Justice en outre-mer : Gérald Darmanin dévoile un plan ambitieux face à une criminalité en constante hausse

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Justice en outre-mer : Gérald Darmanin dévoile un plan ambitieux face à une criminalité en constante hausse

A l'issue d'une journée consacrée à la Justice dans les Outre-mer au Ministère de la Justice à Paris, le Garde des Sceaux Gérald Darmanin a présenté ce jeudi 11 décembre devant des représentants ultramarins du monde judiciaire et quelques parlementaires, un vaste programme de réformes destiné à renforcer l'État de droit dans les territoires d'outre-mer français, confrontés à une recrudescence de différents cas de criminalité et à des défis structurels majeurs.


Les territoires ultramarins font face à une situation sécuritaire critique, avec une criminalité organisée d'une ampleur sans équivalent dans l'Hexagone. Trafics régionaux, gangs, violences faites aux femmes et aux enfants, et délinquance quotidienne constituent un tableau préoccupant.

Le ministre Gérald Darmanin, tout juste revenu d'un déplacement ministériel de cinq jours aux Antilles et en Guyane, a salué l'engagement des magistrats, greffiers, agents pénitentiaires et de la Protection Judiciaire de la Jeunesse qui œuvrent «avec des moyens limités » dans ces contextes difficiles marqués par la pauvreté, la pression démographique et des coûts de la vie élevés. « Depuis mon arrivée à Place Vendôme, j'ai souhaité initier un mouvement de transformation, nourrir des échanges avec les chefs de cour et de juridiction, qui très rapidement ont parlé des difficultés ultramarines .(..)Lors de mon récent déplacement, j'y ai vu la force collective de tous les agents du ministère de la Justice, singulièrement des magistrats, des greffiers, des agents pénitentiaires, de la PGI qui, avec des moyens limités, même si ces derniers ont augmenté ces deux dernières années, assurent une sécurité civile et pénale si demandée par nos compatriotes ultramarins», a déclaré Gérald Darmanin.

Face à cette «criminalité intense» subie par les territoires ultramarins, Gérald Darmanin y promet un « un plan de haute ambition pour renforcer l'État de droit ».

La lutte contre le crime organisé en priorité

Le plan ministériel place la lutte contre la criminalité organisée au cœur de ses priorités, particulièrement aux Antilles et en Guyane. L'accent est mis sur le démantèlement des trafics d'armes et de drogue, dont la violence et l'organisation progressent de manière inquiétante. « En la matière, il nous faut continuer à mieux identifier les circuits, mieux anticiper les stratégies des trafiquants»

Pour y répondre, le gouvernement prévoit de renforcer considérablement la coopération internationale avec les États limitrophes. Le mandat des magistrats de liaison sera élargi, avec notamment le rattachement de Saint-Martin au magistrat de Sainte-Lucie et l'extension du mandat du magistrat de Bogota au Panama et à l'Équateur. L'objectif est d'augmenter le nombre de ces magistrats spécialisés pour mieux anticiper les stratégies des réseaux criminels et intensifier la lutte contre le blanchiment.

Une nouvelle circulaire de politique générale, la première depuis quinze ans, sera publiée prochainement à destination des procureurs généraux et procureurs d'outre-mer. Élaborée en consultation avec les ministres de l'Intérieur et des Outre-mer, elle abordera spécifiquement la criminalité liée à la cocaïne, au cannabis, à l'ice et aux drogues de synthèse.

L'ice, fléau du Pacifique

Le phénomène de la méthamphétamine, appelée "ice", touche particulièrement la Polynésie et une partie de la Nouvelle-Calédonie. Gérald Darmanin s'est déclaré favorable à ce que la Polynésie bénéficie pleinement des fonds de la "MILDECA" pour financer la prise en charge sanitaire et sociale des victimes. Une convention avec les acteurs locaux doit être rapidement retravaillée.

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Les violences faites aux femmes au centre des préoccupations

Qualifiées de "véritable fléau" par le ministre, les violences faites aux femmes font l'objet d'une attention particulière. Le gouvernement soutient la création et le développement de "Maisons des femmes" où les victimes peuvent déposer plainte directement auprès des forces de l'ordre et des procureurs, en lien avec les services hospitaliers et sociaux. Une convention a déjà été signée avec le conseil départemental de Guadeloupe.

