40 porteurs de projets très prometteurs et à impacts visant à accélérer les transitions vers des territoires durables, sur des thématiques très variées répondant aux besoins des territoires, ont été sélectionnés dans le cadre de l’appel à candidatures lancé par l’AFD et le Ministère des Outre-mer. Outremers 360 vous présente l’un de ces porteurs de projets. Après la Guyane et la Martinique, nous partons en Guadeloupe à la découverte du projet de Joséphine Notte qui souhaite installer des auberges de jeunesse éco-responsables.
Bonjour Joséphine, merci d’avoir accepté cette rencontre. Comment vous sentez vous prête à répondre aux questions ?
Je me sens.. comme avant d’entrer sur scène ! Avec le même stress que lorsque l’on doit rentrer sous les projecteurs. J’ai fait beaucoup de danse, et j’ai la même sensation, comme un rush d’adrénaline juste avant que la musique démarre.
Pourquoi cette sensation ?
Mon projet représente beaucoup pour moi, il a, d’une certaine manière, toujours été en moi, c’était mon rêve, et jusqu’à mon entrée dans le parcours Mouv’outremer c’était très rare que j’en parle. On va dire que j’attendais “le bon moment”. C’est la première fois que j’en parle en dehors de la communauté.
Et maintenant êtes-vousprête ?
Oui parce que j’ai envie que ce projet devienne une vraie réalité pour la Guadeloupe. Il est temps de passer à l’action car nous vivons actuellement une période de transition, c’est le moment de faire naître de nouvelles idées et de prendre des orientations nouvelles.
Joséphine, comment vous présenteriez-vous ? Comment aimeriez-vous vous présenter ? Qu’est-ce qui vous caractérise ?
Je me définis comme une passionnée de développements de projets qui ont un impact positif sur les territoires. J’ai commencé mon cursus avec un double diplôme en langues étrangères appliquées, traduction, interprétation et communication interculturelle. C’est au cours de mon apprentissage des langues (anglais et italien) que j’ai commencé à voyager. L’immersion dans une culture, c’est la meilleure façon d’apprendre une langue ! Vite, j’ai attrapé le virus du voyage et je me suis retrouvée à alterner études, voyages et expériences professionnelles.
Cette diversité d’expériences m’a beaucoup appris et m’a donné envie de me spécialiser en tourisme. J’ai donc réalisé une maîtrise en « Développement du tourisme » à l’Université du Québec à Montréal en choisissant de me spécialiser sur le tourisme insulaire et stratégie des destinations. Les îles sont en effet des territoires fabuleux mais également plus vulnérables etavec une activité touristique forte. Il est fondamental, pour garantir la durabilité de ces territoires, de penser à un développement et à un aménagement adapté.
La Guadeloupe c’est mon île de cœur, il était donc évident que je me spécialise sur ses dynamiques avec un mémoire “Le potentiel de la destination Guadeloupe à se développer sur le marché international”. Je vois la Guadeloupe comme un territoire qui a un potentiel inégalé.
Cela me passionne de réfléchir à des projets ou à des idées qui la mettent en valeur tout en préservant ce qui fait sa richesse.
A la sortie de ma maîtrise, j’ai participé à un projet de coopération Guadeloupe-Québec dans le cadre du Fond Franco-Québécois pour la Coopération décentralisée. En partenariat avec la Communauté d’Agglomération la Riviéra du Levant et de la Chaire du Tourisme à Montréal, nous avons développé des actions pour faire de la Guadeloupe une « Co destination : c’est-à-dire un territoire à l’image des visiteurs et des visités ». Ce projet m’a ramené au pays. J’ai commencé à travailler dans l’hôtellerie et aujourd’hui je suis consultante en communication.
Du coup c’est le bon moment pour nous parler de votre projet. Quel est-il ?
Mon projet est une auberge de jeunesse éco responsable en Guadeloupe : par les jeunes guadeloupéens et pour les jeunes voyageurs internationaux. La Guadeloupe est une destination qui reste authentique et préservée, je pense qu’il est fondamental d’avoir une politique touristique 100% écoresponsable en choisissant de développer des projets plus respectueux de notre environnement, de notre biodiversité, plus inclusif et qui participe avant tout à embellir le quotidien des guadeloupéens.
