Loyers impayés, arrêt des aides, taux de vacance élevé... La Société immobilière de Nouvelle-Calédonie (SIC), acteur central du logement social dans l'archipel, risque la liquidation. Un tremblement de terre à la mesure de l'importance de ce bailleur qui loge plus d'un Calédonien sur dix.
« Si on ne trouve pas de solution, c'est une bombe sociale qui va exploser. Nous avons eu la colère de la jeunesse, nous aurons la colère des familles », alerte Petelo Sao, le président du conseil d'administration de la Société immobilière de Nouvelle-Calédonie.
Depuis cinq ans, cette société d'économie mixte créée en 1956 et détenue à parts égales par le gouvernement de Nouvelle-Calédonie et l'Agence française de développement (AFD) connaît de graves difficultés financières. Son déficit, de l'ordre de 5,8 millions d'euros par an, a encore plongé depuis mai et la crise institutionnelle qui a dégénéré en émeutes, triplant quasiment selon Petelo Sao.
Lors d'un conseil d'administration extraordinaire la semaine dernière, celui-ci a prévenu : « Soit des réformes sont adoptées, soit la SIC est menacée de liquidation au premier trimestre 2025, voire dès la fin de cette année ». Une catastrophe alors que la SIC gère un parc immobilier de plus de 10 000 logements et loge environ 15% de la population calédonienne dont 27 000 personnes à Nouméa, soit un ménage sur cinq.
« La liquidation d'un bailleur social ? Je ne sais pas comment faire. Derrière les chiffres, il y a des gens, des familles », s'inquiète Petelo Sao auprès de l'AFP. L'impossibilité pour le gouvernement de Nouvelle-Calédonie - aux finances exsangues depuis la crise - d'assurer l'aide au logement, directement versée aux bailleurs, pourrait précipiter la SIC vers la banqueroute.
Le Fonds social de l'habitat (FSH), l'organisme calédonien qui collecte la contribution des employeurs et gère cette aide, a bien été sollicité pour avancer des fonds à la place du gouvernement mais a refusé, le justifiant dans une réponse écrite à l'AFP par « la situation économique actuelle et l'incertitude qui l'entoure ».
Taux de vacance élevé
La SIC fait face à un autre défi majeur : un taux de vacance des logements de 16%, causé notamment par des conditions d'accès difficiles (il faut être titulaire d'un CDI) et le manque d'attractivité du parc, en mauvais état. Dans l'Hexagone, en comparaison, le taux de vacance plafonne à 2,9% en moyenne, selon un rapport de la Cour des comptes.
L'augmentation des loyers impayés et des résiliations de baux, notamment dans les quartiers particulièrement touchés par les émeutes, aggrave encore la situation. D'autant que ces impayés sont appelés à augmenter. En juillet, la province Sud (la plus riche de Nouvelle-Calédonie, où se trouve Nouméa) a décidé de porter de six mois à 10 ans la durée de résidence dans la province pour bénéficier des aides sociales.
« Aujourd'hui, il est très difficile d'attribuer de nouveaux logements sociaux. Les financements sont gelés et même les projets en cours risquent de ne pas être finalisés. Cette décision unilatérale complique l'accès au logement pour ceux qui en ont le plus besoin », estime Petelo Sao. Le président de la SIC dit aussi être pressé « par les « voisins vigilants » (des habitants loyalistes organisés pour protéger leur quartier durant les émeutes, NDLR) à expulser ses locataires, parce qu'ils seraient des émeutiers ».
Au-delà de la SIC, les déboires du bailleur révèlent un besoin urgent de réformer le logement social en Nouvelle-Calédonie. Vaimu'a Muliava, membre du gouvernement calédonien en charge de l'urbanisme et de l'habitat, a porté une réforme visant à préserver ce pilier « de la cohésion sociale » mais l'examen de son texte, qui prônait un meilleur financement du logement social, a été interrompu par la crise institutionnelle.
Vaimu’a Muliava remet en question l'aide versée en Nouvelle-Calédonie aux locataires du parc privé, qui représente près du quart de l'aide au logement totale. Sa suggestion : utiliser ces contributions pour alimenter un fonds similaire à celui de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et financer la rénovation des quartiers.
« On ne peut pas se contenter de réformes superficielles », affirme Vaimu'a Muliava : « Il faut dépolitiser le logement social, qui est devenu une usine à gaz. On a empilé les structures, multiplié les acteurs, (...) on se retrouve avec des citoyens noyés sous des démarches administratives complexes ».
Avec AFP