Trois cadres du parti autonomiste majoritaire polynésien, fondé par l’actuel président Édouard Fritch, ont en démissionné mercredi, à sept mois des Territoriales, le scrutin local le plus important dans cette Collectivité d'Outre-mer.
Le sénateur Teva Rohfritsch et les élus de la majorité Nicole Bouteau et Philip Schyle ont annoncé dans un courrier commun leur démission du Tapura Huiraatira, le parti du président polynésien Édouard Fritch, parmi les soutiens outre-mer d’Emmanuel Macron. Ils démissionnent aussi du groupe du même nom à l'Assemblée locale.
Le départ de trois piliers de son parti est un coup dur pour Édouard Fritch, dont le parti a déjà subi un revers majeur aux élections législatives. Au second tour, ses trois candidats, dont Nicole Bouteau, avaient été battus par trois indépendantistes, dont le benjamin de l'Assemblée nationale Tematai Legayic. Dans leur courrier adressé à Édouard Fritch, les trois personnalités politiques démissionnaires estiment que c'est sa gouvernance qui explique cette « défaite cuisante » et déplorent son absence de réaction. « La crise sanitaire qui a frappé notre pays semble vous avoir fait perdre pied », écrivent-ils au président.
Sans le nommer, ils visent l'ancien vice-président Tearii Alpha, qui avait refusé de se faire vacciner et avait convié plusieurs centaines d'invités à son mariage en pleine pandémie, fin juillet 2021. Édouard Fritch, lui-même invité, avait joué de la guitare sur scène, alors qu'il avait interdit de tels rassemblements quelques jours plus tôt. Plusieurs vidéos avaient fuité sur les réseaux sociaux.
Malgré le tollé suscité par cette affaire en août 2021, Édouard Fritch avait choisi de maintenir Tearii Alpha au gouvernement, où il est toujours ministre de l'Agriculture. Tearii Alpha, un temps considéré comme le potentiel successeur d’Édouard Fritch, est également maire de Teva I Uta et président de la communauté de communes Terehiamanu, qui comprend toutes les communes du sud de Tahiti et représente environ 60 000 habitants.
Dans leur courrier, les démissionnaires regrettent aussi « les décisions gouvernementales inopportunes (...) dans un contexte mondial d'inflation inédit, qui pèse lourdement sur le pouvoir d'achat des Polynésiens ». Nicole Bouteau, Teva Rohfritsch et Philip Schyle s’étaient déjà éloignés du parti majoritaire depuis quelques semaines. Au lendemain des Législatives, le sénateur polynésien, proche du parti Renaissance, avait demandé au gouvernement d’Édouard Fritch « des mesures fortes » en matière sociale.
Dans un communiqué, le Tapura Huiraatira a indiqué que ces démissions n'étaient « pas une surprise » et demandé qu’ils démissionnent de leur mandat de représentants à l’Assemblée locale. Teva Rohfrisch a été vice-président et ministre de l'Économie dans le gouvernement de la Polynésie française jusqu'en 2020, avant de démissionner pour se présenter aux élections sénatoriales. Nicole Bouteau était ministre du Travail et du Tourisme, mais en avait démissionné fin 2021 pour protester contre le maintien au gouvernement de Tearii Alpha.
Quelques jours plus tôt, le maire de Papara, une commune de Tahiti, avait annoncé qu'il quittait le Tapura Huiraatira pour rejoindre les indépendantistes. Même s'il conserve sa majorité à l'Assemblée de la Polynésie et le soutien de nombreux maires, la division des autonomistes met Édouard Fritch, qui se présente à sa propre succession, en difficulté à quelques mois des Territoriales. Tepuaraurii Teriitahi, présidente du groupe à l’Assemblée, elle aussi battue aux Législatives par un indépendantiste, craint que « cette division » fasse « les beaux jours du Tavini », parti d’Oscar Temaru, seul sur le créneau de l’accession à la pleine souveraineté.
Petit rappel historique, Nicole Bouteau et Philip Schyle avaient, en 2004, permis à l'indépendantiste Oscar Temaru d'être élu président de la Polynésie. Alors à la tête de leur parti autonomiste respectif, Nicole Bouteau et Philip Schyle souhaitaient le changement à la tête de la Collectivité, après 20 ans de domination politique de l'ancien président, Gaston Flosse, et son parti, duquel sont issus de nombreux caciques autonomistes, dont Édouard Fritch et Teva Rohfritsch.
Avec AFP.