Pour sa 31ème édition, le Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde a été attribué au poète martiniquais Loran Kristian pour son premier recueil de poésie « Les mots du silence » paru chez K. Editions. Illustré par le plasticien martiniquais Ricardo Ozier-Lafontaine, cet ouvrage singulier exprime une quête à la fois éruptive, sensible et s'inscrit dans le réel en résonnance avec l'actualité antillaise du moment apportant un éclairage nouveau sur le texte et sa portée politique. Détails.

Petit territoire de moins de 400 000 habitants, la Martinique est riche de son patrimoine artistique et culturel. Une terre caribéenne forgée par une histoire tragique faite de larmes et de sang versés, mais aussi une terre d'ensemencement qui a enfanté et donné au monde des grands talents littéraires tels Aimé Césaire, Edouard Glissant, Frantz Fanon, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant....

Des auteurs qui ont inscrit leur littérature et leur poésie dans un contexte de politique fort (décolonisation, émancipation, métissage, mondialisation...) en utilisant la poésie martiniquaise comme outil de résilience ou moyen de dépassement, et en  l'inscrivant aussi dans une universalité qui a retenti bien au-delà des frontières martiniquaises.

Un espoir éruptif nouveau

Toutefois, cette effervescence poétique, cette incandescence et cette puissance littéraires semblaient s'être éteintes ces dernières décennies, évaporées dans les limbes de la société moderne, phagocitées par les préoccupations de la vie quotidienne et des effets de la mondialisation. Mais depuis quelque temps, ce bouillonnement artistique semble renaître de ses cendres, porteur d'un espoir éruptif nouveau.

C'est cet espoir qu'incarne aujourd'hui le jeune poète martiniquais Loran Kristian et c'est ce nouvel élan qu'a voulu saluer et encourager le jury du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde en lui décernant ce samedi 11 décembre à Paris son Prix en cette année 2021 pour son recueil poétique « Les mots du silence » paru chez K.Editions. Illustré par le plasticien martiniquais Ricardo Ozier-Lafontaine, cet ouvrage singulier, dont la poétique est inscrite dans son lieu en relation étroite avec le monde, exprime une quête à la fois « éruptive et sensible de liberté comme d'affranchissement des mots ainsi que des êtres ».

A l'instar de ses illustres prédécesseurs, Loran Kristian âgé de 44 ans, ingénieur culturel impliqué dans la société civile et la coopération culturelle actuellement responsable d'institutions patrimoniales à la Martinique, se situe dans « les béances et les failles du monde pour explorer les siennes et tisser autre chose », comme il l'explique lui-même. Sa poétique s'inscrit dans le réel rattrapé par l'actualité récente marquée par les évènements sociaux  secouant les territoires antillais qui apporte un éclairage nouveau sur le texte et sa dimension politique.

« Un nouveau grand poète martiniquais est né », selon Raphaël Confiant

L'ouvrage de Loran Kristian est un petit évènement dans le monde de la poésie et plus généralement de la littérature. « Un nouveau grand poète martiniquais est né », s'est exclamé l'écrivain martiniquais Raphaël Confiant, lui même ancien lauréat du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde qui ne cache pas son enthousiasme pour ce recueil poétique et ne tarit pas d'éloges sur son auteur, dont il dit qu'il est une « voix originale et puissante, nourrie des textes de ses prédécesseurs, mais parvenant subtilement à les dépasser ».

Un avènement d'une écriture « au difficile », selon la formule heureuse de Glissant,  qui n'a pas échappé à la sagacité du jury du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout-Monde qui en a fait son lauréat 2021. En tout cas, à l'instar des membres du jury du Prix Carbet de la Caraïbe et du Tout -Monde, pour qui « les silences du poète racontent un silence qui fait peuple », vous ne pourrez pas passer longtemps sous silence « Les mots du silence », après l'avoir lu.

Par ailleurs, le jury du Prix Carbet de la Caraïbe a accordé une mention spéciale à l'écrivaine haïtienne Emmelie Prophète pour son roman « Les villages de Dieu » paru aux éditions Mémoire d'Encrier. Dans ses attendus pour expliquer son choix, le jury souligne « la sobriété lyrique des moyens à laquelle recourt la romancière pour nous obliger malgré nous à regarder droit dans les yeux l'horreur tenace des tragédies, la grandeur baroque des résistances par où les sociétés caribéennes continuent d'interpeller l'humanité ».

E.B