Nouvelle-Calédonie : Jérôme Fabre reprend les rênes (et les déficits) de la SLN

Nouvelle-Calédonie : Jérôme Fabre reprend les rênes (et les déficits) de la SLN

Changement à la tête de la SLN. Directeur de la division Alliages haute performance du groupe Eramet - maison-mère de la SLN - Jérôme Fabre a été nommé Directeur général de l’entreprise minière et métallurgique basée à Doniambo. Il a pris ses fonctions le 12 mai. Un sujet de notre partenaire Actu.nc.

La Société Le Nickel est une entité qu’il connaît bien pour avoir déjà occupé ce même poste de 2014 à 2018. Le diplômé de Polytechnique et de l’école des Ponts et chaussées succède ainsi à Guillaume Verschaeve, qui aura opéré 30 mois à la direction générale de la société, chahutée par de nombreuses difficultés financières.

Une situation critique que Jérôme Fabre avait déjà expérimentée lors de sa première prise de fonction, alors qu’il était jadis, à 41 ans, le plus jeune directeur nommé à la tête de la Vieille Dame. Le quadragénaire avait notamment mis en place un plan de performance de l’entreprise, dans la continuité du plan d’amélioration de sa compétitivité. L’idée était alors de parvenir à un coût de production hors investissement (cash cost) de 4,5 dollars US par livre de nickel produite à la fin 2017 pour un coût actuel de 8,2 dollars US par livre en moyenne en 2022.

De nombreux défis alors que la SLN est dans la tourmente 

Pour son nouveau mandat à bord du « navire » SLN, le challenge s’annonce tout aussi difficile pour Jérôme Fabre, voire plus corsé encore.  Il y a quelques mois, la Vieille Dame était au bord de la cessation de paiement. Un prêt d’urgence de 4,8 milliards de francs de l’État l’avait tirée temporairement de l’ornière, mais la société doit encore opérer d’importantes économies et restructurations pour espérer pérenniser son activité et gagner en compétitivité.

En 2022, La société Le Nickel a enregistré son 11e exercice déficitaire d’affilée, avec un résultat net de -29,8 milliards après -1,3 milliard en 2021 et -8,5 milliards en 2020. A cela s’ajoute une crise énergétique majeure et une baisse des cours du nickel qui font que la SLN consomme près de 2 milliards de francs de trésorerie par mois. Une alimentation électrique à des coûts compétitifs est notamment recherchée pour prendre le relais de la Centrale temporaire accostée en 2025, gourmande en fuel.

L’amélioration de la compétitivité demeure essentielle tant la concurrence internationale est de taille, y compris au sein du groupe Eramet. Weda Bay, fleuron du groupe en Indonésie, est ainsi devenue la première mine de nickel au monde, avec un positionnement sur le premier quartile de la courbe des coûts de l’industrie, loin devant la SLN. Ce complexe produit notamment de la fonte brute de nickel (NPI), un ferronickel à faible teneur que certains considèrent comme « concurrent » dans certains usages du SLN25 produit à Doniambo.

Sur le front de ses centres miniers, La Société Le Nickel est par ailleurs au cœur de conflits environnementaux et fonciers à Poum, où elle a dû interrompre son activité minière, consécutivement à la suspension d’autorisations d’exploitation par les autorités.

Des enjeux éminemment politiques

Dans ce contexte particulièrement critique, le nouveau directeur parviendra-t-il à redresser la barre de la plus vieille société minière et métallurgique du Territoire ? Dans un communiqué, la SLN assure que « en plus de sa grande connaissance de la Nouvelle-Calédonie et de la SLN, Jérôme Fabre apportera son expérience managériale dans des contextes exigeants et aura en particulier la mission de travailler avec les différentes parties prenantes à la construction d’une solution pour la SLN qui préserve les intérêts du groupe et sa filiale ».

A l’approche de la sortie de l’accord de Nouméa, les enjeux seront par ailleurs éminemment politiques. Les appétits s’aiguisent en effet autour de la SLN et de son domaine minier, que les trois provinces détiennent aujourd’hui à 34 % via la STCPI dans laquelle les indépendantistes aimeraient voir leur participation augmenter. C’est à Jérôme Fabre que reviendra la lourde tâche de dialoguer avec les uns et les autres.

Quant à Guillaume Verschaeve, il quittera prochainement la Nouvelle-Calédonie pour rejoindre la Setrag, la société concessionnaire du chemin de fer gabonais, en tant que directeur délégué. Dans un communiqué, la SLN remercie Guillaume Verschaeve pour son implication « dans un contexte économique fortement dégradé ». La SLN salue ses « qualités humaines de perspicacité, d’écoute et de respect ».

Béryl Ziegler pour Actu.nc