Aérien : Le transport inter-caribéen tente une énième fois de se renouveler

©Aéroport international Maryse Condé

Aérien : Le transport inter-caribéen tente une énième fois de se renouveler

Un trajet de seulement 90 minutes pour relier Trinidad-et-Tobago et la Guadeloupe : après plusieurs décennies d'enclavement, la compagnie aérienne Caribbean Airlines a renoué début décembre avec des liaisons aériennes directes entre l'archipel français et quatre îles des Caraïbes.

« Connecter les territoires de la région entre eux, c'est fondamental pour le tourisme, les affaires, et le développement culturel », s'est réjoui Garvin Medera, le patron de Caribbean Airlines, lors d'un voyage inaugural en Guadeloupe, le 7 décembre. La compagnie nationale trinidadienne vient d'ouvrir quatre liaisons entre la Guadeloupe et Trinidad-et-Tobago, mais également la Barbade, Sainte-Lucie et la Dominique, tous des pays du sud des Petites Antilles.

Quelques jours plus tôt, Caribbean Airlines ouvrait aussi des vols vers et depuis la Martinique. Une bouffée d'air frais pour les habitants des deux îles françaises. Jusqu'alors, Guadeloupéens ou Martiniquais devaient cumuler jusqu'à quatre escales et une quarantaine d'heures de vol pour aller à la Barbade, située à 400 km. La faillite en septembre 2023 d'Air Antilles, seule compagnie à desservir la Caraïbe depuis les territoires français, avait renforcé cet enclavement régional.

Mais rien ne dit que la solution offerte par Caribbean Airlines, la plus importante compagnie régionale, soit pérenne. Car le transport inter-caribéen est une arlésienne, souvent évoquée mais qui a toujours peiné à se matérialiser durablement. En 2008, un article publié dans la revue des Annales de géographie faisait état des difficultés du transport aérien caribéen. En 2024, « je ne crois pas que les choses ont beaucoup changé », souligne son autrice, Colette Ranely-Vergé Dépré, géographe spécialiste des transports.

« Le souci, c'est l'absence de marché alors que le transport aérien, très concurrentiel et fragile, demande un gros volume de passagers pour être rentable », explique-t-elle, ajoutant que les compagnies insulaires se tournent plus naturellement vers leurs anciennes métropoles coloniales.

« Tout petit marché »

Dans ses politiques touristiques, la Guadeloupe vise de son côté des cibles plus larges que La Barbade (280 000 habitants) ou Sainte-Lucie (180 000 habitants). « Nos marchés sont l'Europe, le Canada francophone qui apprécie beaucoup notre destination et la France métropolitaine », déclare Rodrigue Solitude, directeur par intérim du comité du tourisme régional de Guadeloupe. « La Caraïbe, c'est un tout petit marché », ajoute-t-il, d'autant que « le niveau de vie » en Guadeloupe ou en Martinique, plus cher que dans les îles voisines, n'incite pas les habitants de ces dernières à venir.

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Certains revendiquent le transport aérien de luxe comme seule voie de rentabilité, à l'image de la compagnie St Barth Executive dont les « charters privés VIP » atterrissent depuis avril en Guadeloupe et qui a annoncé le lancement d'une deuxième liaison entre Saint-Barthélemy et San Juan, à Porto Rico. Sur l'étroit marché caribéen, de nombreuses compagnies se sont brûlées les ailes. Dans la foulée d'Air Antilles, la Liat (Leeward Islands Air Transport), une compagnie basée dans l'île anglophone d'Antigua, a rendu les armes en janvier 2024, liquidée pour la deuxième fois en moins de quatre ans.

Si ces difficultés sont aussi conjoncturelles -le Covid-19 a fait beaucoup de mal aux compagnies aériennes, rappelle Colette Ranely-Vergé Dépré-, ces faillites successives ont signé l'arrêt de mort du programme européen Interreg, qui finançait une alliance aérienne promettant la desserte de la Caraïbe à tarif unique. Trois compagnies étaient au cœur du dispositif : Winair, une compagnie du territoire néerlandais de Sint-Marteen, Air Antilles et la Liat.

Quant à miser sur le bateau, à l'instar des Cyclades en Grèce ou des îles d'Asie du Sud-Est, le marché ne prend pas. En cause, un manque de tradition maritime et l'absence d'investissement dans des ferries rapides et suffisamment grands, expliquent les experts.  Début 2024, un projet de ferry transportant passagers et fret du nord au sud de la Caraïbe a vu le jour. Le bateau était annoncé pour la fin de l'année 2024, mais il se fait encore attendre.

Avec AFP