Une équipe de l’Inrap fouille actuellement la mosquée ancienne de Tsingoni, dans le cadre des travaux de restauration et de valorisation du site suite à son classement au titre des monuments historiques en 2015. Cette fouille est réalisée sous la maîtrise d’ouvrage de la mairie de Tsingoni.
Menée depuis le 3 juillet, l’opération porte tant sur les vestiges bâtis que sur les vestiges enfouis. L’objectif de cette intervention est de comprendre la genèse et l’évolution de ce bâtiment emblématique du patrimoine mahorais, en s’attachant à déterminer la succession des phases d’occupation et de construction. Les investigations, toujours en cours, sont également réalisées sur les abords de la mosquée ancienne et notamment dans l’emprise d’une aire funéraire.
La mosquée de la capitale du sultanat de Mayotte
Le diagnostic archéologique (le premier sur l’île), prescrit par le préfet de Mayotte et réalisé par l’Inrap en 2016, a révélé des traces d’occupation dès le XIIe siècle, avec la présence d’une mosquée primitive en pierre du XIVe siècle. Cette petite mosquée de type swahili (sans tour-minaret) est composée d’une salle unique. Ses murs sont construits en grès de plage (roche sédimentaire formée sur le littoral).
La ville de Tsingoni connaît un essor considérable à partir du XVIe siècle lorsqu’elle devient la capitale du sultanat shirazien précédemment basé à Anjouan. Suite à ce changement, la mosquée est alors agrandie et embellie. Deux ailes latérales, ainsi qu’une aile au sud sont créées, et des piliers massifs sont installés sur les fondations de l’ancienne mosquée. Un nouveau mihrab sculpté (niche creusée dans le mur indiquant la direction de La Mecque) est construit en 1538 (d’après deux inscriptions qui le bordent).
Au cours des quatre siècles suivants, la mosquée a subi de nombreuses modifications tant au niveau du sol que des murs avec de nouvelles ouvertures ou agrandissements. Les fouilles actuelles mobilisent une équipe de huit personnes composées de spécialistes en archéologie du bâti en archéologie funéraire et en relevé 3D et une restauratrice. Dans la salle de prière, les archéologues ont mis au jour de très nombreux trous de poteaux dans le sol du XVIe siècle, sans doute creusés pour soutenir des échafaudages lors d’une phase de reconstruction de l’édifice.
Découverte de fragments de papier et de sépultures anciennes
L’étude des maçonneries a livré les traces en négatif d’éléments de coffrage tissés en fibres et en matériaux d’origine végétale. La présence d’éléments de blocs de corail liés à des murs en grès de sable signale les murs de la première mosquée en pierre. Des enduits polychromes ont également été découverts sous les épaisses couches picturales qui recouvraient le mihrab. Le dégagement de ces couches a mis en évidence des frises sculptées d’entrelacs.
La fouille des murs a permis la découverte inattendue de fragments de papier ancien (proto-tapa) – peut-être une page de Coran –, associés à un clou, déposés dans une niche trilobée condamnée. Cette découverte peut être associée à un geste de protection du lieu de culte. À l’extérieur, les premiers sondages ont mis en évidence six sépultures aux défunts apparemment inhumés selon les rites musulmans puisqu’ils sont placés sur leur côté droit, la tête en direction de La Mecque. La datation de ces sépultures profondes est primordiale pour la chronologie du site.