L’auberge a vocation à être autosuffisante tant en énergie, qu’en alimentation en eau et recyclage de ses déchets. Je suis convaincue qu’aujourd’hui nous avons la connaissance pour créer des hébergements autosuffisants et à faible impact. C’est ce qui m’anime aujourd’hui : montrer qu’il est possible de faire du tourisme tout en préservant et respectant un territoire.
Comment est née cette idée ?
On peut dire qu’il y a deux éléments déclencheurs à ce projet : tout d’abord mon expérience personnelle et surtout mon amour pour mon île. J’ai eu la chance de beaucoup voyager. Asie, Europe, Amérique latine, Polynésie … Je faisais ce qu’on appelle aujourd’hui du slow tourism: une découverte des cultures et territoires en prenant soin de s’impliquer dans la vie locale avec un travail, du bénévolat ou des études.
Tout ce temps j’ai vécu et travaillé dans des auberges de jeunesse, on peut dire que c’est là que je me suis construite en tant qu’adulte, que j’ai commencé à avoir des expériences professionnelles et des responsabilités. Ce sont fondamentalement les auberges qui ont fait de moi celle que je suis aujourd’hui.
C’est cette opportunité que je veux également donner aux jeunes de Guadeloupe : en participant avec moi au développement et à la pérennité de ce projet j’aimerai leur offrir un complément de formation, une première expérience professionnelle et aussi leur donner envie pourquoi pas d’aller vivre des expériences internationales ! Ce qui est beau dans les auberges c’est l’expérience sociale qui est très riche: on rencontre des gens qui viennent des quatres coins du monde, avec des cultures et histoires différentes et tout le monde cohabite dans la bonne ambiance. Pour moi c’est une belle image de l’humanité.
Pourquoi cet engagement pour les transitions durables et les auberges de jeunesse?
En tant que citoyen, l’engagement durable devrait faire partie de notre quotidien. Si chacun intégrait quelques pratiques plus consciencieuses de leur environnement, nous pourrions plus facilement avancer vers des sociétés plus durables. En Guadeloupe, on vit des situations très contradictoires: d’un côté les coupures d’eau sont un quotidien et on est fortement dépendants de l’importation mais d’un autre on a des conditions favorables pour être autosuffisants: un bon climat, du soleil, une forte biodiversité …C’est donc la raison d’être de mon projet, montrer à travers de l’expérience à l’auberge, qu’il existe des alternatives à la consommation d’aujourd’hui et que ces solutions sont accessibles à tous.
J’aimerai que chaque visiteur puisse rentrer chez soi plus enrichi, avec des pratiques éco-responsables qu’il pourra adapter dans son quotidien. Pour enseigner tout ça, je compte m’appuyer sur le savoir-faire que l’on a en Guadeloupe, en développant des partenariats avec les associations du territoire. Ce sont ces acteurs qui sont l’essence même de la Guadeloupe. En bref, je vois mon auberge comme un grand carrefour de rencontres, chacun partage, échange et reprend son chemin plus enrichi !
Où en êtes vous dans ton projet ? Quels sont les défis que vous rencontrez?
J’ai terminé mon Business plan. Avec la formation, j’ai pris bien le temps de l’enrichir, le challenger, identifier les bonnes parties prenantes et surtout d’avoir un processus de développement bien clair et établi. A présent je suis au stade du passage à l’action: garantir mon lieu d’implantation, trouver des financements et les partenaires qui souhaitent s’engager et me soutenir. Je suis dans l’optique de faire l’auberge “un projet territoire” en adéquation avec son lieu d’implantation. Hors de question d’avancer seule, je veux construire avec la communauté et me développer en harmonie avec leur vision.
