Île Maurice : Les réseaux sociaux bloqués après un scandale d'écoutes téléphoniques, et à quelques jours des législatives

Île Maurice : Les réseaux sociaux bloqués après un scandale d'écoutes téléphoniques, et à quelques jours des législatives

L’île Maurice, en proie à un scandale d’écoutes téléphoniques à grande échelle, a bloqué vendredi 1er novembre l’accès aux réseaux sociaux, à quelques jours des élections législatives, prévues le 10 novembre. L’accès devrait être rétabli « d’ici quelques heures » a assuré le bureau du Premier ministre.

La mesure a été annoncée par l’opérateur de télécommunications Emtel, qui a dit avoir reçu jeudi en fin de journée de l’Autorité des technologies de l’information et de la communication l’ordre de bloquer l’accès à toutes les plateformes des réseaux sociaux. 

Ce blocage devait initialement durer jusqu’au 11 novembre, le lendemain du scrutin. Mais selon Défi Média, après une réunion en ce jour avec des responsables de presse, le Bureau du Premier ministre garantit que « l’accès aux réseaux sociaux sera rétabli d’ici quelques heures ». Toujours selon Défi Média, une juge, saisie d'une demande de levée de cette suspension, doit convoquer ce vendredi après-midi l'autorité et l'opérateur.  

Selon Emtel, l’ordre fait référence à des « publications illégales qui peuvent avoir un impact sur la sécurité nationale et la sécurité publique ». Cette décision fait suite au scandale qui a éclaté récemment, lorsque des extraits de conversations téléphoniques de politiques, de membres de la société civile, de diplomates et de journalistes ont été enregistrés et ont fuité sur les réseaux sociaux. 

Cinq journalistes « de renom sont concernés par ces fuites », selon l’organisation Reporters sans frontières (RSF) qui « demande l’ouverture d’une enquête indépendante pour identifier les responsables des écoutes ». « Écouter les conversations téléphoniques de journalistes et les exposer sur les réseaux sociaux constitue un grave danger pour leur sécurité et la protection de leurs sources », s’est indignée l’organisation dans un communiqué. « Alors que Maurice s’achemine vers des élections législatives, RSF s’inquiète de ces fuites, qui laissent entrevoir un système d’écoute généralisé n’épargnant pas les professionnels de l’information ».

Selon RSF, le Premier ministre Pravind Kumar Jugnauth et la police ont affirmé que les extraits de conversations téléphoniques ayant fuité avaient été manipulés par intelligence artificielle, mais les cinq journalistes concernés par le scandale ont confirmé l’authenticité des conversations auprès de l’organisation. « Les autorités se réfugient derrière l’argument de l’intelligence artificielle car elles sont embarrassées », a déclaré Nawaz Noorbux, directeur de l’information de Radio Plus, l’une des principales radios privées du pays, cité dans le communiqué.

Mauritius Telecom a publié une déclaration plus tôt cette semaine, affirmant qu'aucune communication n’était interceptée, surveillée ou manipulée « de quelque manière que ce soit » par l’opérateur. « C’est choquant, révoltant et inacceptable. C’est un signe de panique », a déclaré Paul Berenger, l’un des dirigeants de la coalition d’opposition Alliance du changement. « Nous avons affaire à des personnes dangereuses pour le pays. Les avocats travaillent sur ce qui peut être fait légalement. Nous allons agir très rapidement sur le plan juridique et politique », a-t-il ajouté.

« C’est le dernier acte désespéré d’un régime en déroute », a déclaré Nando Bodha, chef du groupe d’opposition Linion Reform. « Il attaque de front les droits fondamentaux des citoyens garantis par la Constitution, y compris la liberté d’expression », a-t-il ajouté, appelant à une intervention de la commission électorale pour garantir que les scrutins soient « libres et équitables ».

Maurice, l’une des démocraties les plus stables d’Afrique, organise des élections législatives le 10 novembre. Lors de ce scrutin, le Mouvement socialiste militant du premier ministre, Pravind Kumar Jugnauth, cherchera à conserver sa majorité à l’Assemblée nationale et à accorder à Pravind Jugnauth un nouveau mandat de cinq ans. Ce dernier a accédé au poste de premier ministre à la suite de la démission de son père, en 2017, avant d’assurer la victoire de sa coalition lors des législatives de 2019.

 Avec AFP