INTERVIEW.Paris 2024 - Kauli Vaast : « J’ai eu le mana avec moi, je l’ai senti tous les jours »

© Fédération française de surf/ Guillaume Arrieta -We Creative

INTERVIEW.Paris 2024 - Kauli Vaast : « J’ai eu le mana avec moi, je l’ai senti tous les jours »

Difficile de réaliser pour Kauli Vaast, qui vient d’entrer dans l’histoire du surf et de la Polynésie avec ce sacre à la maison. Le surfeur de 22 ans remercie ses proches, ses coachs, et l’océan qui lui a offert « un peu de chance » pendant sa finale à sens unique contre Jack Robinson. Mais cette victoire lui donne aussi un shot de confiance en soi pour poursuivre la quête qu’il a débuté voilà plusieurs années : intégrer le Championship Tour. « J’ai ma place parmi les meilleurs », insiste-t-il. Détails avec notre partenaire Radio 1.


Que dire un jour de sacre ? Kauli Vaast, nouveau roi de Teahupo’o, a la médaille, mais pas encore les mots. « J’ai encore toute l’adrénaline qui est là. Je sais que j’ai gagné mais voilà je réalise pas forcément bien » répète-t-il de la sortie de l’eau, alors que résonnent encore les hourras de la fan zone et des bateaux. Où qu’il aille, la foule, que l’organisation a laissé traverser la passerelle fermée depuis dix jours, avant même la fin de la compétition, l’applaudit, l’encense, l’interpelle. Et lui salue, sourit, enlace à tours de bras, du président du Pays au pilote de jet ski, du Haut-commissaire à l’agent de sécurité en passant par les urgentistes, bénévoles, staffs d’équipes et autres officiels.

Kauli est, plus que jamais, « chez lui » comme l’ont scandé ses soutiens tout au long de la compétition. « Cette finale, cette victoire, j’en ai beaucoup rêvé, lâche-t-il au milieu d’un marathon d’interview qui ne fait que commencer. J‘y ai cru et quand tu veux tu peux. J’ai eu le mana avec moi, je l’ai ressenti tous les jours même si je le voyais pas… Et voilà, je l’ai fait champion olympique ! C’est une victoire pour la France, pour la Polynésie et pour toutes les personnes qui ont cru en moi et qui sont près de moi ».

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Le « claim » en sortie de vague, « c’était pas moi, ça venait naturellement »

Des mots simples pour une finale à sens unique. Le surfeur de 22 ans, qui avait « galéré » à se qualifier pour ces JO, a enchaîné les mauvaises performances en WSL ces derniers mois, et avait dû passer par le tour de repêchage le weekend dernier. Il a eu, dès le début de son duel contre Jack Robinson, l’occasion de tester sa détermination. Quelques minutes après le lancement du heat, dans des conditions de houle très indécises, une série de vagues, d’une taille inespérée, fait face aux deux concurrents. Le Tahitien, fin connaisseur du spot, est le plus rapide à trouver le bon placement.

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La déferlante est plus imposante, plus creuse, que toute celles qui se sont fait voir en cette dixième et dernière journée de compétition. Comme si l’onde avait été dessinée pour lui. Kauli entre dans un tube profond, en sort les coudes en l’air, montrant ses biceps à la tour des juges. 9.5, largement mérité. Sur les bateaux de la passe ou la fan zone du PK0, c’est la déflagration.

Ce geste, il l’a offert plusieurs fois au public ces derniers jours et il est déjà repris par une partie de ses supporters lors de la remise des médailles. Une nouvelle signature ? « D’habitude, je ‘claim’ jamais. Mais dans cette compétition, j’ai tellement eu de la joie, j’ai tellement profité, c’est tellement des moments uniques, décrit-il. Quand je ‘claimait’ en sortie de vague, c’était même pas moi, ça venait naturellement ».

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Et Hava’e se tut

L’Australien, qui a gagné à Teahupo’o pas plus tard qu’en 2023, ne tardera toutefois pas à réagir, sautant sur une vague de la même série. 7.83, il est toujours en course. Mais à peine le numéro 3 mondial s’avance vers le « peak » que Kauli a choisi une autre monture. Nouveau tube, plus court, quelques manœuvres et une autre célébration pour un 8.17 qui scelle son destin. Trois vagues, pas une de plus dans ce heat de 35 minutes. 17.67 à 7.83, les scores ne bougeront plus. Comme si Hava’e avait décidé d’en rester là, satisfaite du résultat. « C’était un peu stressant, c’était les 15 minutes  les plus longues de ma vie, souffle le jeune champion olympique. Dans le ‘channel’, ça chantait, j’avais envie de leur dire, calmez vous, il reste du temps, il lui faut un 9, mais c’est Jack donc doucement… Mais c’était unique ! »

Un shot de confiance en soi pour le vrai objectif : le CT

Un moment unique et un succès unique, à plusieurs titre. Kauli Vaast est le premier champion olympique français en surf, et l’un des deux premiers médaillés dans la discipline avec le bronze de Johanne Defay. C’est surtout le premier champion olympique polynésien, inscrivant son nom aux côtés de Anne-Caroline Graffe, médaillée d’argent en Taekwondo à Londres en 2012. Un résultat pour l’histoire, donc.

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Mais même après sa performance, l’enfant de la Presqu’île n’a pas changé d’avis : son objectif premier, c’est le CT. Kauli Vaast tente depuis plusieurs années d’intégrer, en bataillant dans les QS régionaux et les Challengers series, l’élite mondiale, qui lui résiste toujours. « Je veux être avec eux », rigolait-il lors de la conférence de presse officielle, les pouces tendues vers Gabriel Medina et Jack Robinson, une vingtaine de victoires d’étape WSL à eux deux. « Cette victoire, elle me rassure, elle me dit que je suis un des meilleurs à Teahupo’o, que je peux gagner, que j’ai ma place parmi les meilleurs mondiaux. Ça me donne une confiance en moi qui est énorme. Mais le but principal, c’est de qualifier dans le CT et je vais continuer à le faire ».

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Quelques décisions seront tout de même à prendre pour le nouveau champion olympique, déjà populaire en France et à l’international, et qui sera, forcément, très sollicité dans les prochaines semaines et prochains mois. La première : celle d’aller fêter son titre en France dans les réceptions officielles et sur les plateaux de télé, où de s’envoler pour Huntington Beach, où commence l’US Open dès demain. Et ainsi de remonter au classement des Challenger series où il pointe à une difficile 46e place. Très hésitant à la sortie de l’eau, et malgré la bénédiction de Jérémy Flores qui l’encourage à aller se faire un « kiff » à Paris, Kauli Vaast semblait, plus tard, pencher pour l’option américaine. Ce sera après un peu de temps en famille et entre amis. Sa mère avait préféré jardiner plutôt que regarder la finale. Trop stressant. « Quand je vais rentrer à la maison, je vais devoir ratisser parce qu’elle a tout coupé », rigole le nouveau roi de Teahupo’o.
 

Par Radio 1