Covid : Une situation dans les hôpitaux de Guyane « très préoccupante »

© ARS Guyane

Covid : Une situation dans les hôpitaux de Guyane « très préoccupante »

L'inquiétude est forte dans les trois hôpitaux de Guyane. Face à la hausse des cas covid et la faible vaccination, le Groupement hospitalier territorial (GHT) tire la sonnette d'alarme et appelle à un sursaut de la population. Un reportage avec  notre partenaire Radio Peyi.

 

Une conférence de presse était organisée ce jeudi 22 septembre 2021, pour faire un point sur la situation « très préoccupante » des hôpitaux de Guyane. En préambule, hier après-midi, le Pr Félix Djossou, responsable de l’Unité des Maladies Infectieuses (Umit) à l’hôpital de Cayenne (CHC), a rappellé que « l’épicentre de l’épidémie s’installe dans l’Ouest. Mais à Cayenne et dans les Savanes, ça ne s’est pas vraiment calmé non plus. Les hôpitaux peinent, avec des capacités dépassées. On a déjà augmenté le nombre de lits. Il nous faut du personnel. Aujourd’hui en Guyane, pratiquement tous les lits sont pleins. On a donc, dans les services d’urgences, des patients qui ont besoin de soins critiques et qui n’y sont pas. »

La situation la plus délicate se trouve au Centre Hospitalier de l’ouest guyanais (Chog). « Depuis deux semaines, aucun lit n’est disponible au Chog. Pas seulement en hospitalisation et en réanimation. Mais aussi en pédiatrie et à la maternité, souligne le Dr Crépin Kezza, directeur médical de crise de l’établissement. Cela entraîne une stagnation des patients aux urgences. D’habitude, ils restent une journée. Aujourd’hui, nous en avons entre vingt et trente, dont une douzaine souffrent de pneumopathie. Et huit à dix nécessitent des soins de réanimation». 

Face à l’impossibilité d’admettre tous les patients aux urgences immédiatement, le Chog a activé, il y a cinq jours, sa commission d’éthique pour aider les professionnels à faire les bons choix.. « Si nous ne le faisons pas, peut-être qu’on laissera partir un jeune qui avait plus de chances de survivre. Nous avons, malheureusement, dû prendre une décision de ce type. » déplore le Dr Kezza. Le Pr Hatem Kallel, chef de pôle soins critiques au CHC le dit nettement : « Il risque d’arriver un moment où l’on ne pourra plus admettre de patients en réanimation. »

Les enfants davantage touchés par cette quatrième vague

Les services invitent de nouveau et fortement la population à se faire vacciner pour éviter les formes graves de la maladie. « J'ai parfois l'impression qu'on assiste à une sorte de suicide collectif », indique Didier Guidoni, directeur du CHOG. 

Si les effets du variant delta sur les enfants ne sont pas encore clairs dans les études, l’effet au centre hospitalier est net, selon un constat de Santé publique France : chaque semaine, les mineurs représentent de 8 à 12 % des nouvelles hospitalisations, depuis le début de cette quatrième vague. Durant la troisième, due au variant gamma, leur part n’avait jamais dépassé les 9 % et se situait souvent bien en dessous. Le Pr Narcisse Elanga, chef du pôle femme-enfant, confirme : « Nous avons de plus en plus d’enfants infectés par le Covid-19. Certains viennent parfois pour autre chose et nous constatons qu’ils ont le Covid. Il a fallu créer une unité Covid. Certains ont des pathologies graves, comme une insuffisance cardiaque. Nous avons quatre lits de surveillance continue mais un seul où un patient pouvait être isolé. Dès qu’il nous en faut deux, il faut l’isoler dans l’unité Covid. Cela nécessite plus de personnel. Les services sont pleins. Depuis trois semaines, quand un enfant doit être hospitalisé, on regarde quel enfant peut sortir. »

« A force de laisser le virus circuler, les enfants sont maintenant touchés par des formes graves du Covid. On ne peut pas laisser mourir notre jeunesse quand elle représente aujourd'hui une grande partie de la Guyane », ajoute Didier Guidoni, , directeur du CHOG. 

Les réanimations auront accueilli trois fois plus de patients qu’une année normale

L’accélération de l’épidémie de Covid-19, l’augmentation importante des hospitalisations (Covid et non Covid) et les retards sur la vaccination en Guyane sont autant de facteurs qui pèsent sur les conditions de prise en charge des patients à l’échelle des trois établissements hospitaliers publics, indique le GHT. « Les capacités de réanimation de la Guyane sont montées de onze à quarante lits, rappelle le Pr Hatem Kallel. Sur les trois sites, nous avons hospitalisé 700 malades, dont 80 % de malades Covid. Jusqu’à il y a deux ans, nous n'en accueillions qu'entre 300 et 400 par an. Alors que nous ne sommes qu’en septembre, on en a déjà reçu 700 ! Tout cela génère de la fatigue, d’autant qu’il manque de professionnels sur le marché du travail. Et derrière la réanimation, il y a des machines dont le service biomédical doit s’assurer qu’elles fonctionnent, les laboratoires à qui on demande davantage, la radiologie qu’on sollicite pour plus d’examens, la pharmacie, le magasin… Quand on parle de pression sur l’hôpital, c’est sur tous ces secteurs aussi. »