Polynésie : Le voyage vers les astres du navigateur tahitien Jean-Claude Teriierooiterai

Polynésie : Le voyage vers les astres du navigateur tahitien Jean-Claude Teriierooiterai

Jean-Claude Teriierooiterai à la barre de la pirogue Faafaite ©DR

Jean-Claude Teriierooiterai, ancien ministre, ancien directeur de Tahiti Nui Telecom, membre de l’Académie tahitienne Fare Vana’a, docteur en Littérature, Linguistique et Sciences humaines, et expert en navigation ancestrale polynésienne, est décédé ce jeudi à Paris, des suites d’une longue maladie. 

Un regard rieur, rêveur et perçant de ses yeux turquoise qui manquera incontestablement au monde culturel polynésien. Jean-Claude Teriierooiterai était un de ses monuments. Sa langue natale chevillée au corps, il avait rejoint l’Académie tahitienne en 2013, À l’époque présidée par John Doom, en même temps que le père Médéric Bernardino, et pour succéder à Maco Tevane. Il devenait dès lors un Immortel.

Assoiffé de savoir et de transmission, Jean-Claude Teriierooiterai avait aussi rédigé, en 2017, une thèse intitulée « Mythes, astronomie, découpage du temps et navigation traditionnelle : l’héritage océanien contenu dans les mots de la langue tahitienne ». Il s’y était notamment intéressé au ciel comme instrument de mesure des anciens tahitiens et à l’importance de la langue pour déchiffrer cette science ancestrale. Une entreprise peu surprenante pour un homme dont l’esprit était toujours proche des astres.

« Cette conceptualisation du ciel offrira aux Tahitiens un instrument de mesure spatiotemporel remarquable », peut-on lire en préambule de cette thèse. « Leur lexique astronomique comporte près de deux cents termes porteurs de concepts. Les revisiter conduit à découvrir leur ancienne science ». Une ancienne science que le Docteur en linguistique a pris plaisir à explorer et à en rendre chaque parcelle comme un héritage à transmettre aux jeunes générations.

La carte des étoiles tahitiennes réalisée par Jean-Claude Teriierooiterai ©Tainui Friends of Hokule’a en partenariat avec Pew Polynésie

La carte des étoiles tahitiennes réalisée par Jean-Claude Teriierooiterai ©Tainui Friends of Hokule’a en partenariat avec Pew Polynésie

Natif du district de Papenoo, Jean-Claude Teriierooiterai fut parmi ceux qui ont remis au goût du jour la navigation ancestrale polynésienne, intimement liée à la lecture du ciel et des étoiles qu’il affectionnait tant. Il présidait par ailleurs l’association Faafaite, engagée dans la navigation polynésienne, et s’était lié d’amitié au voyageur Hawaiien Nainoa Thompson. Fort de ses connaissances sur l’astronomie, il avait réalisé une carte des étoiles tahitiennes. Il parlait d’elles comme des divinités, des corps célestes en mouvement qui guidaient les hommes, tant sur le grand Pacifique que dans le désert du Sahara.

Attaché à sa culture, Jean-Claude Teriierooiterai avait accompagné la troupe O Tahiti E et sa cheffe Marguerite Laï dans l’écriture de leurs spectacles depuis 2014 : « Te Fetia Avei’a » pour le Marae Arahurahu, « Te ‘Anapa » pour le Heiva I Tahiti 2015 ou encore, l’écriture des chants pour le Heiva de 2016. La consécration arrive en 2019 pour cet orateur habité. Il écrit alors le spectacle de O Tahiti E, pour le « Heiva I Tahiti ». « Te Aho Nunui », le souffle de la vie, avait alors fait frissonner la scène de To’ata. Cette année-là, Jean-Claude Teriierooiterai reçu le Prix du Meilleur auteur pour ce spectacle, tandis que la troupe de Marguerite Laï remportait le Grand prix « Hura Tau ».

Jean-Claude Teriierooiterai au Heiva I Tahiti 2015 ©Facebook / O Tahiti E

Jean-Claude Teriierooiterai au Heiva I Tahiti 2015 ©Facebook / O Tahiti E

À Paris depuis plusieurs mois pour y suivre des soins, Jean-Claude Teriierooiterai avait, en toute discrétion, œuvré pour rapatrier des masques en paréos, aux couleurs du pays, pour les malades polynésiens en évacuation sanitaire dans la Capitale. En avril 2019, il nous expliquait l’origine du nom « Powehi », attribué au premier trou noir photographié de l’Histoire.

« Matari’i i ni’a, le lever des pléiades, aura un parfum particulier cette année au fond de la vallée. En levant les yeux, derrière la crête, en cherchant bien, je suis sûr qu’on pourra apercevoir tes yeux malicieux », a réagi le député Moetai Brotherson. Tout au long de ce jeudi, les marques d’affection se sont multipliées sur la toile tahitienne. Les associations Faafaite et Haururu lui ont rendu un vibrant hommage en Reo Tahiti. Marguerite Laï entend bien, de son côté, rejouer son spectacle « Te Aho Nunui » dès que la situation sanitaire lui permettra.

En 2019, Jean-Claude Teriierooiterai remportait le prix du Meilleur auteur au Heiva I Tahiti ©Facebook / O Tahiti E

En 2019, Jean-Claude Teriierooiterai remportait le prix du Meilleur auteur au Heiva I Tahiti ©Facebook / O Tahiti E

Le président de l’Assemblée de Polynésie a salué « l’homme de culture et de poésie qu’il était ». Gaston Tong Sang « salue la mémoire d’un grand homme de la culture dont les écrits, les pensées et les œuvres guideront pour de longues années encore, telles les étoiles dans la nuit noire et les courants du grand océan, les pirogues des générations futures ». « La volonté et le courage d’avancer caractérisait l’homme qu’il fût, passionné, tenace et persévérant, surtout lorsqu’il était question de sa culture » a souligné le président de la Polynésie Édouard Fritch.

Le père de famille a finalement entamé son dernier voyage pour rejoindre ces astres qu’il affectionnait tant, qu’il tutoyait, et qui chaque jour encore lui dévoilaient leurs secrets. Ce jeudi à Paris, ce n’est pas une lumière qui s’est éteinte, mais une nouvelle étoile qui s’est élevée dans cette voute céleste qui guide les grands voyageurs de l’Océanie. Son corps devrait rejoindre sa famille et sa terre natale de Papenoo dans les prochains jours.

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