Le missile balistique intercontinental équipé d'une « ogive factice », lancé dans la nuit du mardi au mercredi 25 septembre, a atterri tout près de la ZEE polynésienne. Il s’agissait du premier tir de longue portée de la Chine en direction du Pacifique depuis 1980 et, pour l’heure, Paris n’a pas encore réagi.
Le « véhicule de rentrée » du test, effectué depuis Hainan, a atterri près de la ZEE de la Polynésie française, dans la zone entre l’ouest des îles Marquises, archipel au Nord-est de la Collectivité d’Outre-mer, et le Nord des Tuamotu, a fait savoir le chercheur Sébastien Philippe, co-auteur, avec Tomas Statius, de l’enquête Toxique, sur les retombées et conséquences des essais nucléaires français en Polynésie.
Il s’agissait plus précisément d’« un tir d'essai avec une ogive non-nucléaire mais instrumentée ». « On teste les performances du missile et du véhicule de rentrée en faisant des mesures », a expliqué le chercheur à la rédaction d’Outremers360. Dans son communiqué, le ministère chinois des Armées avait assuré la nuit dernière que son missile « est tombé avec précision dans la zone maritime prédéterminée ».
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« Ce lancement de missile fait partie du programme annuel d'entraînement de routine de la Force des fusées », il « est conforme au droit et aux pratiques internationales et ne vise aucun pays ou cible spécifiques », a aussi assuré le Ministère, bien que son amerrissage soit très près d’un territoire français dans le Pacifique.
En outre, « il n’est pas certain que la diplomatie française ou le gouvernement de la Polynésie ait été informé à l’avance du test et de sa zone d’atterrissage comme l'ont été les ministères des Armées des États-Unis ou d'Australie et de Nouvelle-Zélande, au-delà d'une simple notice internationale NOTAM (« messages aux navigants aériens », ndlr) ». « C'est clairement problématique et cela fait peut-être partie du signal envoyé par la Chine », ajoute Sébastien Philippe sur X.
Ni le Ministère des Armées, ni le Quai d’Orsay ou le Haut-commissariat de la République en Polynésie n'ont communiqué, pour l’heure, à ce sujet. Et le ministère chinois de la Défense a précisé mercredi que « les pays concernés » par le lancement, sous-entendu se trouvant à proximité ou sur la trajectoire du missile, avaient été informés « à l'avance ». « Plusieurs bulletins Hydropac (avertissements de danger de navigation pour le Pacifique émis par la National Geospatial-Intelligence Agency, une agence du ministère de la Défense des États-Unis) avaient ainsi été émis dans la soirée de mardi, parlant « d’opérations dangereuses » et de « débris spatiaux » » ont aussi indiqué nos partenaires de Radio 1 Tahiti.
« Il est très rare que les paramètres d'un tel test soient décidés au hasard » a aussi poursuivi Sébastien Philippe. « La Chine a fait une notice NOTAM juste avant le tir pour indiquer les zones de retombées de l'ogive et des étages du missile, qui peuvent mettre en danger des avions ou des navires commerciaux ». Dans la NOTAM, des étages du missile seraient aussi tombés au large nord des Philippines.
Cet essai, qui a eu lieu à minuit (heure de Paris) dans la nuit de mardi à mercredi, intervient en pleine session de l’Assemblée générale des Nations unies, et juste au lendemain du discours du président Joe Biden, en pleine campagne présidentielle américaine et sur fond de tension et de lutte d'influence entre les États-Unis et la Chine. « Il s’agit d’un signal clair adressé aux États-Unis et à la communauté internationale concernant les ambitions nucléaires renouvelées de la Chine » estime Sébastien Philippe.
« Ce test intervient au moment où la Chine achève la construction de plus de 300 nouveaux silos terrestres de missiles balistiques intercontinentaux, dans trois installations de lancement : Ordos, Hami et Yumen », ajoute l’universitaire, qui précise aussi que ce test « montre une portée de 11 500 km ». En d'autres termes, à la portée des États-Unis depuis le site de lancement d'Ordos.