Grève générale aux Antilles : Les barrages se durcissent en Martinique et en Guadeloupe

©RCI Martinique

Grève générale aux Antilles : Les barrages se durcissent en Martinique et en Guadeloupe

La situation s'est envenimée mercredi soir en Martinique, au soir du troisième jour de grève générale, avec la multiplication des barrages sur les principaux axes routiers de l'île secouée comme sa voisine la Guadeloupe par une contestation du vaccin anti-Covid obligatoire, qui tourne à la violence dans certains quartiers.

Au Robert, un supermarché a été incendié, ont indiqué à l'AFP les pompiers, qui précisent n'intervenir qu'en présence des forces de l'ordre, après avoir essuyé plusieurs tirs de projectiles lors de leur mission. En Guadeloupe, deux ronds-points de Baie-Mahault (Basse-Terre), jusque-là épargnés par les blocages, étaient barrés et incendiés mercredi soir, selon une source de gendarmerie, après une journée plutôt calme.

D'après nos partenaires de RCI Martinique, les scènes de violence se multiplient sur l'île ce mercredi soir : des coups de feu ont été entendu à Sainte-Thérèse où les forces de l'ordre ripostent à l'aide de gaz lacrymogène et de grenades assourdissantes. Ailleurs, les incendies volontaires et les scènes de pillage se multiplient. La boutique Orange, toujours au Robert aurait été forcée à la masse et cambriolée par une bande pillard, et un point jeu de la Française des Jeux a été dévalisé. De plus, un barrage enflammé a été érigé en début de soirée au niveau du rond point du Mc Donald du Robert. À Carrère, c'est le parc de voiture aux enchères qui a été incendié. Au Saint-Esprit, un incendie a été allumé dans des poubelles à proximité du marché.

Enfin, on dénombre plus d'une vingtaine de barrages en feu sur les routes de Martinique. À Sainte-Marie, au Robert, à Rivière-Salée (bourg), à Carrère, au rond point de Poirier à Rivière-Pilote, à Choco Choisy à Saint-Joseph, à Chateauboeuf dans le rond point qui permet d'accéder à l'hôpital Pierre Zobda Quitman, à la croisée de la route de Redoute et de Ravine Vilaine, à Ducos au niveau de la cité la Marie, à Jeanne d'Arc au Lamentin et un barrage sur la RN2 au niveau du bourg de Case-Pilote. Bien entendu les barrages de Mahault, de Brasserie Lorraine ou encore du Marin sont encore en place cette nuit. Des barrages qui ont empêché l'intervention des pompiers sur plusieurs sites. Des interventions risquées en raison des caillassages réguliers dont font l'objet les soldats du feu.

Les autorités de Martinique ont ouvert mercredi la porte au dialogue avec l'intersyndicale qui a lancé les blocages lundi sur l'île et envisage de durcir le ton. « Nous avons reçu une invitation à une rencontre jeudi matin à 10H00 (15H00 à Paris, NDLR) avec le préfet et le président du conseil exécutif (de la Collectivité territoriale de Martinique Serge Letchimy) à la préfecture », a annoncé à la presse Éric Bellemare, secrétaire général de Force ouvrière Martinique mercredi après-midi lors d'un point presse.

Une invitation arrivée alors que les membres de l'intersyndicale menaçaient « de prendre d'autres dispositions » face au « mépris affiché par la préfecture » avait lancé le représentant syndical. Les leaders des 17 organisations syndicales, qui ont lancé un appel à la mobilisation en Martinique depuis lundi, devaient se tourner vers leurs bases respectives pour décider des actions à venir. Les syndicats ont tout de même prévenu qu'ils ne comptaient pas baisser la garde. « Si jusqu'à présent l'État a fait de petits pas, c'est grâce au rapport de force », a observé Gabriel Jean-Marie, secrétaire général de la CGTM. Les barrages pourraient donc persister.

« Tentatives d'homicide et violences aggravées »

La préfecture de Martinique avait déjà signalé « des évènements très violents (...) dans l'agglomération de Fort-de-France » dans la nuit de mardi à mercredi. « Sept policiers et cinq gendarmes ont été légèrement blessés mais ils n'ont pas été hospitalisés », selon la même source. « Cinq personnes ont été interpellées et se trouvent toujours en garde à vue pour tentatives d'homicide et violences aggravées sur personnes dépositaires de l'autorité publique, dégradations par incendie, port et détention d'armes, participation à des attroupements armés. Ils ont tous été déjà condamnés », a-t-elle ajouté.

En Guadeloupe, la préfecture, qui a prolongé le couvre-feu jusqu'à samedi, a annoncé que deux gendarmes avaient « été légèrement blessés » et six interpellations réalisées, durant la nuit de mardi à mercredi. Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu a assuré qu'en Guadeloupe, « la réponse pénale est en cours : pratiquement une centaine d'interpellations au moment où je vous parle ».

Depuis Paris, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal a dénoncé une « minorité récalcitrante » et « violente » qui prend « toute une île en otage ». « La santé publique ne peut pas être instrumentalisée à des fins politiques », a-t-il insisté à l'issue du Conseil des ministres lors duquel le président Emmanuel Macron a « rappelé que notre objectif, notre cap, c'est de protéger les Guadeloupéens ». Plusieurs enquêtes ont été ouvertes mercredi en Guadeloupe après des incidents en marge des rassemblements, dont la mort d'un jeune homme, lundi soir, à proximité du barrage de Sapotille.

Sans barrages, « l'État ne se lève pas »

Pour calmer la situation, le Premier ministre Jean Castex avait notamment annoncé lundi la création d'une « instance de dialogue » afin de « convaincre et d'accompagner individuellement, humainement », les professionnels concernés par l'obligation vaccinale. Le ministre de la Santé Olivier Véran a également « décidé de mettre en place une structure qui va permettre de trouver une solution à chacune des 1 400 personnes suspendues parce qu’elles ne sont pas en conformité avec cette obligation vaccinale », a expliqué Sébastien Lecornu. Le ministre des Outre-mer réunira jeudi en visio-conférence « l'ensemble des élus de la Guadeloupe » pour aborder les mesures sanitaires mais aussi de la question de la jeunesse « qui se retrouve sur les barrages ».

Des solutions qui n'ont pas convaincu en Guadeloupe. « Les barrages, oui, ça bloque, mais si on ne fait rien, on n'aura rien », estime Micheline, une manifestante aux Abymes. « C'est dommage que les jeunes abîment car ce sont quand même les Guadeloupéens qui sont pénalisés mais, d'un autre côté, s'il n'y a pas ça, l'État ne se lève pas ». Colette, technicienne administrative dans un centre de dialyse dépendant du CHU, est contre l'obligation vaccinale qu'elle assimile à « un viol ». Opposée au vaccin principalement par « manque de recul », elle a « reçu sa mise en demeure préalable à sa suspension ».

Avec RCI Martinique et AFP.