Ce mercredi, Moetai Brotherson, a été reçu à l’Élysée par le chef de l’État, Emmanuel Macron, alors qu’il effectuait à Paris son premier déplacement en tant que président de la Polynésie française. Moetai Brotherson a salué l’écoute de son interlocuteur, assuré que ce dernier adhère à la stratégie économique de la nouvelle majorité indépendantiste, et espère que l’État viendra à la table des discussions onusiennes sur la décolonisation de la Polynésie.
Mardi, le nouveau président de la Polynésie espérait un entretien avec le président de la République, dans les tuyaux mais pas encore confirmé. Le lendemain matin, la confirmation de cette rencontre circulait : Moetai Brotherson serait reçu par Emmanuel Macron dans l’après-midi. « J’avais déjà eu l’occasion en tant que député de le croiser, dans des cérémonies, je n’ai jamais eu l’occasion de discuter avec lui pendant une heure, et encore moins en tant que président de la Polynésie » confie le président polynésien.
Reçue en aparté de son déplacement, la rédaction de Outremers 360 a pu revenir sur ce rendez-vous dans le cadre de la rubrique « Regard d’Actu » qui paraîtra ce week-end, dont Moetai Brotherson sera l’invité. En attendant cette parution, le président polynésien reconnaît un Emmanuel Macron « très à l’écoute ». « On a pu balayer un certain nombre de sujets (…). C’est quelqu’un qui écoute beaucoup, après il prend ce qu’il décide de prendre mais en tous les cas, il écoute beaucoup ».
« Je lui ai expliqué quelle était notre vision du développement du Pays, avec ce choix qu’on a fait des quatre secteurs prioritaires : le tourisme, le secteur primaire, les énergies renouvelables, le numérique et l’audiovisuel (…). Je lui ai expliqué comment les éléments structurants comme l’aéroport des Marquises venaient s’insérer dans tout cela, et je pense qu’il a bien compris, qu’il a adhéré et a trouvé cette stratégie pertinente, c’est un bon signe, et que l’État à nos côtés serait là pour nous accompagner en tant que de besoin », a assuré Moetai Brotherson.
Interrogé mardi après son entretien avec Gérald Darmanin sur l’ADN de son parti politique, à savoir la décolonisation et l’indépendance de la Polynésie, Moetai Brotherson disait vouloir réserver ce sujet au chef de l’État. Non pas parce qu’il estimerait que le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer ne soit pas compétent en la matière -son dernier déplacement en Nouvelle-Calédonie a été salué- mais par « courtoisie élémentaire ». Le président de la République étant omniscient sur les questions d’évolutions institutionnelles. Naturellement, le président de la Polynésie, issu du parti indépendantiste, a pu lui exposer la vision qu’il défend.
« On a abordé deux lignes possibles. D’un côté, la fenêtre de révision constitutionnelle qui va s’ouvrir autour de la Nouvelle-Calédonie, et autour de laquelle l’ensemble des Outre-mer et de la Corse veulent revisiter leur relation à l’État. Nous avons annoncés quelques éléments pendant la campagne que l’on souhaite voir y figurer comme la citoyenneté polynésienne. Également pour moi, en tant que président, les relations internationales, qu’on nous donne plus de latitude et de champs d’action dans notre bassin régional, de manière à ce qu’on puisse tisser des liens et établir des accords directement, au moins sur le plan commercial et économique », a-t-il expliqué. « Sur ces sujets-là, on n’est pas opposés ».
« La deuxième ligne, c’est évidemment le processus de décolonisation et d’autodétermination que le Tavini réclame depuis plus particulièrement notre réinscription sur la liste des territoires à décoloniser de l’ONU en 2013. Là j’ai pu exprimer au président la déception qui est la nôtre depuis 2013 : de voir cette forme de déni de notre réinscription de la part du représentant de l’État, qui à chaque fois que la question de la Polynésie est abordée, sort de la salle et revient ensuite pour la Nouvelle-Calédonie. Cette schizophrénie qui consiste à coopérer pour la Nouvelle-Calédonie et faire comme-ci la Polynésie n’est pas réinscrite, est intenable », a poursuivi le chef de l’exécutif polynésien.
En 2013, lorsque l’ONU acte la réinscription de la Polynésie sur cette liste des territoires à décoloniser, les indépendantistes perdent les élections territoriales. Du grain à moudre pour l’État qui estime que les urnes locales ont parlé et ont refusé un processus de décolonisation. Or en 2023, le parti indépendantiste détient les trois sièges polynésiens à l’Assemblée nationale, est majoritaire à l’Assemblée locale et possède donc quasi l’ensemble des leviers politiques et économiques pour gouverner la Polynésie. Pour Moetai Brotherson donc, la France ne peut plus laisser son siège vide lors des questions onusiennes abordant la Polynésie.
« Je pense que la parole de l’État est incarnée au plus haut niveau par le président de la République, et je suis un homme qui croit beaucoup en la parole. Le président de la République m’a dit qu’il n’était pas au fait de cette dualité de traitement entre la Nouvelle-Calédonie, et qu’il allait se pencher sur la question, et certainement réviser la position française. On le verra prochainement en octobre lors de la 4ème commission à l’ONU, où je me rendrais cette fois-ci en tant que président de la Polynésie. On verra bien quelle sera l’attitude du représentant permanent de la France aux Nations Unies », conclut le président de la Polynésie.
Au-delà de ce sujet caractérisant le combat politique du Tavini Huiraatira d’Oscar Temaru, le nouveau président polynésien tire un bilan positif de son premier déplacement à Paris. « On a enchaîné les rendez-vous, aussi bien avec les Ministères qu’avec les services techniques, les interlocuteurs locaux comme les associations. Ça a été quatre jours bien remplis, et demain matin nous reprenons l’avion avec le sentiment du devoir accompli ». Plus d’informations à venir ce weekend sur Outremers360.