Une justice de proximité réinventée

Au-delà de la répression, le plan mise sur une modernisation profonde du système judiciaire ultramarin. La création d'un nouveau tribunal judiciaire à Saint-Martin, une première depuis les années 1970, vise à désengorger les tribunaux de Guadeloupe et à marquer l'intérêt de l'État pour ces territoires.

Six magistrats de parquet et de siège seront envoyés aux Antilles dès 2026, et un parquet de magistrature sera créé en Nouvelle-Calédonie. Des prisons modulaires pourront être construites en deux ans pour s'adapter aux besoins à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie 

Pour rapprocher la justice des citoyens, le ministre mise sur le développement des audiences foraines itinérantes, l'expérimentation des visio-audiences et la reprise des "pirogues du droit" en Guyane. Le premier comité des usagers du service public de justice en outre-mer a été installé en Guadeloupe pour une écoute directe des justiciables.

Méritocratie et inclusion

Des classes préparatoires pour l'accès à la magistrature sont créées, avec une première ouverte en septembre dans la zone Antilles-Guyane et des projets pour le Pacifique et La Réunion. Cette initiative vise à favoriser la diversité au sein de l'administration française et à permettre aux ultramarins de revenir exercer sur leur sol natal.

L'aide juridictionnelle sera également rétablie pour les habitants de Wallis-et-Futuna en matière civile et administrative.

Le plan prévoit également des mesures concrètes pour adapter les procédures aux spécificités ultramarines : modification des horaires des perquisitions et des concours nationaux pour éviter que les candidats de Tahiti ne composent à 2 heures du matin, une réflexion avec le Conseil Supérieur de la Magistrature sur des mesures dérogatoires tenant compte des us et coutumes locaux.

Délinquance juvénile : une approche globale

Face à l'augmentation de la délinquance chez les très jeunes, une mission conjointe de la Protection Judiciaire de la Jeunesse et de l'Inspection Générale de la Justice sera lancée pour adapter les systèmes éducatifs et de sanctions. Le ministre a salué le travail des associations et du RSMA (Régiment du Service Militaire Adapté) et appelé à une meilleure collaboration inter-services.

Gérald Darmanin prévoit de se rendre à Mayotte début février pour évaluer directement les difficultés et apporter des renforts. Un groupe de travail sera également mis en place début 2026 sur l'environnement et la santé, notamment concernant les sargasses.

Présente à la clôture de cette journée, la Ministre des Outre-mer Naima Moutchou a témoigné de l'engagement du Gouvernement sur ces différentes problématiques. « Nous savons que la justice dans les Outre-mer est devenu un test de solidité pour le pacte républicain, parce que dans les territoires ultramarins, la République est attendue beaucoup plus fort, beaucoup plus vite, beaucoup plus clairement qu'ailleurs. Les Outre-mer sont devenus de véritables cibles stratégiques ces dernières années pour les trafics qui se développent à vitesse grande et pour les réseaux criminels et, pour tous ceux qui cherchent à éprouver l'État». 

La Ministre des Outre-mer, reconnaissant « un système judiciaire souffre d'un manque d'effectifs et de moyens, ayant mené à des juridictions sous tension permanente», a mis en exergue que les actions et chantiers entrepris par l'Etat « commencent à porter leurs fruits ». «La distance géographique ne doit pas se transformer en distance dans les droits,  même si les défis sont considérables, ils sont surmontables si nous engageons les moyens nécessaires. Je veux remercier le ministre de la Justice, puisqu'à date, en tout cas, au moment où nous parlons, les crédits, la trajectoire du secteur de la justice a été sanctuarisée, elle a été préservée en dépit du contexte,  dans lequel s'inscrivent les débats, et des efforts sont demandés à toutes et tous, mais la justice demeure une priorité de l'action de l'Etat, preuve en est avec cette trajectoire», a poursuivi Naïma Moutchou.

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Pour les deux membres du Gouvernement, ce plan pour renforcer l'Etat de droit dans les Outre-mer, répond à un objectif simple : « faire que la justice tienne pleinement sa promesse, en l'atteignant jusqu'au dernier kilomètre et jusqu'au territoire le plus éloigné de l'Hexagone».