Sous le titre « Irma, mon amour », Patricia Lépine, guadeloupéenne de cœur et son compagnon psychologue et enseignant guadeloupéen Errol Nuissier, passent par l’entremise du roman –policier pour témoigner de la résilience des habitants de Saint-Martin après le passage de l’Ouragan Irma qui a détruit leur île en septembre 2017. Un ouvrage paru aux éditions Jets d’Encre écrit à quatre mains en forme d’hommage à une population durement éprouvée, mais tellement digne.
Psychologue-clinicien, enseignant à l’université des Antilles, expert auprès du tribunal, habitué à écrire des ouvrages très techniques concernant notamment les analyses psychologiques de la société créole et à aborder les phénomènes de violence dans lesdites sociétés, on s’attendait à ce que Errol Nuissier qui a vécu de l’intérieur avec sa compagne Patricia Lépine le passage de l’ouragan Irma, s’attaquât aux conséquences psychologiques de cette catastrophe naturelle sur les habitants de Saint-Martin de façon clinique et thérapeutique.
Contre toute attente, à l’initiative de sa compagne Patricia Lépine, tous deux ont choisi d’aborder cette question à la manière de Marguerite Duras et d’Alain Resnais, la première dans le rôle de scénariste et le second en tant que réalisateur dans « Hiroshima, mon amour », qui ont préféré exprimer le traumatisme subi par les Japonais au moyen de la fiction et de personnages fictifs ayant vécu différemment les conséquences de la bombe nucléaire jetée sur Hiroshima.
Un polar palpitant
A quatre mains donc, Patricia Lépine et Errol Nuissier ont décidé, à l’instar « d’Hiroshima, mon amour » de passer par le roman-policier et par l’intrigue sentimentale pour témoigner de la résilience des Saint-Martinois après le passage de l’ouragan Irma qui a dévasté leur île le 6 septembre 2017.
Dans ce polar palpitant, les deux auteurs racontent l’histoire d’une jeune saint-martinoise d’adoption qui doit choisir entre la liberté et l’amour. Dans le chaos causé par l’ouragan en effet, Amelia est restée coincée sur l’île, sans nouvelles de son amant, et ne se sent plus en sécurité. Ses craintes se confirment lorsqu’elle se retrouve mêlée à un vol car dans ce désordre ambiant, les pillages et les vols se multiplient, laissant la population à la merci des bandes et des pilleurs. Amelia, prise dans un tourbillon incontrôlable où tout l’accuse, saura-t-elle se disculper et repartir de l’île ?
Une histoire sentimentalo-policière qui sert de révélateur à l’histoire humaine
A l’aune de cette histoire, on pourrait penser que le petit drame personnel qui se mesure à la grande catastrophe collective paraît indécent. Mais Patricia Lépine et Errol Nuissier ont délibérément choisi cette petite histoire pour affronter un évènement majeur en désacralisant le discours dominant et en façonnant avec justesse et réalisme une profonde réflexion sur les blessures, les traumatismes et le processus de reconstruction qui découlent de cet évènement tragique.
Si les deux auteurs ont prétentieusement opté pour le tissage d’une intrique policière er sentimentale sur fond de catastrophe naturelle, c’est pour mieux rebondir sur les traumatismes et les scories que provoque cette catastrophe. Car, c’est bien connu, les grands chocs sont sujets à l’oubli et la vie quotidienne tend à refouler les tragédies vécues collectivement. Cette histoire sentimentalo-policière sert de révélateur pour l’histoire humaine.
Patricia Lépine et Errol Nuissier l’ont bien compris et « Irma, mon amour », dont la première de couverture a été conçue par l’artiste-peintre guadeloupéenne Patricia Lollia, participe de cette volonté de faire émerger non pas seulement des faits réels et ses conséquences aussi tragiques qu’ils soient, mais par une voie parallèle, la manière dont les gens font face à une telle tragédie et leur aptitude à se dépasser et à se réinventer pour renaître et repartir dans la vie. Quand la fiction et le réel s’entrelacent pour se mettre au service du devenir de l’homme. Inspirant.
E.B.
« Irma, mon amour »
De Patricia Lépine et Errol Nuissier
Edition : Jets d’Encre
124 pages