Au lendemain de ces Législatives 2024 qui n’ont conduit aucun parti, ni groupe politique, à la majorité absolue à l’Assemblée nationale, l’ancien préfet et ancien haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie prend sa plume pour appeler à « mettre un terme au pourrissement de la tragédie calédonienne en prenant des initiatives gouvernementales propres à rétablir la paix civile, à restaurer un minimum de confiance et à redonner un peu d'espoir à des populations cruellement éprouvées et divisées ».
Depuis dimanche soir, médusés, les Français assistent à des manœuvres politiques inédites depuis 66 ans, c'est-à-dire depuis la fin des pratiques de la IVème République. On a l'impression de visionner les actualités cinématographiques des douze années de ce régime, qui a certes réalisé de très grandes choses, mais formait les gouvernements dans les calculs, les tambouilles et les marchandages les plus pathétiques.
Pour l'instant, avec effarement, grâce aux chaînes d'information continue, nous voyons ce qu'il y a de pire en politique. Et dans les années de la IVème les « actualités » comportaient, hélas, toujours aussi des images des guerres de décolonisation, en Indochine, en Afrique du Nord et singulièrement en Algérie.
Or, depuis dimanche, si des questions de fond sont rarement abordées, jamais, à ma connaissance, la situation des Outre-mer n'est évoquée, ni singulièrement l'enlisement de la tragédie calédonienne, qui a pourtant fait un dixième mort il y a quelques heures, en dehors du décompte, qui reste encore à faire, des personnes décédées faute d'accès aux soins à cause des barrages, des pillages, des destructions des dispensaires et des cabinets médicaux, etc.
Qu'il me soit donc permis de supplier les personnalités politiques qui discutent en ce moment même de la formation éventuelle d'un gouvernement et d'un programme : « n'oubliez pas la Nouvelle-Calédonie ! Songez que ce petit pays, morceau de la France régi par une singulière construction juridique, était en paix depuis 1988. Ce n'était certes pas parfait, loin de là, et de grandes questions fondamentales appelaient des discussions approfondies et dans la durée. »
C'est maintenant un champ de ruines au milieu desquelles les personnes survivent et ne se supportent plus, tandis que 35 unités de forces mobiles sont déployées, pour un résultat partiel, avec une doctrine d'emploi qui pose de très graves questions.
Il paraît que, par les scrutins du 9 juin, du 30 juin et du 7 juillet, les Français n'ont pas particulièrement approuvé la ligne politique qui était menée, sinon d'ailleurs nous n'en serions pas là et on peut gager qu'il n'y aurait pas eu la dissolution du 9 juin au soir. L'inflexion de la méthode politique suivie vis à vis de la Nouvelle-Calédonie depuis la fin de l'année 2021 participe à l'évidence de ce qui a été sanctionné par les Français.
Il est donc absolument prioritaire de mettre un terme au pourrissement de la tragédie calédonienne en prenant des initiatives gouvernementales propres à rétablir la paix civile, à restaurer un minimum de confiance et à redonner un peu d'espoir à des populations cruellement éprouvées et divisées. Le sauvetage de cet archipel requiert de l'humilité, de la constance et de la fraternité.
Et peut-être des méthodes de l' « ancien monde », qui, fondées sur la connaissance de l'histoire et le respect des personnes et de leurs identités singulières, permettront demain, si nos futurs gouvernants le veulent vraiment, à la flamme de l'Espérance de ne pas s'éteindre en Nouvelle-Calédonie.
Jean-Jacques Brot, ancien Haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie