Une semaine cruciale s'est achevée pour l'avenir institutionnel de la Guadeloupe ce vendredi 19 décembre. Du président du Sénat à la présidente de l'Assemblée nationale, en passant par le ministre de l'Outre-mer, les élus guadeloupéens ont multiplié les rencontres au plus haut niveau de l'État pour défendre leur projet d'évolution statutaire. Un processus engagé depuis 2022 qui franchit une nouvelle étape déterminante. Entouré des sénateurs Solanges Nadille, Dominique Théophile, du vice président de l'association des maires de Guadeloupe Héric André, de la vice-présidente du Conseiller départemental Sabrina Robin du 5ème vice-président du conseil régional Camille Pelage, le Président du Département de la Guadeloupe Guy Losbar a fait un bilan de cette parisienne lors d'une conférence de presse.
Depuis 2022, la Guadeloupe s'est engagée dans un processus visant à faire évoluer son cadre institutionnel et statutaire. L'objectif est clair : « avoir plus de moyens pour que les politiques publiques soient mieux adaptées à nos réalités, à nos particularités», comme l'a rappelé le président du Conseil départemental Guy Losbar lors de la conférence de presse qui a clôturé cette semaine de rencontres.
L'ensemble des élus ont défendu la « démarche participative» de ce projet. « Nous avons commencé d'abord par demander aux Guadeloupéens ce qu'ils veulent, ce qu'ils souhaitent avoir pour pouvoir mettre en place des actions politiques qui prennent en compte leurs aspirations et leurs besoins», a souligné le premier vice-président de l'Association des maires Héric André . Cette consultation a pris diverses formes : rencontres avec différents corps sociaux, webinaires, forums citoyens et appel à contributions. Ce travail de terrain s'est concrétisé par trois congrès, dont le dernier, conclusif, s'est tenu le 17 juin 2025. Quatre résolutions majeures y ont été adoptées, notamment la fusion des deux collectivités actuelles avec la définition du nombre d'élus, du mode de scrutin et de gouvernance. Surtout, ces résolutions prévoient l'octroi d'un pouvoir normatif permettant à la future collectivité d'adapter les lois nationales aux réalités locales.
Des résolutions qui ont été largement adoptées : sur 32 maires, 28 ont voté en faveur du projet, accompagnés de 26 conseillers régionaux et 25 conseillers départementaux. Les résolutions ont ensuite été validées par le Département et la Région, donnant une légitimité institutionnelle complète au niveau local.
Une tournée parisienne pour obtenir le soutien national
La semaine a été rythmée par des audiences stratégiques. Mardi, la délégation guadeloupéenne a été reçue par le président du Sénat. «Comme vous le savez, le Sénat c'est l'assemblée des collectivités, donc vous comprenez tout l'intérêt que cette démarche pourrait avoir à son niveau», a expliqué le président du Conseil départemental. L'échange s'est révélé fructueux selon Guy Losbar.
Une rencontre avec le conseiller outre-mer du président de la République Olivier Jacob a permis de préciser la démarche et la volonté guadeloupéenne. Vendredi matin, c'est la présidente de l'Assemblée nationale qui a reçu la délégation. «Il était nécessaire qu'au plus haut niveau, cette démarche soit comprise, mais surtout soutenue, accompagnée», a insisté Guy Losbar «quelle que soit la volonté que les élus guadeloupéens pourraient avoir, il y a nécessité que ce soit validé par le peuple, mais aussi que cela puisse se traduire sur des textes législatifs au niveau national».
L'après-midi a été consacré à une réunion au ministère de l'Outre-mer avec l'ensemble des acteurs : région, département et parlementaires. L'objectif : définir la méthode de travail, constituer des groupes de travail et établir un agenda précis.
Un consensus sur la nécessité d'évoluer
Malgré des divergences sur la stratégie et le calendrier, un constat s'impose : «Sur le fond, tout le monde est pour cette évolution, quel que soit le chemin qu'ils veulent plus ou moins emprunter». Cette quasi-unanimité témoigne d'une prise de conscience collective : «Le système actuel est arrivé à bout. Il est nécessaire d'évoluer. Il est nécessaire de changer.»
«Tout le monde a dit qu'ils sont pour qu'il y ait l'évolution. Tout le monde, quels que soient les participants parlementaires, représentants de régions, départements, minorités, majorités», a-t-on entendu lors de la réunion au ministère. Les élus insistent : «Aujourd'hui, cela pénalise les politiques publiques, et nous ne sommes pas toujours en mesure de prendre les décisions telles que les besoins de la Guadeloupe l'exigent.»

