À la tête du Comité Outre-mer et Corse du Conseil national de l’Ordre des Experts-Comptables, Katy Hoarau dresse, dans une interview accordée à la rédaction d’Outremers360, le bilan 2023 et les perspectives 2024 de l’institution.

Katy Hoarau, cela fait un an que vous avez été élue Présidente du Comité Outre-mer et Corse du Conseil National de l’Ordre des Experts-Comptables. Quel bilan tirez-vous de cette année passée ?

J’ai immédiatement décidé de placer ce mandat sous le signe de l’action et je crois que nous avons réalisé, avec les membres du Comité Outre-mer, de très belles choses en 2023. Cela fait plus de 30 ans que je m’engage pour les outre-mer et mon ambition est, notamment grâce au travail du Comité, de provoquer un changement de posture vis-à-vis des outre-mer, une impulsion pour que chacun fasse un pas en avant. Côté outre-mer avec plus de responsabilités, côté Hexagone avec moins d’a priori.

Il est vrai qu’en outre-mer nous avons des handicaps naturels, avec lesquels nous devons composer, et que notre histoire est encore aujourd’hui ressentie comme douloureuse par beaucoup de nos compatriotes ; mais d’un autre côté cette histoire et notre diversité font que nous avons des choses à apporter à l’hexagone. Les décideurs hexagonaux peuvent nous percevoir comme des territoires lointains avec des us et coutumes différents ; mais nous contribuons avec une remarquable résilience à la nation et nous méritons plus de considération. Aussi, il s’agit pour moi que les outre-mer et l’Hexagone communiquent d’égal à égal. Il convient donc d’œuvrer et d’agir sur le fond.

Ainsi, au cours de l’année passée, le Comité Outre-Mer et Corse a orienté ses travaux autour de 3 axes :

• L’attractivité des territoires : comment faire rentrer les talents au pays et comment faire comprendre que nous sommes aussi des territoires d’innovation ;
• La montée en compétence par la valorisation de nos talents et par des formations ;
• Et l’ancrage dans notre écosystème pour faire connaître et reconnaître notre profession comme force de propositions. 

Sur le 1^Er axe, très vite, nous avons organisé un job dating, en partenariat avec la BRED.  Afin de répondre aux besoins de recrutements de nouveaux collaborateurs dans les cabinets ultramarins.  Les experts-comptables restent des chefs d’entreprise et comme beaucoup de filières professionnelles des DROM, nous sommes contraints, en plus de nos handicaps naturels, par de plus en plus de pénuries de ressources humaines. La démarche a donc été d’attirer des talents capables de comprendre, de s’adapter et de s’ancrer dans nos territoires en favorisant le retour au pays des talents ultramarins. Car force est de constater que les jeunes ultramarins qui partent pour leurs études, en Métropole le plus souvent, ne rentrent pas forcément travailler en outre-mer. Or, si on arrivait à faire revenir nos talents, ou attirer des compétences pérennes, les entreprises de taille moyenne comme les cabinets d’expertise-comptable, pourraient se constituer un encadrement intermédiaire, strate clé du développement et des perspectives de transmission de toute entreprise.

Lors du Congrès national des experts-comptables nous avons organisé une conférence sur l’innovation en outre-mer et nous avons conviée des entreprises de ces territoires à venir présenter leurs produits.  Lors de ce même Congrès, nous avons mis à l’honneur les jeunes experts-comptables ayant eu la meilleure note au mémoire du diplôme d’expertise-comptable en partenariat avec Air Caraïbes/French Bee. Pendant les débats parlementaires sur la Loi de finances 2024, nous avons organisé un webinaire de décryptage des mesures intéressant les outre-mer avec la FEDOM.

Nous avons également développé l’ancrage de notre profession auprès de son écosystème économique ultramarin en multipliant les échanges et les rendez-vous avec les pouvoirs publics.  Ainsi, nous avons pu, lors de différents rendez-vous avec la DGOM et LADOM, proposer la vision concrète des experts-comptables sur des sujets tels que les leviers pour permettre un développement économique et social pérenne en outre-mer : l’état de droit avec une stabilité et une territorialisation des dispositifs législatifs, la formation, l’accès au financement, l’innovation et la RSE ; l’adaptation des outils sociaux et fiscaux pour booster l’activité comme le passage de la  LODEOM (dispositif d’exonération de charges patronales) d’un effet de seuil – trappe à bas salaire -  à un effet de tranche - permettant la création d’un encadrement intermédiaire structurant et prometteur de développement, comme une défiscalisation – outil de développement de l’investissement outre-mer – fléché sur des secteurs d’activité qui peuvent créer un choc de l’emploi , comme la lutte contre le blanchiment ou encore comme le retour au pays…

Nous sommes également rapprochés de la FEDOM et du Comité outre-mer du Medef. Nous avons participé à la REF (réunion des entrepreneurs de France) 2023. Créer du lien avec les différentes organisations ultramarines étant à mes yeux une promesse de représentativité convergente des territoires. Briser les silos favorise l’intelligence collective et en outre-mer, comme ailleurs, résident des gens fondamentalement engagés et intelligents. C’est inspirant ! 

Au regard de ce bilan très attractif et positif quels seront les projets et actions du Comité Outre-mer pour l’année 2024 ?

Pour l'année 2024, nous maintenons le cap avec la volonté d’assoir ce qui a déjà été lancé l’année passée.

Ainsi, la 1^{ère session} ayant permis des recrutements, nous renouvelons avec la BRED l’opération Job Dating le 7 octobre prochain. Cette opération doit devenir un rendez-vous récurent pour les jeunes ultramarins qui veulent rentrer au pays et se lancer de nouveaux défis. Notre profession offre de multiples opportunités d’évolutions et de métiers. A nous d’attirer ces jeunes en étant attractif et fédérateur.  

Nous avons également programmé, en partenariat avec la BRED un webinaire sur le préfinancement du Crédit impôt Outre-Mer le 27 février prochain. Ce webinaire est à destination de la profession ultramarine a pour objectif d’identifier les possibilités de financer les crédits d'impôt d'aide à l'investissement outre-mer pour faciliter le plan de financement des projets des entreprises clientes des experts-comptables.

Nous serons bien entendu présents lors du prochain Congrès de l’Ordre qui se déroulera à Marseille du 9 au 11 octobre au Parc Chanot. Nous sommes encore en phase de réflexion pour définir la thématique que nous développerons lors d’un atelier. A titre personnel, je pense que la défiscalisation et la lodeom, véritables leviers de développement économique et social devraient être à l’honneur compte tenu des conclusions du CIOM et du rapport I.G.F. Cela nous permettra de mettre en avant la plus-value de notre profession pour les entreprises ultra-marines.

Enfin, et bien entendu, nous souhaitons maintenir les échanges avec les pouvoirs publics afin de pouvoir faire comprendre, en tant qu’acteurs au cœur de la réalité économique ultramarine, quelles sont les évolutions qui nous semblent nécessaires et urgentes pour le développement économique et social des territoires ultramarins. Car dans un environnement où l’activité baisse, les charges augmentent et la trésorerie fond comme neige au soleil, le temps n’est plus à l’optimisme mais à la responsabilité. Il ne s’agit pas pour les entreprises d’outre-mer d’être aidées mais d’avoir de l’activité…du travail !