Des discussions sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie doivent s'ouvrir prochainement à Paris à l'invitation du Premier ministre François Bayrou : indépendantistes et non-indépendantistes arriveront divisés, dans un contexte de méfiance mutuelle.
L'invitation avait été lancée pour « fin janvier » aux « forces politiques calédoniennes » par le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale, pour des négociations devant « aboutir à la fin de ce trimestre ».
Mais cette première réunion depuis les violentes émeutes qui ont éclaté le 13 mai dernier dans l'archipel, sur fond de contestation d'une réforme électorale, se tiendra certainement davantage début février. Le congrès du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS), principale alliance indépendantiste de Nouvelle-Calédonie, doit en effet se tenir ce samedi.
Le weekend dernier, la principale composante du Front, l'Union calédonienne (UC), a donné son feu vert à l'ouverture de négociations, ouvrant la voie à une décision similaire du FLNKS. Mais le congrès devra aussi décider de la délégation qui se rendra à Paris. Or, la Cellule de coordination de terrain, la CCAT, plaide pour que son leader, Christian Tein, désigné président du FLNKS en août dernier, participe aux discussions.
Sauf que Christian Tein est actuellement en détention provisoire à Mulhouse dans le cadre de l'enquête sur les violences déclenchées le 13 mai qui ont fait 14 morts et plusieurs milliards d'euros de dégâts. « On veut bien discuter avec l'UC, mais pas avec Christian Tein sous bracelet électronique », tance la leader loyaliste, Sonia Backès.
La place prise par la CCAT et les groupuscules dit « nationalistes » intégrés en août au FLNKS divise jusque dans les rangs indépendantistes. Les deux composantes indépendantistes modérées du Front, l'Union progressiste en Mélanésie et le Parti de libération kanak (Palika), se sont retirées des instances et ne participeront pas au congrès.
Le Palika devrait se rendre à Paris, « mais que va vouloir l'actuel FLNKS ? On avait un projet commun que nous portions depuis 2018, or la moitié des nationalistes qui ont intégré le mouvement ne sont pas d'accord avec », pointe Charles Washetine, l'un des porte-paroles de ce parti.
Positions irréconciliables
Les non-indépendantistes arriveront à Paris également divisés, notamment sur le projet de fédéralisme territorial souhaité par Le Rassemblement-Les Républicains et les Loyalistes, et auquel s'oppose Calédonie ensemble. Sonia Backès entend porter « des positions qui sont le respect des trois référendums, la prise en compte du projet que nous portons en commun avec le Rassemblement, c'est-à-dire le fédéralisme interne ».
Bien que le troisième référendum d'autodétermination, en 2021, se soit déroulé sans les indépendantistes qui l'ont boycotté, les non-indépendantistes estiment que les Calédoniens se sont bien prononcés trois fois en faveur du maintien du territoire dans la République française.
Une position que ne partagent pas les indépendantistes qui parlent de « référendum volé » et posent comme socle des discussions l'accord de Nouméa, signé en 1998, qui stipule que « l'État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie à bénéficier, à la fin de cette période, d'une complète émancipation », synonyme pour eux d'indépendance. Face à ces deux positions qui semblent irréconciliables, Sonia Backès, présidente de la province Sud, propose donc de renforcer l'autonomie des provinces à travers la création d'une « fédération territoriale ».
Calédonie ensemble, parti non-indépendantiste de centre-droit, tentera de faire entendre sa propre musique à Paris. « On est sur une ligne de crête », estime son président Philippe Gomès. « Il faut trouver un équilibre entre aspiration à la souveraineté externe et cette aspiration à une souveraineté interne provinciale ». Signe de l'incertitude dans laquelle est plongé l'archipel, le gouvernement dirigé par l'indépendantiste Louis Mapou a été renversé fin décembre. Le loyaliste Alcide Ponga a été élu le 8 janvier pour lui succéder.
Seul point de consensus : le corps électoral -actuellement restreint aux personnes inscrites sur les listes électorales en 1998 et à leurs descendants-, dont la tentative de modification unilatérale par l'État avait entraîné la mobilisation indépendantiste qui a dégénéré en émeutes, ne pourra être traité que dans le cadre d'un accord global, au risque sinon de provoquer une nouvelle flambée de violences.
Avec AFP