L'étude nationale sur la santé mentale en population carcérale s’intéresse pour la première fois aux Outre-mer

Vue de la Maison d’arrêt de Basse-Terre, en Guadeloupe ©CGLPL

L'étude nationale sur la santé mentale en population carcérale s’intéresse pour la première fois aux Outre-mer

Pour la première fois, une étude sur la santé mentale en population carcérale, demandée par la Direction générale de la santé, comporte un volet concernant les cinq départements et régions d’Outre-mer. L’enquête a été réalisée auprès des professionnels exerçant au sein des unités sanitaires en milieu pénitentiaire de ces territoires.

L’étude épidémiologique nationale sur la santé mentale en population carcérale a été menée par la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy) à la demande de la Direction générale de la santé. Le rapport comporte trois volets : la population carcérale masculine sortant de maison d'arrêt ; la population carcérale féminine sortant des établissements pénitentiaires des Hauts-de-France ; et le dispositif de santé mentale en milieu carcéral dans les départements d’Outre-mer.

Guadeloupe

Le rapport relève de nombreux troubles psychotiques (schizophrénie), des troubles de la personnalité, du comportement et des conduites « Dépression, phase maniaque - Crise suicidaire - Dénis de trouble et refus de soins fréquents » en prison. L’importance des addictions au cannabis, à l’alcool, à la  cocaïne et au crack entraînent des décompensations psychiatriques liées à la consommation de ces produits. Par ailleurs, la violence reste une problématique majeure, surtout au Centre pénitentiaire  de Baie-Mahault, en « augmentation ces dernières années en nombre et en gravité ». L’étude constate cependant des demandes des détenus de plus en plus nombreuses en addictologie au regard du temps de présence des intervenants spécialisés. Elle préconise la mise en œuvre de projets pour permettre un équilibre et une continuité entre les prises en charge individuelles et de groupe.

 Guyane

L’étude rapporte des troubles du comportement liés aux consommations de substances psychoactives et aux conditions de vie. Les addictions les plus courantes sont l’alcool, le cannabis, le crack et le tabac. « Moins fréquemment : - Consommation d’essence - Cocaïne - Amphétamines - GHB – Jeux », note le rapport, qui dénombre trois suicides entre 2018 et 2020. Les violences sont quotidiennes entre personnes détenues et hebdomadaires envers des surveillants, moins souvent envers les soignants. Elles se manifestent souvent par des gestes agressifs et des bagarres physiques, et régulièrement par des insultes et expressions verbales. L’étude recommande entre autres une augmentation des effectifs, le développement des activités thérapeutiques, et des soignants mieux formés à l’éducation thérapeutique, avec des connaissances réactualisées (formations continues et régulières).

La Réunion

Les détenus de La Réunion souffrent de nombreux désordres psychiques comme des troubles anxieux et des syndromes dépressifs, voire suicidaires, des troubles de la personnalité en lien avec un vécu de carence infantiles et affectives (abus sexuels, maltraitances, abandons, etc.) et des troubles du comportement liés aux consommations de substances psychoactives. Les addictions sont très nombreuses : cannabis, alcool et méthamphétamine notamment. Cinq suicides ont été dénombrés entre 2018 et 2020. L’étude recommande une augmentation des effectifs, le développement des activités thérapeutiques déjà existantes (art thérapie, musicothérapie, sport, relaxation, etc.), et « des soignants mieux formés à l’éducation thérapeutique, avec des connaissances réactualisées (formations continues et régulières) ».

Martinique

Les troubles sont essentiellement caractérisés par des angoisses, des syndromes dépressifs, et des perturbations du sommeil liés au choc carcéral. Les addictions sont principalement au cannabis, à l’alcool, au crack et au détournement de certains médicaments par inhalation. Les violences sont récurrentes : « Plusieurs fois par semaine entre les personnes détenues, moins souvent ou jamais envers les surveillants ou soignants. Plusieurs témoignages de patients de violences de surveillants à l’encontre des personnes détenues », écrivent les auteurs de l’étude. Ces derniers déplorent une offre faible d’activités en détention, un roulement trop important de psychiatres et l’absence de groupes de parole et d’ateliers thérapeutiques spécifiques aux addictions. Ils demandent plus de moyens matériels et humains (psychologues et psychiatres) et le développement d’activités thérapeutiques adaptées.

Mayotte

Le rapport mentionne principalement des troubles psychotiques. Les addictions en prison tournent essentiellement autour de la drogue de synthèse dite la « chimique ». Bien que la surpopulation carcérale soit importante, le « climat est plutôt calme, mais tend à se durcir (public de plus en plus agressif) », note l’étude. Depuis plusieurs années, il n’y a pas de psychologues ou de psychiatres permanents pour suivre les détenus, seulement des venues ponctuelles de réservistes ou de professionnels du Centre Hospitalier de Mayotte. Il n’y a pas non plus d’addictologue venant régulièrement. L’une des caractéristiques de Mayotte est que les détenus sont réticents à avouer leurs addictions. Les préconisations du rapport sont globalement les mêmes que dans les autres départements d’Outre-mer : une augmentation générale des effectifs et le développement des activités thérapeutiques.

Consulter l’intégralité du rapport ici

PM