En Martinique, des vaccinations poussées par la hausse des décès

© Collectivité territoriale de Martinique

En Martinique, des vaccinations poussées par la hausse des décès

Alex Maugée, 50 ans, a vu la veille son cousin touché par le Covid-19 partir pour l'hôpital sur un brancard. «Ça m'a fait un déclenchement dans la tête»: aujourd'hui il est venu se faire vacciner, comme d'autres Martiniquais interpellés par la dramatique épidémie qui frappe l'île.

 


«J'ai eu des cas dans mon entourage, je ne pensais pas que cela allait être grave», témoigne cet agent de sécurité, en attendant sa piqûre au vaccinodrome du Palais des sports du Lamentin, près de Fort-de-France. « Il y a deux jours, j'ai perdu une tante» décédée du coronavirus, dit-il. Auparavant, un oncle a aussi succombé. Mais «hier soir», la venue des pompiers chez son «cousin très proche», «ça vous déclenche quelque chose, j'ai pas dormi», avoue-t-il.

Alex explique qu'il a «une santé fragile», et que son métier d'agent de sécurité l'emmène à devoir parfois «séparer des gens», ce qui l'inquiète en pleine épidémie. «On est obligé» de se faire vacciner, estime-t-il, alors que seulement 22% de la population a reçu une moins une dose de vaccin.
«Aujourd'hui, les personnes qui se font vacciner ont toutes quelqu'un de décédé, d'hospitalisé ou en souffrance dans leur entourage», analyse auprès de l'AFP le médecin-chef du Service territorial d'incendie et de secours (STIS), Ludovic Durand, en charge du vaccinodrome. «Jusqu'à présent, la Covid, c'était une maladie vue de loin. Mais là, on est passé du "Je ne connais personne qui a la Covid" à "Tonton est décédé et tata est en réa"».

Pour autant, s'il a constaté une hausse des vaccinations avec l'allocution du président de la République sur le pass sanitaire le 12 juillet, puis l'annonce d'un reconfinement strict, «ce n'est pas la bousculade» au centre de vaccination, regrette Ludovic Durand, alors que la Martinique connait un taux d'incidence de près de 1.200 cas pour 100.000 habitants.
Le centre fait ces derniers jours en moyenne 1.000 vaccins par jour, « contre une moyenne de 556 depuis l'ouverture», explique-t-il. «Un frémissement,» a salué jeudi le ministre de la Santé, Olivier Véran, lors de sa venue.

«J'attendais» 

Dans cette île des Caraïbes de 400.000 habitants, « l'engouement pour le vaccin n'est pas énorme», se désole le sapeur-pompier. «On devrait avoir la queue tous les jours».
«C'était pas encore l'heure, j'attendais, j'attendais, puisque je suis en bonne santé», justifie Patrick Zénon, agent de propreté de 58 ans, pour expliquer qu'il ne se soit décidé qu'aujourd'hui à se faire administrer le vaccin, avec son épouse et sa fille.  « J'entends beaucoup d'aléas, ça laisse à réfléchir, il fallait prendre une décision», concède-t-il. Et la lecture à la radio des avis de décès - une spécificité des Antilles - est devenue «vraiment longue» note-t-il. «Avant, il y avait dix décès par jour, aujourd'hui c'est multiplié par six, ça fait réfléchir».

«C'est vraiment la peur qui s'installe», considère Maxence Toussay, une retraitée de 66 ans en robe à fleurs: «Quand on voit la situation de la Martinique, on se dit "Nous sommes mal barrés».
«On a pris conscience de ce qui se passe», assure-t-elle, fustigeant «les fausses informations et les réseaux sociaux qui diffusent tellement de choses vraies et pas vraies»que «la population ne sait plus quoi faire».
Elle, qui a déjà eu sa première dose et attrapé le Covid un mois après - sans symptôme -, venait pour la deuxième dose, «mais on me dit que je suis déjà immunisée».
Certains viennent se faire vacciner «à reculons», comme Yvette, 74 ans, qui a choisi le centre de vaccination du CHU, mais «ne croit pas» au vaccin.
«Je ne suis pas convaincue, quand vous entendez les politiques, ça met le doute», dit-elle. Mais «j'ai un certain âge, deux enfants qui ont chopé le Covid, j'essaie de me protéger, entre guillemets».
Sa crainte: «Est-ce qu'il n'y aurait pas des placebos dans les lots de vaccins?», questionne-t-elle.

Pour André Cabié, chef du service des maladies infectieuses et tropicales au CHU, «on essaie au quotidien de convaincre et de lutter contre les fausses informations». «Si l'hésitation vaccinale reste toujours aussi importante, il y aura une cinquième vague, une sixième vague et ainsi de suite», prévient-il.  
 

Avec AFP