Saint-Pierre et Miquelon : 60 ans après, le mystère de la disparition du Ravenel reste entier

L’une des rares photos du chalutier Ravenel ©Opération Ravenel / Studio Briand

Saint-Pierre et Miquelon : 60 ans après, le mystère de la disparition du Ravenel reste entier

Le 28 janvier 1962, il y a exactement 60 ans, le chalutier Ravenel disparaissait en mer durant une campagne de pêche avec quinze personnes à son bord. Jusqu’à présent, en dépit d’importants moyens techniques pour localiser l’épave, il n’a pas été retrouvé. Dans le petit archipel, où cette tragédie est enracinée dans la mémoire collective, le deuil n’a pas encore été fait, et l’on espère encore pouvoir élucider l’un des plus grands mystères de naufrages de l’histoire de la pêche française.

Qu’est-il advenu du Ravenel ? Parti une semaine auparavant pour une campagne de pêche à la morue, le chalutier donne quelques nouvelles par radio dans la matinée du 28 janvier 1962. Les prises ne sont pas bonnes, aussi le capitaine décide-t-il de changer de zone. Et puis, plus rien. Le retour est prévu le 29 janvier mais le navire ne revient pas, n’émet plus de signal. Dans l’archipel, les marins, très inquiets, s’organisent. Leurs navires balayent la région maritime, et des bateaux canadiens viennent même en renfort. Les recherches durent une semaine. Au début du mois de février, quelques maigres débris sont retrouvés à Terre-Neuve au Canada. Ils sont identifiés comme appartenant au Ravenel. Mais le chalutier ?

Toutes les hypothèses sont envisagées. Mauvaise conception technique du navire (c’est seulement sa deuxième sortie halieutique), météo défavorable, collision et chavirage… Mais il n’y a que l’examen scientifique de l’épave du bateau qui permettrait de résoudre l’énigme. Et il n’a pas été retrouvé. Finalement déclaré perdu « corps et biens » dès février 1962, le chalutier aurait pu rester dans l’oubli. Après tout, il n’aurait pas été le seul, surtout à cette époque où, par manque de technologie adaptée et de prévisions météorologiques précises, les naufrages étaient fréquents. Mais à Saint-Pierre et Miquelon, terre de marins de génération en génération, cette perte représente un traumatisme pour un territoire de quelque milliers d’âmes. Alors, on s’accroche.

L’association Opération Ravenel de SPM est toujours active et continue de rechercher des informations

Durant des années, de nombreuses initiatives portées par des associations locales, sans intervention de l’Etat, sont engagées pour parvenir à localiser le Ravenel. Ainsi, une zone de 2600 km2 a été sondée dans les eaux canadiennes et françaises jusqu’en 2021. Toujours sans résultat. Finalement, le 14 avril 2021, le préfet de Saint-Pierre et Miquelon et la ministre de la Mer Annick Girardin annoncent l’engagement du gouvernement pour tenter de retrouver le chalutier. Le 23 mai, une nouvelle campagne de recherche de l’épave est lancée. Particularité, elle utilise le drone DriX, un instrument de dernière génération équipé d’une caméra thermique dont la précision de navigation est de moins d’un mètre. Les investigations durent jusqu’au 9 juillet 2021, mais c’est un échec.

Cette opération à la pointe de la technologie a cependant permis de couvrir, avec une acuité inégalée, une surface de près de 400 km2, souligne l’association Opération Ravenel. Les équipes de la société iXblue (qui a conçu et développé le drone DriX) et du Département de recherche archéologique subaquatique et sous-marine (DRASSM) ont identifié 59 anomalies (relevés de fonds marins méritant une attention particulière) situées entre 20 et 120 m de profondeur. Mais malheureusement aucune ne correspond à l’épave du chalutier. L’Etat a toutefois promis de reprendre les investigations cette année et jusqu’en 2023.

« Il faudra maintenant, avec beaucoup d’humilité, relire toutes les données disponibles et réécrire de nouvelles hypothèses. L'épave est là, quelque part, et ne pas l'avoir trouvée ne remet pas son existence en question », écrivait l’association à la fin des recherches. « Une variable de notre raisonnement est peut-être erronée, l’état de conservation de l’épave réduit peut-être sa signature acoustique jusqu'à l'invisible, voire sa signature magnétique à presque rien ? La seule certitude à ce stade est qu’elle est là et qu'on finira par la trouver, comme tant d'autres, comme celles que notre opération a permis de mettre au jour plus tôt cette semaine. Alors haut les cœurs, on recroche dedans ! »

PM