Entouré des représentants religieux de Polynésie, le président Édouard Fritch a appelé les Polynésiens à se tourner vers leur « Créateur » face une épidémie toujours aussi incontrôlable. Il propose d’organiser dans toute la Collectivité d’Outre-mer une journée de prière et de jeûne le dimanche 5 septembre. En revanche, et contrairement aux soignants du CHPF, le président n’a pas adressé d’appel solennel à l’État pour obtenir de nouveaux renforts sanitaires. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Ambiance d’église à la Présidence de la Polynésie, ce samedi après-midi. Alors que le vaccinodrome de l’arrière-cour tourne à plein régime, le salon d’honneur, lui, reçoit les représentants des principales congrégations religieuses du pays. Catholiques, protestants, adventistes, mormons…
Tous n’ont pas la même position dans cette crise – certains étant moins enclins que d’autres à promouvoir la distanciation sociale ou la vaccination – mais tous ont répondu à l’invitation d’Édouard Fritch, qui prêche depuis plusieurs semaines « l’union » des Polynésiens face à l’épidémie. Après les discours sur la « responsabilité », la « solidarité » ou le sauvetage des structures de santé, c’est autour de la chrétienté que le président du Pays, grand habitué des références bibliques dans les discours officiels, veut rassembler.
Passé le constat d’échec face au virus – celui de « l’humanité toute entière » – et la reconnaissance d’un manque de moyens face à « cette malédiction, ce fléau », ce n’est pas vers de nouvelles armes règlementaires, sanitaires ou logistiques que le président s’oriente. Mais bien vers la spiritualité. « Nous pouvons demander humblement et avec instance, secours, faveur et grâce, à notre Créateur », explique l’élu de la République, entouré notamment de l’archevêque de Papeete, Jean-Pierre Cottanceau, et du président de l’Église protestante Ma’ohi, François Pihaatae. « Face à la menace, nous serons certainement plus forts dans l’unité et dans l’union de notre peuple avec le soutien de notre Père Céleste ».
Prière, jeûne et « cérémonie » à l’échelle du pays
Et dans cet appel à « l’au-delà », le gouvernement entend bel et bien jouer sa part en « soutenant », si possible avec l’aide des mairies l’organisation d’une journée de recueillement. « Je propose à tous les Polynésiens et toutes les Polynésiennes des Marquises, des Tuamotu-Gambier, des Australes, des Îles Sous-le-Vent, de Tahiti et Moorea, de s’unir en le dimanche 5 septembre prochain », reprend Édouard Fritch.
Une date qui correspond à la Journée internationale de la Charité, consacrée par les Nations-Unies en commémoration de l’anniversaire de la mort de Mère Teresa, et à laquelle « chaque foyer » est appelé à organiser un moment de recueillement et de jeûne. « Là où il se trouve », confinement oblige. Mais le président précise vouloir laisser la liberté aux maires d’organiser « cette cérémonie qui rassemblera toute la Polynésie ».
« Profitons de ce moment de recul et d’introspection pour faire notre examen de conscience », précise Édouard Fritch persuadé que la démarche pourra « réveiller et faire fleurir », « la graine de foi et d’espérance » de chacun. Du côté du gouvernement, 500 bougies – les décès de l’épidémie n’atteignaient « que » 385 personnes vendredi, mais le décompte avance cruellement vite – seront allumées « en souvenir des personnes défuntes » le même jour.
Le président n’oublie pas, en fin de discours d’appeler à faire « confiance à la science » et au vaccin, « seul moyen de nous protéger et de réduire les effets mortels de cette pandémie ». Mais ce ne sont pas les considérations terrestres qui sont à l’honneur ce samedi : « Ayons confiance en l’amour et à la miséricorde de notre Seigneur pour chacun et chacune d’entre nous », conclut l’élu. « Que Dieu bénisse la Polynésie ».
« L’au-delà » plutôt que l’État
Interrogé sur les limites de matériel et de personnel face à cette crise, le président a assuré que le Pays y investissait « tous ses moyens », citant notamment l’envoi du navire Tahiti Nui vers Raiatea avec à son bord des générateurs d’oxygène. Mais pour beaucoup de soignants, c’est de l’extérieur que l’aide doit arriver vu la gravité de la situation.
La mobilisation réduite de la réserve sanitaire nationale – une dizaine de soignants volontaires envoyés de l’Hexagone, contre 300 pour les Antilles – et les promesses d’assistance des armées, toujours pas concrétisées, alimentent interrogations et frustrations à l’hôpital. Dans les équipes gouvernementales on assure que les demandes de renfort national – via la réserve sanitaire ou l’armée – se sont « multipliées », mais Édouard Fritch lui-même ne s’est pas adressé solennellement ou même publiquement à l’État pour les appuyer, ce samedi.
Le CHPF n’a pourtant pas hésité à le faire, via sa page Facebook, en interpellant directement Emmanuel Macron. Le président du Pays, attendu sur cette question, a plutôt rappelé les limites de moyens qui existent aussi au niveau national, interrogé sur le réflexe de « compter sur les autres pour régler nos problèmes » … Et encore une fois renvoyer vers la religion. « Il faut faire appel à autre chose pour nous aider à garder espoir », répète-t-il. « Il nous faut demander le secours de l’au-delà ».
Charlie René pour Radio 1 Tahiti