Essais nucléaires en Polynésie : La proposition de loi pour « reconnaître les victimes » et « améliorer leur indemnisation » examinée par l’Assemblée nationale en janvier

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Essais nucléaires en Polynésie : La proposition de loi pour « reconnaître les victimes » et « améliorer leur indemnisation » examinée par l’Assemblée nationale en janvier

La proposition de loi pour « reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français et améliorer leur indemnisation » a été inscrite à l’ordre du jour de la semaine transpartisane de l’Assemblée nationale, à partir du 19 janvier. Un texte qui reprend certaines conclusions de la commission d’enquête sur le nucléaire, et qui est défendu par la députée polynésienne Mereana Reid Arbelot avec le député EPR Didier Le Gac. Détails de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

« Une étape décisive a été franchie » se réjouit Mereana Reid-Arbelot, députée GDR de Polynésie. Ce mardi matin, la conférence des présidents de l’Assemblée nationale a décidé d’inscrire sa proposition de loi sur le nucléaire à l’ordre du jour d’une session plénière. Le texte, intitulé « Reconnaître les victimes de l’exposition aux essais nucléaires français et améliorer leur indemnisation », sera étudiée la semaine du 19 janvier, qui a été consacré comme la « semaine transpartisane » de l’Assemblée nationale. 

Et la proposition est effectivement transpartisane : aux côtés de la députée indépendantiste, inscrite au groupe GDR, elle est aussi portée par Didier le Gac, membre d’Ensemble pour la République, groupe de soutien à Emmanuel Macron. Le député breton, qui avait été moteur sur la réforme de l’indemnisation des victimes de l’amiante, avait pris la présidence, début 2024 puis de nouveau début 2025 après la dissolution, de la commission d’enquête sur les conséquences du nucléaire, dont Mereana Reid-Arbelot était la rapporteure. Ce texte est le premier à s’inspirer de ses conclusions, et propose une importante réforme de la loi Morin de 2010 sur l’indemnisation des victimes.

Indemnisations plus larges mais moins « accablantes » pour l’État

L’élue indépendantiste avait déjà détaillé les objectifs et les grands mécanismes de ce texte sur notre plateau en octobre. Il vient d’abord supprimer le seuil du « 1 millisievert », très contesté par les associations de victimes depuis son introduction dans la loi en 2018 par l’amendement Tetuanui, en remplacement du « risque négligeable ».

La réforme ne revient toutefois pas à un état antérieur mais change plus globalement l’esprit du texte : plutôt que de rechercher un lien de causalité formel -et toujours débatable- entre une maladie potentiellement radio-induite et les essais, le texte pose un « principe d’exposition ». « C’est le risque que la France a fait encourir à certains Polynésien » qui est désormais indemnisée, expliquait ainsi Mereana Reid Arbelot au micro de Radio 1, précisant que le critère temporel serait réduit à la période de 1966 à 1974 et le critère géographique étendu à toute la Polynésie.

Lire aussi : Demande de pardon, changement dans les indemnisations, dommages collectifs : Les recommandations de la commission d’enquête sur les essais nucléaires en Polynésie

Ce changement d’angle, déjà dessiné dans les conclusions de la commission d’enquête, revient à accepter que l’État indemnise des cancers qui ne sont pas nécessairement lié aux essais, tout en ne « l’accablant pas sur l’aspect moral ». Mereana Reid-Arbelot, qui avait déjà présenté le texte aux associations de victimes, estime tout de même que les possibilités d’indemnisations vont être « largement » étendue, parlant d’une assiette maximale de « 15 000 à 20 000 personnes » contre 1200 dossiers validés ces 15 dernières années par le Civen ou la justice.

Journée du souvenir, et remboursement systématique de la CPS

Le texte propose aussi d’améliorer les échanges entre politiques, société civile et scientifique en renforçant le rôle de la commission de suivi de loi Morin, de revoir à la hausse les délais de prescription, d’intégrer la notion de « victime indirecte » pour permettre le dédommagement d’aidants familiaux qui ont accompagné les malades.

Pas de « demande de pardon » au programme -la députée compte tout de même faire passer une proposition de résolution dans un deuxième temps sur ce sujet beaucoup plus clivant à Paris- mais l’instauration d’une journée nationale du souvenir des « personnes exposées par les essais » -et pas des « victimes »- le 2 juillet, pour l’anniversaire du premier tir en Polynésie.

Enfin la proposition de loi prévoit un remboursement systématique des coûts de traitement déboursés par la Caisse de prévoyance sociale (CPS, équivalent polynésien de la Sécurité sociale) -ou des autres caisses maladies concernées- pour chaque personne indemnisée.

Mereana Reid-Arbelot précisait que beaucoup d’autres recommandations de la commission d’enquête sur le nucléaire -études épidémiologiques, étude sur le trans-générationnel…- doivent être traités par l’exécutif national plus que par le législateur. Sur les réseaux sociaux ce mardi, elle se félicite de l’inscription de sa proposition à l’ordre du jour de l’assemblée, mais ne crie pas encore victoire : « Le chemin est encore long et notre combat doit continuer pour garantir un vote favorable en janvier ».

Charlie René pour Radio 1 Tahiti