Centre spatial guyanais : À l'occasion des vœux du CNES, bilan et perspective du domaine aérospatial par son président, Philippe Baptiste

©Radio Peyi

Centre spatial guyanais : À l'occasion des vœux du CNES, bilan et perspective du domaine aérospatial par son président, Philippe Baptiste

Le Centre National d'Études Spatiales (CNES) formulait ses traditionnels vœux en ce début d'année, ce mardi en Guyane. À cette occasion, son président, Philippe Baptiste, revenait sur le bilan de l'année 2022, faite de nombreuses difficultés et imprévus, ainsi que les perspectives d'avenir, dans l'attente des lanceurs Vega C et Ariane 6, des propos au micro de  nos partenaires de Radio Péyi.

Une année 2023 déjà anticipée comme un “trou d'air” pour le CNES et une année compliquée pour le site de lancement guyanais, conséquence d'une période de transition avec les lanceurs de nouvelles générations très attendus, Vega C et Ariane 6. Une période d'entre-deux qui ne devait pas poser de difficultés outre mesure, puisque les lancements devaient se reposer sur les lanceurs russes, Soyouz.

Or, avec l'éclatement du conflit en Ukraine et le retrait de la Russie du Centre Spatial Guyanais, cette période de transition est devenue bien plus complexe que prévue. Dans ses vœux de 2023, Philipe Baptiste, président du CNES, rappelle le rôle du lanceur Ariane 6, et revient sur cette période de transition et de tension : “On sait qu'en termes de lanceur lourd, il nous reste 2 Ariane 5. Ariane 6 va arriver, mais Ariane 6 n'est pas encore là, donc on va avoir une difficulté, parce que quand on a conçu Ariane 6, ça a été conçu pour remplacer à la fois Ariane 5 et Soyouz, donc ça a vraiment été conçu pour être un lanceur qui est flexible”.

Une qualité indéniable du lanceur, mise à mal après l'éclatement du conflit en Ukraine : “Mais après, évidemment, cette transition entre Ariane 5 et Ariane 6, on avait un des backups qui était Soyouz et qu'on a plus aujourd'hui, donc ça met l'Europe spatiale dans une situation de tension. Concrètement, ça veut dire qu'on a des lancements qu'on va devoir décaler un petit peu dans le temps (…) ce qui est rassurant aujourd'hui, c'est qu'en terme régalien en particulier pour la France, on n'a pas de besoins cruciaux immédiats, donc on n'a pas dans une situation de difficulté aujourd'hui (…) mais à un moment ou à un autre, il va falloir qu'on relance, et c'est vrai qu'il y a une grosse pression”.

En visite à Kourou cette semaine, l'astronaute français Thomas Pesquet était présent à cette cérémonie ©Radio Peyi

Parmi les solutions potentielles à ce momentum de tension, l'arrivée du lanceur Vega C. Or, plusieurs problèmes se posent. Le premier concerne les disponibilités et la logistique, puisque le dernier étage du lanceur est fourni par une entreprise ukrainienne, Loujmach. Le second, son vol inaugural a été réalisé en juillet 2022, mais son premier vol commercial, en décembre de la même année, s'est soldé par un échec, avec un lanceur et ses deux satellites à bord, Pléiades Néo 5 et 6, déclarés perdus après 3 minutes de vol. Dans ce contexte, une commission d'enquête doit d'abord rendre ses conclusions, avant d'envisager le retour du lanceur sur les pas de tir.

“Une commission d'enquête a été mise en place. Quand il y a des échecs, ce qui arrive souvent sur des lanceurs “jeunes”, on apprend quelles sont les difficultés ou les petits défauts de jeunesse qu'il peut y avoir, aujourd'hui, on collecte toutes les données, confiées ensuite aux spécialistes, afin de comprendre les causes, ce qui est essentiel. Une fois qu'on a compris les causes, la deuxième étape, c'est de trouver les solutions pour remédier au problème. Une fois qu'on a ça, on qualifie et on certifie que le lanceur est prêt à voler et on donne le go pour un vol, et ça, c'est le boulot du CNES. Et là, la grande difficulté, c'est qu'on ne sait combien de temps ça peut prendre, ça peut être très court ou ça peut prendre plus de temps, suivant le type de difficulté qui est identifié”.

La cérémonie a été rythmée par un défilé Cardin avec des mannequins guyanais ©Radio Peyi

Une situation d'ensemble difficile, qui engendre un doute naturel quant à la pérennité du site et des maintiens des postes et salaires. Sur ce sujet, Philippe Baptiste se montre confiant, et affirme que l'Etat mesure l'importance du secteur de l'aérospatial, et apportera son soutien au CNES : “C'est une vraie difficulté, car on va être dans une situation où pendant un an ou deux, on va avoir peu de lancement, beaucoup moins que ce pourquoi la base est conçue. Donc, effectivement, on a une difficulté, aujourd'hui l'Etat a bien compris ça et va accompagner à travers le CNES, on va accompagner les mesures de transition sociales qui vont être là, les entreprises seront au rendez-vous aussi. Le but du jeu n'est pas du tout de faire des licenciements. Il y a beaucoup de salariés aujourd'hui qui sont en âge de prendre leur retraite, donc il y a une discussion à avoir avec eux. On travaille là-dessus en ce moment, et évidemment, c'est un travail qui va être mené dans les mois qui viennent, avec les entreprises d'un côté, mais aussi évidemment avec les organisations représentatives des salariés, et je pense qu'on est tous extrêmement attentif”.

En conclusion, une situation de tension, mais aux perspectives rassurantes, selon le président du CNES : “ Forcément, il va falloir réduire un peu l'activité du site, mais en même temps, on a besoin de maintenir les compétences parce que ça va redémarrer très fort dans pas longtemps. Donc on a besoin d'avoir cet équilibre, sur lequel on travaille, et je crois qu'on va trouver de bonnes solutions”. Le prochain et avant-dernier lancement officiel du lanceur Ariane 5 est prévu en avril 2023, pour une mission de lancement de la sonde JUICE, à destination de Jupiter. 

Damien Chaillot