Pêche illégale : Une violence devenue inacceptable en Guyane

Pêche illégale : Une violence devenue inacceptable en Guyane

Il n’était plus un seul débat rassemblant les régions ultra marines, sans que la Guyane n’intervienne en rappelant qu’en ce qui la concernait on venait de négliger un dossier fondamental « la pêche illégale ».

Le 9 décembre dans le cadre de l’étude de la commission outre-mer sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale, une table ronde est organisée au Sénat sur les atouts et défis maritimes de la Guyane. Cette fois la pêche est à l’honneur : « les études ont été faites, inutile de les refaire. Les différents modes de pêche ont déjà été largement étudié » déclare d’emblée Éric Sagne, président du cluster maritime, « ce qui manque c’est l’occupation de l’espace halieutique ». 

Petit rappel

Car ce qui manque ce sont les pêcheurs, les flottilles guyanaises. Ce ne sont pas eux qui « sur-pêchent » au large des côtes, mais les « pêches illicites, non déclarées, et non réglementées (les INN) des navires aux multiples pavillons de complaisance » selon Aland Soudine, président du Comité des pêches régionales l’espace est abandonné. 

Du fait des problèmes sanitaires, depuis deux ans les campagnes scientifiques d’études de la ressource d’IFREMER sont bloquées. De nombreux navires venus du Suriname, de Guyane, et du Brésil pêchent quotidiennement, illégalement dans les eaux françaises l’acoupéa rouge, le machoiran jaune, les crevettes… Selon un ancien rapport de l’Ifremer (ref 09/1217862/AVI) la pêche illégale serait deux fois plus importante que la pêche côtière légale « pour échapper aux contrôles, les bateaux de pêche opèrent en flottilles… De plus en plus souvent, les capitaines de tapouilles refusent les contrôles. Les pêcheurs se protègent avec leurs propres filets et jettent divers projectiles afin de contrer les équipes de visite chargées des contrôles d’usage ».  

Depuis 2014, la lutte s’est intensifiée, mais depuis des années s’est développé le commerce illégal le plus rentable des poissons à chair blanche ou des vessies natatoires des acoupas rouges qui valent entre 100 et 120 euros le kilos sur le marché local à destination du marché chinois. Aujourd’hui la violence s’est imposée, on parle même de « guerre », et les équipages illégaux sont de plus en plus agressifs : « on a vu un équipage ligoté et remis à la mer dans un bateau sans moteur ». La stratégie de défense française est jugée insuffisante : « 80 % des forces maritimes sont basées en métropole… En 2014, 200 km de filets ont été confisqués cela représente l’équipement d’à peine 20 bateaux alors qu’ils sont des centaines ».

Ça change

Certes un plan pêche a été contractualisé avec les autorités guyanaises. Il prévoit 85 actions mais il achoppe justement sur la question de la pêche illégale. « Ça change » promet le préfet de Guyane Thierry Queffelec lors de la rencontre au Sénat. « D’abord nous avons de nouvelles techniques de surveillance, une acquisition immédiate d’images par drone, et des forces renforcées. La découpe des bateaux saisis et la prison ferme pour les capitaines sont des exemples médiatisés qui marquent ».  

Le secteur est productif, la ressource abondante, d’une qualité à forte valeur ajoutée. Pour certains, la Guyane dispose d’un marché rémunérateur qui doit retrouver son autonomie. Cela passe par une remise à niveau des moyens de la filière pour satisfaire le marché local : « sur 280 000 habitants nous avons un marché captif, en circuit court de 45 000 scolaires ».

Mais pour d’autres, le développement de ce secteur passe par l’exportation ou la transformation, sachant qu’il faut le travail de cinq pêcheurs pour alimenter un poste de transformation. Le plus attendu est l’aménagement des ports ou des points de débarquement du poisson, conformes aux règles internationales « quand ils voient le poisson débarqué en brouette, les grands acheteurs s’enfuient ». Et avec eux, l’espoir d’une filière d’exportation, le développement d’un secteur atout et attrait pour la jeunesse.

Déjà les plans et stratégie se succèdent et quand on parle de stratégie maritime pour la Guyane, Agromer souligne qu’ « il est temps que le guyanais regarde vers la mer. Il y a 500 km de côte à occuper, 10% seulement le sont… Qu’est devenu le plan de développement des marinas promises par le plan Guyane de 2017 pour lesquelles 2M avaient été versés ? ». Timidement s’évoque un développement de la façade maritime sachant qu’elle est actuellement largement menacée par la montée des eaux et que la loi littorale interdit toute construction quand elle est isolée d’une zone déjà construite.

Une revendication qui reste lettre morte, ou qui va conduire à une bataille contre les principes d’une loi littorale que l’on juge inadaptée à la spécificité guyanaise ? En préparation des grandes stratégies maritimes françaises on pense plutôt aux grands travaux maritimes. On sent que derrière cette question de la pêche se cache la question des ports et des infrastructures, la rivalité entre le réaménagement de Degrad-des-Cannes et l’émergence du futur port de Saint-Laurent du Maroni. 

Dominique Martin-Ferrari