Si le principe d'évolution institutionnelle est acté, le consensus politique n'est pas totalement unanime chez les élus guadeloupéens. A l'instar du sénateur Victorin Lurel qui souligne une « absence de consensus politique sur le projet d’évolution institutionnelle et statutaire à marche forcée du président Losbar et de son parti GUSR».
Même constat pour son homologue Loïc Martol. « Au Ministère des Outre-mer, j’ai plaidé pour que le projet d’évolution institutionnelle piloté par le Président du Conseil Départemental soit retravaillé notamment sur le volet économique tenant compte de la réalité du quotidien. Ce projet ne fait pas consensus et renvoie à plus tard l’amélioration des politiques publiques espérée par notre population. La création de groupes de travail a été évoquée. Il reste à définir les contours de la méthode..»avance le conseiller régional (Peyi Guadeloupe). Pour rappel, les groupes d'opposition Péyi Gwadloup et «Guadeloupe Plurielle Solidaire» n'ont pas participé au congrès du 17 juin.
Un système institutionnel inadapté
Les critiques du système actuel sont multiples. «Les politiques locales ne prennent pas en compte la réalité de nos territoires», déplore le premier vice-président de l'Association des maires. La confusion des compétences entre les niveaux communal, départemental et régional crée une opacité préjudiciable.
Les élus pointent également l'inefficacité des méthodes actuelles : «Nous perdons du temps en adaptant des résolutions, en adaptant, en faisant des dérogations par rapport à des lois.» Depuis 2003 et le référendum qui avait rejeté l'évolution statutaire, «les problèmes de sécurité, les problèmes d'incivilité » se sont accumulés sans que le cadre institutionnel permette d'y répondre efficacement.
La dépendance économique du territoire est particulièrement inquiétante. «80% de ce que nous consommons vient de l'extérieur», rappelle Guy Losbar. D'où l'importance d'une «plus grande souveraineté alimentaire» pour augmenter progressivement la production locale et renforcer la résilience du territoire face aux crises potentielles.
Calendrier et défis à relever
Une nouvelle réunion de travail est prévue en janvier «de manière à déterminer le cadre, mais surtout déterminer un agenda», a précisé Guy Losbar. Les élus sont déterminés : «Il ne s'agit pas aujourd'hui, compte tenu des efforts, compte tenu des travaux réalisés dans le cadre du Congrès, avec les consultants, avec nos universitaires et l'ensemble des élus, de s'arrêter là.»
Le défi de la pédagogie reste entier. Si les sondages montrent que 60 à 70% de la population souhaite une évolution, les aspects techniques restent complexes. «Faire la distinction statutaire et institutionnelle, ce n'est pas toujours évident pour la population. De même lorsqu'on parle de 73, 74» . D'où la nécessité de «continuer à faire des réunions, des forums, des webinaires, pour que chacun soit imprégné». L'objectif est de fournir «tous ces éléments à la population pour qu'elle soit rassurée et que nous-mêmes nous soyons crédibles » dans la démarche.
Le peuple comme juge de paix ultime
Au-delà des considérations techniques ou politiques, c'est bien le peuple qui aura le dernier mot. «Quelle que soit la volonté que nous pourrons avoir, quel que soit les éléments, l'accompagnement que nous pouvons obtenir du gouvernement, de l'Assemblée ou du Sénat, c'est le peuple qui est souverain», martèle Guy Losbar. «Nous voulons absolument que la population soit consultée et si la population parle son vote, va déterminer la suite de ce processus institutionnel», insiste-t-il. Cette consultation populaire reste l'horizon indépassable du projet : «Ce qui est surtout important pour moi, quelle que soit la volonté politique que nous exprimons, c'est le peuple qui doit pouvoir décider, c'est le peuple qui doit pouvoir amender ou pas, valider donc ce projet.»
La question posée aux Guadeloupéens est existentielle : «Est-ce que la boîte à outils que nous proposons aujourd'hui sera de nature, quelle que soit la sensibilité politique des uns et des autres, à faire en sorte que nous ayons les outils pour pouvoir faire mieux que ce que nous faisons aujourd'hui ?» questionne Camille Pelage, 5ème vice-président du conseil régional Camille Pelage. Car le constat est sans appel : «Nous n'avons pas avancé, nous reculons. Le Guadeloupéen se sent de plus en plus mal », poursuit Camille Pelage. Face à cette réalité, l'évolution institutionnelle apparaît comme une nécessité vitale pour redonner à l'archipel les moyens de son développement et à sa population l'espoir d'un avenir meilleur.























