Le casse-tête du retour au "peyi" pour la diaspora Guadeloupéenne

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Le casse-tête du retour au "peyi" pour la diaspora Guadeloupéenne

Revenir habiter en Guadeloupe, comme dans les autres territoires ultramarins, après plusieurs années passées dans l'Hexagone ou à l'étranger est parfois compliqué entre salaires moins hauts, qualifications trop importantes, marché du travail verrouillé et vie chère.


Après plusieurs années au Québec, Arnaud Anselme, 27 ans, a fini par rentrer en Guadeloupe: "Contrairement à beaucoup de personnes qui reviennent dans leur terre natale, je n'ai pas l'ambition de développer le pays, dit-il. Mon retour n'est pas politique". Revenir au "peyi", comme on dit en créole, il l'a fait pour sa famille, retrouver une douceur de vivre et un poste chez lui. Spécialiste dans la communication en environnement, il a réalisé son parcours universitaire au Québec.

A son retour, Arnaud a pu trouver un poste au Parc national de Guadeloupe, dirigé jusqu'en 2020 par un membre de sa famille. Depuis la fin de son contrat, il cherche une nouvelle opportunité. "Les offres dans le secteur de l'environnement ne sont pas légion, ici", note-t-il. Et puis, dit-il, "les façons de travailler sont rigides et administratives en Guadeloupe, comparées à la flexibilité des pratiques professionnelles auxquelles j'étais habitué".
"On nous envoie ailleurs prendre des compétences, de l'expérience, de l'ouverture d'esprit et quand on revient, on nous fait comprendre qu'en Guadeloupe, on ne fait pas comme ça", témoigne Samuel Rinaldo, 37 ans, rentré il y a déjà quelques années et qui a fini par prendre son parti "d'un conservatisme limite réactionnaire" dans les relations managériales, entre autres. "Il faut aussi admettre que l'île de notre jeunesse, l'image d'Epinal qu'on a, n'existe plus, que tout évolue" quand on revient, avertit-il. "Il faut rentrer pour soi, pour son projet, et mécaniquement, si le projet est porteur il participera à développer le pays", assure Samuel qui reste optimiste: "je me dis que plus on est nombreux à vouloir impulser autre chose, plus ça changera".

Relationnel et bouche-à-oreille 

Si 3.000 jeunes quittent l'île chaque année, on ne sait pas combien reviennent mais force est de constater que la population diminue: entre 2010 et 2021, l'Insee recensait une "perte de 23.700 habitants", avec 379.710 habitants dénombrés en 2021. Quant à la pyramide des âges de l'archipel, elle se creuse entre 20 et 50 ans. Les autorités politiques de l'île n'ont de cesse d'appeler la diaspora au retour.

Des associations se sont créées fin 2019 pour favoriser le retour des jeunes. Par exemple, Alé Vini s'est donnée pour mission de faire du lobbying auprès des entreprises et des pouvoirs publics du territoire. "Nous allons publier un livre blanc des bonnes pratiques, avec des idées fortes, comme être cohérent entre les besoins de main d'oeuvre et l'orientation scolaire, l'amélioration de la formation ou encore l'application d'un dispositif qui fonctionne en Nouvelle Calédonie" nommé Cadres Avenir, annonce Yann Ceranton, son président.

Le réseau jeunesse Outre-mer, qui met à disposition des offres d'emploi pour les ultramarins évoque aussi les difficultés du retour. "Lorsqu'on a passé quelques années ailleurs, on n'a plus forcément le réseau sur place pour retrouver un poste, alors que dans nos territoires, cela passe beaucoup par le relationnel et le bouche-à-oreille", rappelle Cindy Decimus, assistante de direction du Réseau Jeunesse Outre-mer, organisme qui veut faciliter les recrutements en Outre-mer pour les ultramarins de la diaspora. D'autant que "les salaires sont bas et les logements plus chers qu'ailleurs", ajoute-t-elle, sans donner de chiffres.

En Guadeloupe, un plan interministériel pour la jeunesse a été élaboré, après les émeutes de novembre 2021 durant lesquelles s'est exprimé le mal-être de la jeunesse déçue du pays. Plus de 50 mesures de développement de l'île y sont mentionnées avec l'idée de maintenir la jeunesse sur place ou lui donner envie de revenir. Car si les infrastructures manquent, reste aussi le décalage professionnel, parfois familial mais surtout culturel. Sur les réseaux sociaux, via un compte "Retour au peyi", des Antillais fraichement revenu au pays racontent leur histoire. Leurs envies, leurs frustrations, leurs succès, leurs échecs, et plus rarement un autre départ de l'île à laquelle ils ne parviennent plus à s'adapter.

 

Avec AFP