L'enfant de l’île de Huahine a bien grandi. La surfeuse Vahine Fierro est devenue mercredi à 24 ans la première tahitienne, et française, de l'histoire à remporter la Tahiti Pro sur la redoutable vague de Teahupo'o, à deux mois des JO qui se dérouleront « dans son jardin » et où elle fait office de favorite.
Invitée par la World Surf League (WSL), organisateur de la compétition, la surfeuse de 24 ans, originaire de l'île de Huahine, et membre de l'équipe de France olympique, s'est imposée en finale face à la Costaricienne Brisa Hennessy après un parcours magistral. « C'est fou. Il y avait énormément d'énergie dans la vague et des grosses séries. Je n'ai pas les mots », a lancé en larmes après sa victoire Vahine Fierro avant de remercier un autre représentant tricolore aux JO, Kauli Vaast, lui aussi originaire de Polynésie française, présent à l'eau pour l'encourager.
Surfeuse depuis son plus jeune âge, fille d'un Américain surfeur aguerri et d'une institutrice polynésienne, la championne a déménagé à l'âge de quatorze ans à proximité du village « du bout de la route », tout au sud-ouest de la presqu'île de Tahiti. Depuis trois ans, elle parcourt le monde à l'occasion des Challenger Series (l'équivalent de la 2e division) et a parfaitement utilisé sa connaissance des vagues de Teahupo'o, en belle forme pour la compétition, pour vaincre mercredi trois surfeuses expérimentées de l'élite mondiale.
Demi-finale d'anthologie
D'abord l'Australienne Molly Picklum, actuelle N.3 mondiale, puis la Brésilienne Tatiana Weston-Webb (N.7) lors d'une demi-finale d'anthologie où les deux jeunes femmes ont enchaîné les tubes dans des rouleaux mesurant plus de 3 mètres.
Malgré une vague notée 10 sur 10 de son adversaire et une planche cassée après une violente chute sur le récif, Vahine Fierro a « scoré » un rouleau à la dernière minute, évalué à 9.63 par les juges, lui donnant l'avantage in extremis, grâce à une autre belle vague. A l'issue de cette série, la Brésilienne n'a pu que saluer la Tahitienne et se réjouir pour l'avenir du surf féminin à Teahupo'o. « Vahine m'a tellement poussée, elle a si bien surfé », a reconnu Weston-Webb, 28 ans, très à l'aise dans les grosses vagues.
Étape phare du circuit pro, qui en compte 10 par an, le Tahiti Pro se déroule tous les ans à Teahupo'o depuis 1997. Le spot est admiré et craint du monde entier pour ses tubes imposants et translucides qui s'écrasent avec violence sur un récif peu profond. Invoquant la dangerosité du spot, les organisateurs de la WSL n'y ont pas tenu de compétition féminine entre 2006 à 2021. Et depuis 2022, les jours les moins engagés sont le plus souvent utilisés pour les séries féminines. Pas mercredi.
Reine de Teahupo'o
« J'ai voulu aller au bout pour les surfeuses, pour montrer qu’elles peuvent aussi briller ici. Le spectacle était dingue. Je suis aussi excitée que si j'avais gagné », a ajouté Weston-Webb. « On voulait toutes surfer aujourd'hui et la WSL a écouté, j'en suis très heureuse. C’est dans ces conditions-là qu'on va se pousser les unes les autres, qu'on va tomber, réessayer et montrer qu'on est capable de surfer ici », s'est réjouie Vahine Fierro.
En finale, et alors que les vagues continuaient de grossir, la Tahitienne a pris sans trembler la mesure de Brisa Hennessy grâce à deux vagues notées 8.50 et 6.67 par les juges, contre deux évaluations à 7 et 5 pour son adversaire. « Elle connaît cette vague par cœur, c'est son jardin. Elle fait tout simplement partie des meilleures sur ce spot », confiait à l'AFP avant l'événement le manager de l'équipe de France Jérémy Florès, seul Français à s'être jamais imposé à Teahupo'o en 2015.
A deux mois des épreuves de surf des JO, qui se dérouleront du 27 juillet au 5 août à Tahiti, Vahine Fierro fait désormais partie des favorites pour l'or, une médaille d'un métal inédit pour le territoire d'Outre-mer, où le surf se pratique depuis des temps immémoriaux. Mais lors du Tahiti Pro mercredi, après cette performance digne des plus belles légendes polynésiennes, la fille de Huahine Vahine Fierro est surtout devenue, aux yeux de tous, la reine de Teahupo'o.
Chez les hommes, le seul et unique tahitien, et français, à y participer est Mihimana Braye. Gonflé par la victoire de sa consœur et son duel remporté face un numéro 1 mondial Griffin Colapinto, il espère faire mieux que Manoa Drollet en 2008 et Kauli Vaast en 2022, les deux seuls tahitiens à s’être hissés en finale de l’étape emblématique de la WSL.
Avec AFP