Attirés par la promesse d'un océan Pacifique paradisiaque, des centaines de touristes partis en vacances en Nouvelle-Calédonie se sont retrouvés coincés par l'armée française et les émeutes, alors que l’aéroport international de La Tontouta est fermé et les compagnies coulées au sol. Une « situation inquiétante » témoigne certains d’entre eux.
Nicholas Agustin, 36 ans, propriétaire d'une entreprise de peinture australienne, a atterri à Nouméa, la principale ville de cet archipel français du Pacifique sud, avec sa petite amie, la semaine dernière, dans le but d'explorer l'île et de profiter de ses paysages.
A son arrivée, il a vu quelques manifestants paisibles à l'extérieur de l'aéroport. Mais « les jours suivants, il y avait beaucoup de gens qui descendaient dans la rue avec des banderoles », a-t-il déclaré à l'AFP. C'est au retour d'une excursion sur l'île que le couple a appris les restrictions sécuritaires. « Nous avons vu des hommes cagoulés munis de bâtons. Il y avait de la fumée en plein centre-ville », a-t-il ajouté.
Sur son site internet, l'Office du tourisme de Nouvelle-Calédonie invite les visiteurs à venir « percer les mystères » de l'île qui abrite le plus grand lagon du monde et vante la perfection de ses « plages aux allures de carte postale ». Le tourisme, une industrie primordiale pour l'archipel, a été mis à mal par la pandémie de Covid-19 mais a retrouvé de sa superbe l'année dernière avec la venue de 125 900 vacanciers, selon le gouvernement local et ce, malgré les quelques attaques de requins, dont une mortelle, début 2023.
Mais depuis lundi, les séjours des touristes venus visiter l'île ont mal tourné et les vacances se sont transformées en cinq jours de violences, les plus meurtrières depuis quarante ans, qui ont déjà fait cinq morts et des centaines de blessés. L'aéroport international de La Tontouta, contrôlé par l'armée et sécurisé par des troupes envoyées en renfort, a suspendu les vols commerciaux jusqu'au 21 mai, au plus tôt.
« La situation est effrayante »
Devant les magasins, de longues queues se sont formées pour acheter de la nourriture et des vivres. Le couple commence à manquer de nourriture, selon Nicholas Agustin. « Si cela continue, je ne sais pas ce qu'il va se passer », s'inquiète-t-il, en précisant qu'ils n'ont jusqu'à présent reçu aucune aide du gouvernement australien. Le Consul général d’Australie a toutefois mis en place une ligne téléphonique pour ses ressortissants ayant besoin d’assistance.
Sur place, des groupes indépendantistes ont dressé des barrages routiers sur l'île principale, faisant flotter le drapeau kanak, brûlant des pneus et ralentissant le trafic. D'autres habitants, certains armés et organisés en « milices », ont empilé du mobilier de jardin, des cageots et autres objets dans le but de mettre en place des barricades au sein des quartiers résidentiels.
Pour Sophie Parkinson, « la situation est terrifiante ». Elle s'est rendue à Nouméa pour le travail, où son fils et son mari devaient la rejoindre pour des vacances mais « ils ne sont pas venus et maintenant je suis bloquée ici, sans savoir quand que je pourrais retourner chez moi », craint-elle. Elle s'est installée chez son père, qui vit sur l'île, et aide ses voisins à protéger leur quartier. « Quand nous sortons faire des courses, nous risquons nos vies », raconte-t-elle.
Nicole George, une professeure australienne, s'est également rendue en Nouvelle-Calédonie pour des raisons professionnelles.Près de son hôtel ont été construites des barricades, gardées par des résidents munis de battes de baseball. « La situation est très tendue. Les gens sont à bout, ils sont terrifiés et fatigués », témoigne-t-elle.
Dans les magasins, les étals sont vides et certains boulangers conseillent aux clients de réserver leur pain un jour à l'avance, raconte Nicole George. Les réseaux sociaux sont parsemés de messages d'appels à l'aide écrits par des touristes et visiteurs. Les diplomates australiens ont dès lors dû faire face à la colère des ressortissants coincés en Nouvelle-Calédonie, de nombreux touristes venus visiter l'île étant issus de ce pays voisin.
Annelise Young, la consule générale d'Australie à Nouméa, a évoqué une « période pénible » pour les touristes et les a pressés de s'enregistrer sur le portail de crise du Ministère australien des Affaires étrangères. Mais avec les vols commerciaux suspendus, les voyageurs risquent de subir une attente longue et angoissante. La compagnie AirCalin a, par ailleurs, suspendu ses opérations jusqu’à mardi prochain.
Avec AFP