Urbanisme en Outre-mer : un rapport recommande une ingénierie renforcée pour les territoires

Vue de la commune de Schœlcher en Martinique ©Ozanam

Urbanisme en Outre-mer : un rapport recommande une ingénierie renforcée pour les territoires

Un rapport issu de la Mission sur le futur de la politique de renouvellement urbain, intitulé « Ensemble, refaire ville. Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers prioritaires de la politique de la ville »,  a été remis ce mois-ci à François Rebsamen, ministre de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation. Il comporte un volet Outre-mer qui préconise notamment une ingénierie renforcée, une meilleure maîtrise foncière, une attention particulière aux vulnérabilités climatiques, et une meilleure coordination des opérateurs et des aides à l’investissement dans les territoires concernés.

Cette mission instaurée par le gouvernement en décembre 2023 avait comme objectifs d’ « élaborer et de présenter des propositions sur la poursuite de la politique de renouvellement urbain résiliente de demain », en définissant un cadre d’action adapté à partir d’un diagnostic territorial. Ce dernier a donc pris en compte des aspects essentiels comme la réduction des effets du changement climatique, la résilience des quartiers, ainsi que la lutte contre la ségrégation sociale et territoriale pour promouvoir la mixité sociale. La mission a également suggéré l’organisation d’une politique visant à consolider les partenariats locaux avec les collectivités et les bailleurs.

En ce qui concerne les Outre-mer, le rapport constate que l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU) intervient dans les cinq départements et régions (DROM), dans les domaines de l’habitat social, des quartiers anciens de centre-ville, de l’habitat informel et des quartiers en développement. Cependant, « malgré ces contextes différents de renouvellement ou de développement urbain, la transformation de ces territoires présente des enjeux spécifiques à l’Outre-mer et suppose une ingénierie renforcée, qui fait défaut au sein des collectivités (…), et se manifeste par une fragilité voire un déficit d’opérateurs, qui entrave là aussi l’opérationnalité des projets, posant la question d’un programme dédié », déplore le texte.

« Si les opérateurs d’État parviennent à mobiliser leur boîte à outils au service de l’Outre-mer, en tenant compte du contexte local, les spécificités ultramarines pourraient justifier un programme de renouvellement urbain dédié », suggère le document. Par exemple, il faudrait porter une attention particulière sur la maîtrise foncière qu’il faudrait renforcer, et mieux structurer la filière du bâtiment et des travaux publics qui reste peu concurrentielle (La Réunion exceptée), entraînant parfois une forte hausse des coûts de construction.

Les territoires d’Outre-mer, particulièrement exposés aux vulnérabilités climatiques et aux catastrophes naturelles, doivent adapter leur architecture et leur aménagement pour faire face aux effets des changements qui  vont s’amplifier et s’accélérer. Par ailleurs, les dynamiques démographiques varient fortement : la Guadeloupe et la Martinique connaissent un vieillissement rapide, tandis que la Guyane et Mayotte se distinguent par une population jeune et une forte natalité. Ces différences, combinées à des perspectives de développement diverses, doivent être prises en compte « dans la programmation de l’habitat comme des équipements, largement déficitaires dans l’ensemble des DOM », souligne le rapport.

« L’éligibilité des Collectivités d’Outre-mer (COM) à un programme dédié de renouvellement urbain est à examiner. À ce jour, compte-tenu de leur détention de la compétence habitat, les COM ne sont pas éligibles aux programmes nationaux de l’ANRU », ajoute l’étude. L’Agence les aide ponctuellement dans le cadre de coopérations techniques, comme à Saint-Martin et en Polynésie, mais les débouchés en termes de financement des investissements demeurent souvent incertains au terme de ces missions d’appui.

Le rapport note aussi l’importance de mieux coordonner les opérateurs et les aides à l’investissement dans les territoires d’Outre-mer, au-delà d’un simple programme de renouvellement urbain. Il s’agit d’harmoniser les programmations pluriannuelles, par exemple entre assainissement, eau potable, habitat, équipements et zones en renouvellement. L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) a initié une coordination nationale en recensant l’offre d’ingénierie pour ces territoires, mais cette démarche gagnerait à être renforcée par un soutien accru aux investissements. « De même, l’appui de l’État, sur l’ensemble de ses compétences, est exprimé comme décisif et nécessaire par les élus des communes porteuses de projets », insistent les auteurs du document.

Difficulté d’analyser la situation des territoires ultramarins, faute de données statistiques consolidées

Si la définition de la géographie prioritaire est en cours pour les territoires ultramarins, compte-tenu de la non-disponibilité des données statistiques utilisées pour la géographie prioritaire hexagonale (hormis la Martinique et la Réunion), avec des indicateurs socio-économiques qui restent ainsi à stabiliser, on note que 25% de la population de ces territoires résidait dans des quartiers prioritaires de la géographie 2014-2023, contre 8% sur le territoire national, avec néanmoins une forte diversité selon les départements d’Outre-mer (50% en Guyane et plus de 70% à Mayotte, mais seulement 7% en Martinique). 

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) note à propos de la ségrégation, concernant ces territoires, qu’« à la Réunion et en Martinique, les populations modestes vivent dans des quartiers relativement plus mixtes que les individus les plus aisés », « cela pourrait s’expliquer par le fait que la population vivant en dessous du seuil de pauvreté est bien plus nombreuse qu’en France métropolitaine, et répartie dans l’ensemble des quartiers des villes ». Ces données invitent à une lecture spécifique des fragilités territoriales dans la France des Outre-mer. (Source : rapport, « Ensemble, refaire ville. Pour un renouvellement urbain résilient des quartiers et des territoires fragiles »).

PM