Hausse des cours du nickel : La Nouvelle-Calédonie en profite-t-elle ?

©Eramet / SLN

Hausse des cours du nickel : La Nouvelle-Calédonie en profite-t-elle ?

Les cours de l’or vert ont caracolé en début d’année entre 30 000 et 100 000 dollars la tonne. De quoi laisser présager de bons résultats en 2022 pour les usines calédoniennes. Pourtant, à la SLN, on estime que « ce cours donne des espoirs mirifiques trompeurs ». Un point de vue partagé par les autres sociétés minières et métallurgiques, elles aussi prudentes quant aux perspectives offertes. Explications de notre partenaire Actu.nc.

Au début du mois de mars, après avoir tutoyé les 30 000 à 50 000 dollars la tonne, le cours du métal du diable s’était même envolé à 100 000 dollars au London Metal Exchange (marché des métaux de Londre), en raison de la guerre en Ukraine. Un épisode historique qui avait laissé entrevoir des gains prometteurs pour les pays producteurs de nickel, dont la Nouvelle-Calédonie.

Tout ne se vend pas au prix du LME

Mais cette envolée, de courte durée, n’a pas eu pleinement les effets es- comptés. Jérôme Baudelet, directeur commercial d’Eramet, la maison mère de la SLN, explique sur la newsletter mensuelle de l’entreprise que « ni la SLN ni ses concurrents n’ont jamais vendu leur production à ces prix-là. Aucun producteur d’acier inoxydable ne peut acheter sa matière première deux voire cinq fois plus cher que les semaines précédentes ». Le cours du LME est un indice de référence dans les négociations, mais il n’est pas forcément le prix de vente final, précise-t-il. Encore moins quand l’indice s’envole pour des raisons de spéculation, où le LME ne fait carrément plus office de référence.

Des ventes majorées, mais des charges en augmentation

Par ailleurs, comme l’explique Guillaume Verschaeve, directeur général de la SLN, la SLN n’a pas pleinement profité de la hausse du cours du LME au 1er trimestre 2022, faute de production suffisante de ferronickel, liée à la forte saison des pluies. A cela s’ajoutent des dépenses qui sont venues grever les gains réalisés en début d’année. « Nous avons aussi consommé du cash pour acheter nos matières premières (fuel, charbon), qui sont en forte hausse, et financer l’arrivée de la centrale accostée temporaire qui est indispensable pour la survie de l’usine. Finalement, malgré la hausse du cours du LME, nous avons continué à détruire du cash sur ce premier trimestre et notre coût de production a augmenté de +25 % », détaille-t-il sur la newsletter mensuelle de la SLN.

Constat partagé par Prony Resources qui confie être impactée par la hausse des cours des matières premières (soufre, charbon...) dans l’usine du Sud depuis le début d’année. Dans la mesure où les sociétés minières et métallurgiques calédoniennes enregistrent un lourd passif financier depuis plusieurs années, la hausse des cours fournit une bouffée d’oxygène particulièrement bienvenue, et permet de limiter les pertes, mais pas de bénéficier de rendements supplémentaires conséquents. Tout du moins pour l’heure.

Reste que si les niveaux boursiers du « métal du diable » se maintiennent entre 25 000 et 33 000 dollars la tonne, comme c’est le cas depuis quelques mois, la situation des usines calédoniennes devrait nettement s’améliorer. Tout du moins pour celles qui parviendront à produire en quantité et avec des charges maîtrisées.

2 questions à Karl Therby, directeur général de la SMSP 

La SMSP et ses filiales (NMC, Koniambo Nickel...) bénéficient-elles de retombées positives de la hausse des cours ?

Le groupe SMSP et ses filiales, comme toutes les sociétés du secteur, bénéficie de la hausse des cours, c’est évident. Néanmoins, il faut voir la photo globale du marché. Depuis la forte hausse des cours, et au contraire des produits destinés au marché des batteries, le ferronickel, destiné à la production d’acier inoxydable, ne se vend plus au prix LME que voit le grand public, mais plutôt au prix du Npi - Nickel pig iron* (entre 70 et 75% du LME). Il faut aussi prendre en compte l’augmentation des matières premières, le diesel et, pour la partie métallurgie, le charbon dont le prix d’achat a été multiplié par plus de trois. Cette bonne année va aussi permettre d’investir et de rembourser les emprunts pris pendant la dernière crise qui avaient à l’époque permis de sauvegarder l’emploi. Mais oui, globalement nous sommes satisfaits de ces niveaux de cours.

La SMSP et ses filiales ont-elles instauré des mécanismes d’intéressement au bénéfice de leurs employés pour que ceux-ci tirent parti de la hausse des cours ?

Depuis plusieurs années déjà, des systèmes d’intéressements/participation sont en place au sein du groupe SMSP. Quand les cours sont plus élevés, si la production et la compétitivité sont au rendez-vous, les sociétés font un meilleur bénéfice, il est alors naturel que cela profite aussi aux salariés qui eux aussi ont fourni des efforts durant la crise. Si le salarié est compétitif, son entreprise gagnera plus d’argent et lui aussi, c’est un cercle vertueux où tout le monde est gagnant.

*Fonte de nickel 

Actu.nc