Narcotrafic: en première ligne, la Martinique se dote de moyens toujours plus sophistiqués

© Police nationale de Martinque

Narcotrafic: en première ligne, la Martinique se dote de moyens toujours plus sophistiqués

La forte augmentation des quantités de stupéfiants saisies ces dernières années, en Martinique ou au large de l'île, préoccupe les autorités qui se dotent de moyens humains et matériels plus importants pour lutter contre le narcotrafic et le blanchiment.

 

Dix tonnes de cocaïne interceptées en 2023 dans des bateaux naviguant au large de la Martinique, 28,3 tonnes en 2024 et déjà 10 tonnes depuis le début de l'année 2025: les saisies de drogue effectuées par les forces armées françaises qui patrouillent en haute mer, dans les parages de l'île antillaise, se multiplient. "Nous avons aussi une augmentation des saisies en Martinique même ou à proximité immédiate, sur les côtes", précise à l'AFP Étienne Desplanques, le préfet du département. 

Outre ces quantités, "trois tonnes de stupéfiants, dont 1,7 tonne de cocaïne", ont été saisies l'an dernier sur l'île, principalement à l'aéroport et au port, selon le représentant de l'État. Alors qu'en 2023, "les services des douanes avaient saisi 223 kilos de cocaïne", ajoute Yann Le Bris, le procureur de la République de Fort-de-France.

En raison de sa proximité avec les pays producteurs de cocaïne, la Martinique est "au cœur, en première ligne" du narcotrafic, constate M. Desplanques: sur les 54 tonnes saisies en France l'an dernier, "plus de la moitié" l'a été dans sa zone de compétence, qui s'étire sur plusieurs centaines de kilomètres au large des côtes, dans l'océan Atlantique comme dans la mer des Caraïbes.

En plus de la cocaïne, l'île est confrontée à un trafic de résine de cannabis, probablement "produite au Maroc" et qui "arrive de l'Hexagone", indique le colonel Bertrand Pallot, commandant en second des forces de gendarmerie en Martinique.

A quelques semaines d'écart, deux élus martiniquais ont demandé au gouvernement de réagir face à ce fléau. Dans l'hémicycle du Palais du Luxembourg, la sénatrice Catherine Conconne a dénoncé, le 26 mars, "une submersion massive".

Outre les "saisies records" de drogue, la Martinique "voit monter les effets d'une consommation préoccupante", s’est émue l'élue apparentée socialiste.

Le 28 février, Serge Letchimy, le président de la Collectivité territoriale de Martinique, s'était adressé au Premier ministre François Bayrou. "C'est le tissu socio-économique et la cohésion sociale de la Martinique qui sont mis en péril", avait écrit le patron de l'exécutif territorial, réclamant des "moyens supplémentaires" pour combattre les "organisations criminelles" installées sur l'île et "démanteler l'économie parallèle alimentée par les trafics".

 

- "Porte d'entrée vers l'Europe" -

Dès lors, ce problème était au cœur d'une visite de cinq jours aux Antilles, mi-mars, du ministre des Outre-mer Manuel Valls. "La Martinique, comme la Guadeloupe, est une porte d'entrée du trafic de cocaïne vers l'Europe", a-t-il regretté à l'issue d'une visite de la base navale du fort Saint-Louis, à Fort-de-France.

"On peut considérer que les tonnes de cocaïne saisies représentent à peu près 10% du trafic qui existe", a ajouté M. Valls. Face à un "risque existentiel" pour les Antilles, le ministre s'est engagé à ce que le gouvernement fournisse "plus de puissance dans le ciel", mais aussi pour "agir en mer", et "plus de moyens" pour contrôler le port.

Des moyens supplémentaires promis en 2023 et en 2024 par Gérald Darmanin, alors ministre de l'Intérieur, commencent tout juste à arriver. C'est le cas d'un "drone longue portée qui va permettre de survoler les abords maritimes de la Martinique", pour lequel les opérateurs "sont en cours de formation", assure Étienne Desplanques.

Les services de l'État se sont également dotés d'un scanner pour "contrôler les containers au port", ainsi que de deux radars côtiers opérationnels en juin qui permettront de "détecter les mouvements maritimes" entre la Martinique et les deux îles voisines: la Dominique et Sainte-Lucie.  "Ces radars pourraient être, pour nous, un vrai changement de paradigme", se félicite le préfet.

L'augmentation du narcotrafic pose également un défi à la justice: le nombre de "mules" interpellées à l'aéroport est passé de 73 en 2023 à 117 l'an passé et "la dynamique n'est pas cassée en 2025", note Yann Le Bris.

Des "renforcements des effectifs" du parquet de Fort-de-France sont prévus, assure le procureur. La justice "est en ordre de marche" et en capacité de "dégager de nouvelles priorités", notamment "en matière de lutte contre le blanchiment", conclut-il.

Avec AFP