Un des plus gros défis actuels, c’est bien sûr la pandémie ! Tout d’abord parce que les investisseurs sont généralement plus frileux, mais aussi parce que le tourisme a pris un gros coup sur nos destinations. La crise du covid est un défi mais aussi une opportunité : Cette situation témoigne que le tourisme, s’il n’est axé que sur de la consommation de masse, et sur les arrivées internationales, il n’est pas viable ! Au contraire, s’il implique des dynamiques et des partenariats forts avec les acteurs locaux, il est plus résilient. C’est cette dynamique que je cherche à créer avec mon projet.
Vous avez identifié le terrain ?
Non pas encore, mais j’ai des pistes ! Dans l’idéal je cherche un grand espace naturel que je pourrais aménager tout en gardant le plus possible l’état naturel du lieu. Une des vocations de l’auberge est avant tout d’offrir un accès et une expérience en nature. Ici la nature est partout, mais pour avoir accès à un logement éco responsable il faut un certain budget. J’aimerai donc pouvoir d’une certaine façon démocratiser les éco hébergements touristiques. Je pense que cela pourrait avoir un impact très positif sur les jeunes et influencer leurs pratiques de consommation ou choix de vie.
Comment est-ce que Mouv’outremer intervient dans tout ca ?
Mouv’outremer est une opportunité fantastique. Tout d’abord, parce que cela m’a permis en répondant à l’appel à projet de tester l’intérêt que le territoire pouvait porter à mon initiative. Il était très important pour moi de valider que ce que je propose va dans le même axe de développement que celui des parties prenantes guadeloupéennes. Ensuite, c’est l’occasion de rencontrer, de créer des liens avec des personnes que je n’aurai sûrement jamais eu la chance de croiser. Nous sommes tous dans la communauté mouv’outremer animés par cette passion et cette volonté forte de faire de demain, un futur meilleur pour nos territoires. Cela donne tellement d’espoir de savoir qu’il existe des gens animés de la sorte ! Une autre force, c’est qu’au sein de la communauté il y a des porteurs, mais aussi des élus, des responsables d’institutions et ensemble on se guide et se conseille pour faire avancer nos projets. Chacun a des savoirs faire différents et ce partage de connaissance nous aide à relever nos défis. On a réalisé une charte de confiance au 1er séminaire. Aujourd’hui elle ne se discute même plus, on a besoin de se voir, de travailler ensemble, on a commencé à prendre notre réalité en main !
On se met à nu, on a un gage de confiance tellement intégré, c’est fondamental, alors que nous venons de tous horizons. Quelle chance de pouvoir échanger avec eux pleinement. Certains m’ont coaché, accompagné, ils m’ont trouvé des solutions. C’est une vraie force.
Un ou des apprentissages marquants sur le parcours Mouv’outremer ? Des acquis ?
Le parcours m’a permis d’apprendre un peu plus tous les jours. Tout au long de la formation j’ai pu challenger, perfectionner, réviser mon projet. Je pense qu’à fin janvier il aura gagné en richesse et en maturité. J’ai aussi gagné en confiance et ai pu développer l’expertise d’outils nouveaux. Aujourd’hui quand j’explique le projet en détail j’ai l’impression que les connexions sont multiples entre chaque aspect du projet. Mouv’outremer m’a aidée à créer des liens, à cadrer, et développer un cheminement pensée adapté à la réalité du terrain.
Faire vivre avant tout mon projet dans les 2 prochaines années à venir ! Concernant mouv’outremer, nous avons créé des liens forts, j’espère qu’il se consolideront toujours plus, que nous réussirons à créer une vraie communauté impactante, qui inspirera toujours plus de personnes à nous rejoindre pour qu’un jour, la communauté puisse être un vrai moteur du changement aux Antilles Guyane. J’espère aussi que les portes s’ouvriront pour les futurs challenges qui m’attendent et que ce rêve que je berce depuis des années deviendra vite réalité tant en Guadeloupe, qu’en Martinique ou en Guyane.
Quelles sont les forces de Mouv’outremer et si vous deviez les résumer en 3 mots, quels seraient- ils ?
Energie positive, relations humaines riches, communauté d’acteurs engagés pour un meilleur demain ! Entre nous on s’appelle les «Mouvers», je trouve ça tellement cool et je suis vraiment fière d’appartenir à cette communauté !