Guyane : Vers un protocole à l'échelle du territoire pour lutter contre la syphilis

Guyane : Vers un protocole à l'échelle du territoire pour lutter contre la syphilis

La syphilis est diagnostiquée chez 1 % des femmes accouchant à la maternité de Saint-Laurent du Maroni, rapporte l’ARS. Face à la résurgence de plusieurs Infections Sexuellement Transmissibles (IST), les trois hôpitaux publics se sont mis d’accord sur un protocole de prise en charge dédié.

La syphilis est une infection qui, si elle n’est pas traitée en début de grossesse, peut entraîner de très graves complications pour la maman et le bébé, ainsi que des morts fœtales dans 15 % des cas. Or, depuis le début de l’année, ce sont plus de 20 cas actifs qui ont été repérés à Saint-Laurent du Maroni. Ainsi, suite à l’accord trouvé entre les hôpitaux public du territoire, des pistes sont à l’étude pour le diagnostiquer le plus précocement possible.

Le 18 novembre 2021, le Dr Gabriel Carles, alors jeune retraité du service de gynécologie-obstétrique du Centre Hospitalier de l’Ouest Guyanais (Chog), affirmait déjà : « Les IST sont en train de flamber à nouveau : la syphilis, les chlamydiae, alors que le VIH est stable ! ». Au regard des dernières données sur la présence de syphilis sur le territoire, le sujet est suffisamment pris au sérieux pour que les médecins des trois hôpitaux publics de Guyane s’accordent autour d’un protocole de prise en charge, à l’image de celui déjà à l’œuvre au CHOG.

« C’est un protocole qui décrit la prise en charge de la syphilis pendant la grossesse, un sujet que nous avons beaucoup travaillé avec le Pr Olivier Picone » explique le Dr Najeh Hcini, chef du service de gynécologie obstétrique à l’hôpital de Saint-Laurent du Maroni. Fort de plusieurs années d’observation, il poursuit : « Depuis 2017, nous voyions des cas sporadiques. En 2018, ça a augmenté et en 2020, nous avons eu vraiment beaucoup de cas (11 cas actifs). C’est désormais une vraie épidémie », s’appuyant sur le constat des 27 cas actifs l’an dernier et 20 déjà en 2022.

L’ARS rappelle également que, si ces chiffres peuvent paraître faibles comparés aux 3 300 naissances annuelles de la maternité de l’ouest, quatre points alarment les soignants : les conséquences pour la mère et pour le fœtus sont souvent catastrophiques ; le problème ne se réglera pas sans une amélioration du suivi précoce des grossesses ; des complications voire des décès in-utero qui auraient pu être très facilement évités ; la jeunesse des parturientes, parmi lesquelles des mineures.

« C’est une maladie extrêmement grave pour la mère et catastrophique sur le plan fœtal. Bien pire que le zika en termes de perte fœtale », insiste le Dr Hcini. Dans les faits, avec 15 % de mort fœtale dans la population des femmes infectées, cela revient à anticiper le décès d’un nouveau-né sur sept accouchements concernés par la maladie. Pire, si aucun traitement n’est administré, même tardivement, une sur trois perdrait son fœtus.

Enfin, dans le cas où l’accouchement se passerait normalement, il faut ensuite pour ces nouveaux nés affronter « dix jours en néonatalogie pour le traitement, et beaucoup garderont des séquelles », souligne Léa Blondy, coordinatrice du réseau Périnat pour l’Ouest guyanais. Dans ce contexte, il faut pourtant rappeler à quel point cette maladie est facilement combattue. « On n’est pas face au zika où l’on ne peut qu’observer. Avec la syphilis, quand on a 15 pertes fœtales, on sait qu’on les aurait évitées si elle avait été traitée. On est face à une maladie pour laquelle il y a un traitement qui, s’il est fait précocement pendant la grossesse, écarte le risque à 100 %. C’est pourquoi nous, soignants, sommes touchés par cette maladie », plaide Léa Bondy. 

Ainsi, tout l’enjeu d’un protocole de lutte commun est de pouvoir mettre en œuvre un travail permettant de repérer au plus tôt la présence de la maladie, de préférence pendant le premier trimestre. « Si on avait des suivis de grossesse dès le premier trimestre avec analyse de sang, nous aurions des cas de syphilis, mais pas leurs conséquences. Quand on est enceinte, on va voir précocement un professionnel de santé ; il demandera les analyses de grossesse. Si la maladie est là, il le saura. Il ne pourra pas passer à côté. Et quand on est traitée, on ne l’est que si le conjoint se traite aussi », insiste le Dr Hcini.

Des discussions sont déjà entamées entre l’ARS, le réseau Périnat, la Croix-Rouge française, le CHOG et les n centres gratuits d’information, de dépistage et de diagnostic (Cegidd). L’une des pistes est le déploiement de tests rapides d’orientation diagnostique (Trod) combinés VIH-Syphilis, réalisés par les sages-femmes libérales. Une coordination qui s’accompagnera nécessairement d’un travail de prévention, notamment en raison du caractère non-immunisant de la maladie. Autrement dit, la syphilis est contractée autant de fois que l’individu y est exposé. Ainsi, si une femme infectée retourne vers son conjoint, porteur de la maladie, la propagation recommence.

Enfin, la maladie pouvant s’exprimer différemment selon les patientes, le Dr Hcini plaide pour des actions à mener à l’échelle de la population, telles que des campanes de dépistage sur l’ensemble du territoire.

Damien Chaillot