Le Conseil d'État a annulé lundi la loi fiscale 2024, votée en décembre par l'Assemblée de la Polynésie française à majorité indépendantiste, contre laquelle l'opposition avait déposé un recours en dénonçant des irrégularités dans l'examen du texte.
Conséquence de cette décision, le gouvernement polynésien a l'obligation de rembourser les taxes perçues depuis le 1er janvier, en attendant le vote d'une nouvelle loi quasi-identique, déjà déposée à l’Assemblée territoriale par le gouvernement local le 16 mars pour anticiper la décision attendue du Conseil d’État. D’après TNTV, La ré-adoption de cette dernière pourrait encore être sujette à de nouvelles contestations juridiques, sur fond comme sur la forme.
Les élus autonomistes des partis Tapura Huiraatira et A Here ia Porinetia (AHIP) estimaient que le président de l'Assemblée, Tony Géros, n'avait pas respecté le règlement intérieur de l'assemblée en faisant voter le texte deux fois en commission, afin d'y faire passer des amendements contestés. « Ce détournement de procédure est constitutif d'un détournement de pouvoir », disent-ils dans leur recours devant le Conseil d'État, estimant que la loi a été « adoptée au terme d'une procédure irrégulière ».
« Nous rembourserons ce qu'on a perçu »
Le Conseil d'État leur a donné raison, relevant qu'« aucune disposition (...) ne prévoit la possibilité, pour le président de l'assemblée, lorsque la commission compétente a épuisé sa compétence en adoptant un projet de “loi du pays” après l'avoir examiné et, le cas échéant, amendé, de la convoquer à nouveau afin qu'elle en délibère une seconde fois ». « La “loi du pays” n°2023-37 du 15 décembre 2023 portant diverses mesures fiscales dans le cadre de l'approbation du budget de la Polynésie française pour l'exercice 2024 est annulée », indiquent les magistrats dans leur décision.
« Nous rembourserons ce qu'on a perçu », avait assuré à l'AFP Tevaiti Pomare, ministre de l'Économie, avant la décision du Conseil d'État : « Si la loi est annulée, le gouvernement est prêt, les textes sont prêts et nous repousserons les textes dans le circuit législatif ». De son côté, l’opposition autonomiste s’est dite « un peu déçue par la réaction du gouvernement et de la majorité qui, finalement, ont déposé quasiment le même texte ». Celui-ci doit être examiné à partir de ce mardi.
« Le sentiment que l’on a, c’est une forme de persévérance dans l’erreur (…) On va essayer d’interroger le gouvernement sur la manière dont il va gérer ce dossier car il y a des remboursements à effectuer. Il y a un budget qu’il faut équilibrer à nouveau. Et surtout, il faut entendre, je pense, la voix des acteurs économiques et des partenaires sociaux qui ont déjà exprimé leur opposition à ce texte (…) On va essayer de ramener le gouvernement à la raison », a déclaré Nuihau Laurey, ancien ministre des Finances d’Édouard Fritch, depuis chef de file AHIP.
« Quelques corrections à la marge »
Car pour l’élu, le texte est « fondamentalement mauvais » sur le « plan économique », « social », comme « environnemental ». « Ce texte ne va pas dans le sens de la prise en compte de la cherté de la vie, du développement du tourisme », a-t-il déploré : « On a essayé de proposer des mesures pour améliorer le texte et elles ont été rejetées ». L’élu a également regretté l’absence, sur le territoire, du chef de l’exécutif : « Il y a des visites à droite et à gauche. Là-aussi ça pose un vrai problème de gouvernance de notre pays ».
Depuis un déplacement à Singapour, le président de la Polynésie Moetai Brotherson a également réagi à la décision du Conseil d’État, que l’exécutif et la majorité indépendantistes avaient « anticipée ». « On avait déjà passé en conseil des ministres la nouvelle mouture qui est sensiblement la même. Elle a été transmise dans le circuit », a-t-il indiqué. Et d’ajouter : « Ce que l’on constate, c’est que le Conseil d’État a statué sur la forme, notamment la méthode qui a été utilisée par l’Assemblée de Polynésie pour la transmission de la loi de pays, et non sur le fond ».
Mais le président du Pays n'exclut pas une refonte a minima du texte : « Nous allons peut-être essayer de faire quelques corrections, à la marge, sur les articles sur lesquels nous pensons qu’il y a matière à améliorer le texte ». Ces mesures fiscales, indispensables pour le vote du budget de la Polynésie française, étaient les premières votées depuis l'élection à la présidence de la collectivité de Moetai Brotherson, en mai 2023.
Avec TNTV et AFP