Eau en Outre-mer : Droit opposable à l'eau, tarif social de l'eau, plan territorial d'investissement, les recommandations du Cese pour garantir un service de qualité d'accès à l'eau

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Eau en Outre-mer : Droit opposable à l'eau, tarif social de l'eau, plan territorial d'investissement, les recommandations du Cese pour garantir un service de qualité d'accès à l'eau

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) a adopté ce mardi 25 octobre en séance plénière son avis sur « La gestion de l'eau et de l'assainissement dans les Outre-mer ». Les rapporteures Michèle Chay ( Groupe CGT) et Sarah Mouhoussoune ont listé 23 préconisations pour « garantir un service de distribution d'eau efficace » aux populations ultramarines.



«Garantir un droit à l'eau potable pour tous», et répondre aux points de mécontentement des usagers de l'eau en Outre-mer», telles sont les ambitions de l'avis sur la gestion de l'eau et de l'assainissement dans les Outre Mer adopté ce jour. Porté par les conseillères- rapporteures Michèle Chay (CGT) et Sarah Mouhoussoune (Groupe des Outre-mer), l'avis du CESE met en exergue que « le droit à chacun d'accéder à l'eau potable dans des conditions économiquement acceptables par tous» inscrit dans la loi du 30 décembre 2006, n'est pas appliqué en Outre-mer.

Ce projet d’avis est rapporté par Michèle Chay (Groupe CGT, a droite de la photo) et Sarah Mouhoussoune (groupe des Outre-mer, à gauche) au nom de la délégation aux Outre-mer présidée par Eric Leung (groupe des Outre-mer, au centre).

Les territoires ultramarins font face à problèmes récurrents de coupures, d'inégalités d’accès, de manque d’infrastructures, de mise en conformité, pollution, problèmes de gouvernance. Des difficultés qui sont davantage exacerbées en Guadeloupe, à Mayotte et en Guyane.
En Guadeloupe, alors que les ressources naturelles sont suffisantes pour couvrir les besoins de la population, un quart de cette dernière n'a pas accès à l'eau. Le CESE notent que «les coupures d’eau inopinées sont un phénomène ancien et récurrent en Guadeloupe, mais les «  tours d’eau  », plus fréquents, plus longs et réguliers, ont commencé au début des années 2010». Autres points noirs de ce service dans le département : « La gestion publique de l’eau a longtemps été défaillante » et de plus « le système d’assainissement reste insuffisant et très polluant pour l’environnement». Si le Cese salue l'installation de la nouvelle structure unique de l'eau en Guadeloupe, il appelle «le représentant de l’Etat à maintenir une vigilance constante sur la gestion du nouveau syndicat des eaux de Guadeloupe, et à prendre les dispositions d’alerte et de contrôle en lien avec la Chambre régionale des comptes, notamment au vu des difficultés actuelles du SMGEAG en termes de ressources humaines et des récents emprunts de 50 millions d’euros auprès de l’Agence française de développement (AFD) et de la caisse des Dépôts».
En Guyane, le CESE relève qu'une grande partie de la population n’accède pas à une eau potable de qualité. Selon l’ARS, 15  % de la population guyanaise ne dispose pas d’un accès à un réseau d’eau potable, soit plus de 46  000  personnes(pour 12 % des logements), avec de fortes disparités territoriales. Cette problématique concerne essentiellement les quartiers d’habitats informels en milieu urbain et les communes isolées de l’intérieur. Des analyses réalisées par l’ARS indiquent que six communes (Camopi, Papaïchton, Apatou, Mana, Iracoubo et Roura) sont dotées d’infrastructures de captage qui ne satisfont pas les normes de qualité.
A Mayotte, le CESE dépeint une  situation où l’accès à l’eau est la plus critique. Un tiers des habitants n’ont pas l’eau courante et 50% dans les quartiers d’habitat informel.« Nous avons connu une situation très grave à Mayotte en 2017/ 2018 avec des coupures énormes et une population qui en pâtit. Ce n'est pas normal. Pour nous, Il est important et même urgent que la troisième retenue collinaire puisse enfin sortir de l'eau, que l'usine de dessalement de Petite-Terre puisse être fonctionnelle,avec un rythme normal. C'est une urgence car l'eau est un bien vital, nous ne pouvons rien faire sans eau. Dans cet avis, nous voulons inclure la société civile dans les instances, pour voir comment les choses sont gérées. L'eau doit être accessible à toute la population» souligne la rapporteure Sarah Mouhoussoune.

23 préconisations dont la mise en place d'un droit opposable d'accès à l'eau et un tarif social de l'eau

Afin de répondre plus efficacement à la juste colère des citoyennes et citoyens concernés, il propose 23 préconisations concrètes à destination des pouvoirs publics, à l’échelon global comme territorial, adaptées aux spécificités des territoires ultramarins.
Sur le modèle du droit opposable au logement, le CESE appelle à un droit d’accès à l’eau potable, qui soit contraignant pour l’Etat et les collectivités territoriales, et « opposable » juridiquement. Il invite les parlementaires à déposer une proposition de loi en ce sens.

Il appelle à systématiser la mise en place dans les Outre-mer d’un « tarif social de l’eau », sous condition de ressources. Ce tarif social pourrait s’établir sur la base d’un forfait de 400 litres d’eau par jour, par foyer, soit 150 m3 par an, permettant l’accès à une eau potable de qualité pour tous.

Dans un contexte de forte inflation pénalisant les ménages, le CESE recommande également un plafonnement général des tarifs de l’eau et la distribution de « chèques eau » par les Caisses d’allocations familiales, caisse nationale d’assurance vieillesse et centres communaux d’action sociale, en direction des familles les plus en difficulté, afin de les aider à payer leurs factures et éviter toute situation de surendettement.

Le Cese préconise aux intercommunalités de rendre compte de leur gestion de l'eau, au moins deux fois par an, lors de réunions publiques participatives ouvertes à tous.
Il recommande également la mise en place de moyens de contrôle et de surveillance des délégataires par les intercommunalités et d'intégrer, à titre consultatif, des représentants de la société civile et des citoyens-usagers tirés au sort à la gouvernance des services publics de l'eau et de l'assainissement.
Les Chambres régionales et territoriales des comptes devraient également, selon le Cese, réaliser des enquêtes permettant de contrôler la mise en concurrence effective des marchés publics de gestion de l'eau et de l'assainissement, tous les cinq ans.

Le CESE préconise la mise en place de plans d’investissement territorialisés d’assainissement, cofinancés par l’Etat et les collectivités territoriales. Ce plan doit permettre de créer des stations d’épuration aux normes et adaptées dans chaque intercommunalité et des filières d’assainissement sur l’ensemble des territoires afin de réduire significativement les rejets dans l’environnement