalement » aux « faiblesses structurelles », notent les Instituts dans un communiqué ci-dessous.  

Passé le choc économique du 1er confinement, les économies ultramarines ont montré une résilience plus forte qu’attendue. Celle-ci est d’abord due à l’ampleur du dispositif d’accompagnement mis en place par l’État, les collectivités, les banques et, dans le Pacifique, l’IEOM. Paradoxalement, cette résilience trouve en partie son origine dans les faiblesses structurelles des Outre-Mer qui ont amorti le choc conjoncturel en 2020. En particulier, l’isolement géographique a permis une moindre circulation du virus et la mise en place de mesures de restriction sanitaires adaptées à chaque territoire, donc un moindre impact économique sur le PIB que les -8 % attendus pour la France entière, sauf en Polynésie française. 

Les Instituts d’émission d’Outre-mer expliquent également que le poids du secteur public a joué un rôle d’amortisseur qui, conjugué aux dispositifs existants de protection sociale, a permis de maintenir la consommation des ménages, moteur essentiel de l’activité. L’emploi salarié privé a été quasiment préservé sur tout le bassin Atlantique, notamment grâce au chômage partiel. Il a régressé de 1,4% en Nouvelle-Calédonie, donc moins que dans l’Hexagone (-1,7%) ; il affiche même une progression en Guyane et à La Réunion. Seule la Polynésie française s’inscrit dans une régression plus marquée que l’Hexagone. 

La dépendance aux prix des produits énergétiques n’a pas constitué un handicap en 2020, ajoutent les Instituts. Bien au contraire, leur fort repli sur les marchés mondiaux a permis de préserver la stabilité des prix, et même d’enregistrer une baisse à La Réunion, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. Pour autant, ces caractéristiques de résilience ne doivent pas occulter les profondes difficultés des territoires fortement dépendants du tourisme, tout particulièrement la Polynésie française mais aussi les Antilles. 

Une mention particulière pour la Nouvelle-Calédonie dont la prolongation du confinement externe conjuguée aux tensions fortes sur la filière nickel et aux incertitudes institutionnelles n’aura pas permis au territoire de bénéficier de la remontée des cours mondiaux du nickel au second semestre. 

En 2020, l’Indicateur du climat des affaires a très sensiblement reculé au premier trimestre dans l’ensemble des territoires et plus particulièrement dans le bassin Antilles-Guyane et en Polynésie française. A l’issue du choc du premier confinement, le rebond a été conséquent partout, en particulier dans l’Océan Indien. Cela s’est traduit par un impact de la crise sanitaire sur l’activité des entreprises finalement plus limité que ce qui était anticipé au début de l’année 2020, les Outre-Mer ayant largement utilisé les dispositifs d’accompagnement de l’État et des collectivités,notamment les PGE, le fonds de solidarité et les dispositifs de soutien de l’emploi. 

Par ailleurs, si les prix sont restés globalement stables voire en repli sur l’ensemble des géographies ultramarines grâce à la baisse du prix des produits énergétiques, les prix des produits alimentaires, préoccupation majeure des populations vulnérables en Outre-Mer, ont progressé de l’ordre de 2 % dans l’ensemble des territoires, sauf en Martinique et dans l’Océan Indien. 

L’activité bancaire a été particulièrement dynamique en 2020. L’encours total brut des crédits consentis dans les Outre-Mer s’élève à près de 75 milliards d’euros, soit une progression de 10,0 % sur l’année. Cette hausse s’explique notamment par l’octroi de prêts garantis par l’État (PGE) pour près de 3,3 milliards d’euros à des entreprises ultramarines (18 260 bénéficiaires). Enfin, le total des actifs financiers collectés par les établissements de crédit ultramarins s’élève à près 55 milliards d’euros, soit une hausse de 13 %. Tout comme dans l’hexagone, les mesures sanitaires, qui ont restreint la consommation, ont permis la constitution d’une épargne dite « forcée », essentiellement liquide. 

En 2021, l’ampleur du rebond sera dépendante du retour de la confiance des chefs d’entreprise et des ménages, mais aussi de l’aptitude des territoires à surmonter la pandémie, notamment grâce à la vaccination, et à engager rapidement la déclinaison des plans de relance. 

S’agissant de la confiance des chefs d’entreprise, la dernière enquête de conjoncture des Instituts d’Émission prévoit un rebond modéré de leur chiffre d’affaires en 2021 (+5 % pour l’ensemble des Outre-mer), plus perceptible dans les bassins Antilles-Guyane et dans l’Océan Indien. La situation dans le secteur du tourisme est la plus préoccupante puisque les chefs d’entreprise n’anticipent aucun rebond de leur chiffre d’affaires en 2021, après un effondrement de 45 % en 2020. Cette anticipation traduit l’absence de visibilité réelle pour l’ensemble de l’écosystème touristique (hôtellerie, restauration, services, transports...), situation préjudiciable au redémarrage économique de la Polynésie française mais aussi des Antilles. 

Les anticipations des chefs d’entreprise témoignent par ailleurs d’une certaine confiance puisque 70 % des entrepreneurs ultramarins interrogés considèrent que leurs investissements seront stables ou en hausse en 2021. Sur le front de l’emploi, le même relatif optimisme est observé avec 71 % des chefs d’entreprise qui anticipent une stabilisation ou une hausse de leurs effectifs sur l’année. 

S’agissant de la confiance des ménages, des signaux positifs peuvent provenir du réservoir potentiel de consommation que représente l’épargne forcée constituée en 2020. A fin décembre 2020, l’encours total d’épargné liquide des ménages ultramarins a en effet enregistré une progression en glissement annuel comprise entre 11 % dans les COM du Pacifique et 15 % dans l’Océan Indien.

Enfin, la vigueur du rebond sur le second semestre 2021 et plus surement sur 2022 dépendra de la synchronisation entre le retour de la confiance et le retrait des mesures de soutien publiques mais aussi de la capacité à mettre en œuvre le plan de relance national de 1,5 milliard d’euros annoncé pour l’Outre-mer. La rapidité́ et la pertinence des déclinaisons régionales de ce plan comme des plans de relance des territoires seront déterminantes pour les prochains mois. A cet égard, l’examen de ces déclinaisons montre que les Outre-mer s’engagent résolument vers un développement axé sur le verdissement et la résilience des territoires, avec trois secteurs plus particulièrement mis en avant : les énergies renouvelables, la transformation agricole et la transition numérique.