Après le débarquement et l’aide humanitaire, l’exercice Marara s’est intensifié à sur les îles de Huahine et Raiatea, en Polynésie française. Les militaires, actifs ou réservistes, ont dû procéder à des évacuations de « civils », des prises en charge de blessés, et réagir à des situations de tensions, qui peuvent naître après les catastrophes naturelles. Objectif : avoir des procédures rodées en cas d’intervention humanitaire à l’étranger. Reportage de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Plus l’exercice Marara avance, moins la tour de contrôle de Huahine ne sait où donner de la tête. Ce mercredi matin, elle a fait atterrir deux fois les Casa de l’armée, qui enchaînent les rotations vers Tahiti, elle a dû faire de la place pour le Gardian transportant l’état-major international, demander au C-130 Hercules américain, atterri quelques heures plus tôt, de changer de parking pour attendre les troupes qu’il doit déplacer.
Dans le même temps, au fond du petit aéroport, l’Alouette 3 – qui connaît là ses derniers vols avant la retraite – multiplie les vols d’entrainement et de reconnaissance. Au-dessus du Bougainville, qui navigue dans la zone, ou de l’USS Pearl Harbour, en manœuvre à Raiatea. Ou au-dessus de l’Arago qui déploie une équipe en Zodiac tout près du quai de Fare, principal village de Huahine, sous l’œil curieux des vendeurs du port, et des va’a de passage.
Blessés, énervés, inquiets… Les jeunes du RSMA jouent les victimes
Mais c’est bien à terre que l’effervescence est à son comble. Le scénario de Marara – un pays fictif, le Greenland, un cyclone puissant, beaucoup de dégâts et un appel à l’aide internationale – n’en finit plus de s’intensifier. Après avoir monté sa base-vie près de l’aéroport et sécurisé les sites stratégiques, la semaine dernière, après avoir effectué des missions d’assistances aux populations et d’encadrement de l’action des ONG, après avoir répété les manœuvres de recherches et de sauvetage en mer, il s’agissait pour les forces armées, hier matin, de simuler une évacuation de ressortissants internationaux.
Raison pour laquelle l’armée de terre a mis en place un Centre de regroupement et d’évacuation des ressortissants (Crer). Une organisation utilisée par exemple lors des interventions aux Tonga, à Fidji ou au Vanuatu dans des missions d’assistance humanitaire, à laquelle l’armée française est particulièrement rodée. « Mais il faut toujours continuer à pratiquer », explique le capitaine Yohann, responsable du camp à Huahine. « Quand on a une quarantaine de personnes à évacuer, il nous faut environ 5 heures pour monter un Crer. L’objectif est de récupérer rapidement les personnes, les accueillir, les acheminer soit à l’aéroport, soit au port, pour les faire repartir sur Papeete », ajoute-t-il.
En guise de touristes et autres expats forcés de quitter le pays après le passage de la tempête, des jeunes recrues du RSMA. Sacs et polochons sur le dos, ils ont été déployés un peu partout autour de l’île. Le pont de Maroe étant – fictivement – coupé, il faut parfois déployer des embarcations pour aller les chercher. Et, comme dans les conditions réelles, leur évacuation n’est pas toujours simple : blessés, inquiets, enceintes, stressés par plusieurs jours sans ravitaillement, ne partageant pas la langue des soldats… Rien n’est fait pour faciliter la tâche.
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« On nous a demandé de jouer des saynètes, pour recréer ce qui se passe vraiment sur le terrain », explique la caporal-chef Richmond, en section petite enfance du service militaire adapté. « Aujourd’hui, on a joué la femme enceinte dont le marie est inquiet (…), avant-hier, on manifestait parce que l’Armée française ne nous avait pas encore donné de vivre », déroule la caporal-chef. Infirmerie, information, ravitaillement, traitement administratif, mais aussi fouille et vérification des identités… Au Crer, encadré par des forces françaises et américaines, rien n’est laissé au hasard. L’exercice ira jusqu’à ramener la quarantaine d’évacués vers Tahiti, à bord d’un C-130 Hercules américain.
Les réservistes face aux « gangs » et aux pillards
Les militaires, eux, restent à Raiatea et Huahine. Car l’exercice Marara est loin d’être terminé : en fin de journée, nouvelle alerte dans le camp de près de 200 lits monté au nord de l’île. La situation catastrophique du Greenland a plongé certaines zones dans la violence et des « gangs » pillent les vivres disponibles et s’en prennent à des habitants ou aux autorités.
Des informations qui remontent en continu vers le centre d’opération tactique mis en place en marge du camp, au Nord de la grande île. Aux officiers de faire jouer la coopération avec la marine et l’armée de l’air, mais aussi avec les forces alliées participant à l’exercice. « C’est l’occasion pour nous de travailler avec nos camarades aviateurs et marins, mais aussi d’apprendre à rôder nos procédures communes avec les éléments des États-Unis insérés au sein de notre composante terrestre », décrit le chef de bataillon Sébastien.
Si l’exercice a surtout été pris en charge par des militaires de métier à Raiatea, ce sont les réservistes de la première compagnie du Rimap – à 95% polynésienne – qui ont pu s’exercer à Huahine. « On a deux métiers, un dans le civil et un autre dans l’armée. Mais nous avons les mêmes missions, les mêmes devoirs que les autres, et on doit être aussi prêt que l’armée active », explique le commandant Jerry. Entrepreneur à Tahiti, il est aussi officier supérieur et est un élément important du centre d’opération pour l’exercice : « Ce genre d’exercice est là pour entraîner tous nos moyens, matériel comme technique. L’objectif est clair : être prêt pour le jour J ».
Ce mardi marquera la dernière journée d’exercice. Pas la fin du travail pour l’armée – et notamment le Service du commissariat des armées – qui devra remballer le camp et évacuer le matériel vers Tahiti. L’état-major et une partie des troupes se sont retrouvée à Bora Bora mercredi pour une cérémonie marquant les 80 ans de l’opération américaine Bobcat dans le Pacifique. Un défilé terrestre et aérien est organisé pour cette commémoration. « C’est aussi une façon de rappeler que le travail commun ne date pas d’hier », sourit un officier.
Charlie René pour Radio 1 Tahiti